15 juillet 2022 5 15 /07 /juillet /2022 17:32

N°11 | Parfums, Poésie & Genre | Critique & réception / Critique cinématographique​​​​​​

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Compétition officielle"

 

Film de Mariano COHN & Gaston DUPRAT, 2022

 

Avec Penélope CRUZ, Antonio BANDERAS

 

& Oscar MARTINEZ

 

 

 

 

 

 

Camille Aubaude

 

 

 

 

 © Crédit photo : L'affiche du film Compétition officielle, image du visuel prise par LPPDM. 

 

 

 


 

« Compétition » entre deux méga stars masculines dirigées par une femme. « Officielle » car le film dont il est question dans le film va « aller à Cannes »,  au Festival de Cannes, ce qui n’est pas sans critères ni contraintes. 

Aux dires de l’un des réalisateurs, les scènes se fondent sur les expériences vécues des acteurs. L’art de faire éprouver des émotions « au récepteur d’un message », comme on le disait dans les années 1980, est expliqué du même coup. Il n’a rien d’instinctif, le métier d’acteur… Traité comme une sublimation du narcissisme, ce métier jadis considéré comme vil — sans naturel donc sans calice* —, donne ici l’essence du détachement. Ce qui nous procure un plaisir intellectuel. L’unique scène d’amour, nonobstant les étreintes avec de belles putes, est d’une merveilleuse virtuosité. Les deux stars en compétition sont incapables de donner du plaisir à la fille du producteur que la réalisatrice adore. Trois acteurs font la même chose de façons différentes ! et tout se passe sous le regard du papa-producteur, personnage et spectateur autant dénué d’instinct que de jugement, mais...

Il est directeur de laboratoires pharmaceutiques. Le cilice n’est jamais loin. Ainsi, le « mauvais goût » des cadeaux d’anniversaire pour les quatre-vingts ans de ce milliardaire est l’incipit du récit. La caméra les balaie de droite à gauche, de gauche à droite, de façon à mimer la sincérité. Un appel à la dérive, une vanité mélancolique… Non contents de faire du « cinéma dans le cinéma », les auteurs s’appuient sur un roman qui a eu le Prix Nobel, dont l’intrigue montre la rivalité entre deux frères, thème plus qu’éculé, les deux hommes n’étant ni papes ni cardinaux mais directeur de théâtre et star hollywoodienne. Ils se battent pour une ancienne prostituée devenue mère, jouée par la fille du producteur.

C’est très drôle, à voir absolument, assurés d’être divertis sans déception. Certes, sous les poncifs variés, qui captent l’attention par leur sens du comique, un sens profond circule, puissant comme les systèmes cosmogoniques des civilisations sans livre (voir en ce moment les Trésors du Pérou, à la Cité de l’Architecture, Paris). L’esprit intense d’Almodovar, et un urtext à la Jacques Tati... Le dénouement est forcément surprenant. D’une grande teneur artistique. Il s’avère hybride : une lecture corporelle, suivie d’une lecture spirituelle d’une signification vertigineuse, servie par l’exceptionnelle beauté et l’exceptionnel talent de LA Cruz.

 

« Moi, moi et encore moi » est la posture la plus constante pour se cloisonner. En même temps, le scénario décloisonne les rapports entre hommes et femmes par un jeu où il n’y a pas de vérité. Seulement s’entraîner au combat, mimer la vérité, se rouler sur le sol et dire pouce tandis que le rideau tombe. Le tout nourri de techniques narratives efficaces, pour aboutir à des situations extrêmes donnant à voir ce que l’on ne peut voir par soi-même. Ces scènes théâtrales s’érigent face à l’absolue nécessité « de ne pas interrompre la chaîne de la lignée » (voir Jacques Ruffié, Le Sexe et la Mort. Introduction**). 

 

Ce film capable de générer des thèses lance un clin d’œil aux Indios, aux récoltes spirituelles tant convoitées (voir l’Or du Pérou…). Mis dans une situation absurde, où ils côtoient un cosmonaute, ils sombrent dans l’infantilisme nonnain. Reste à générer un poème :

 

 

Tout est prêt pour inviter la Maat

La plume intègre voltigeant dans le désert.

Les rivages immaculés sont des trophées broyés.

Le mime est l’arme des informes

telle l’étoile d’Hollywood déguisée en astronaute

s’opposant à de joyeux sauvages.

Quand le Dieu meurt, la Croix parle

ce qui est plus clair que le Vent.


 

 

Le drame de la vie se décrypte dans la tragédie de la compétition pour naître, demeurer (= se reproduire, aimer, créer, et tutti quanti), mourir. 

Je recours au biologiste Jacques Ruffié — longuement écouté au Collège de France —, car il réintroduit une parfaite expression du sens du film, sans que la force et la portée profonde en souffrent, et parce que Mariano Cohn et Gaston Duprat se situent au niveau qui est sans doute le plus juste : 

« Chaque être vivant, la puce comme la baleine, la pâquerette comme le séquoia est un acteur qui joue toujours la même tragédie, même si les modalités en sont innombrables » (ibid.)


 

* Voir les préfaces de Racine (notamment à Iphigénie) s’excusant auprès des religieuses de Port-Royal qui l’ont éduqué dans le profond mépris du théâtre. Et mon poème Calice

 

** Réf. URL : https://books.google.fr/books/about/Le_Sexe_et_la_Mort.html?id=BPhFDAAAQBAJ&printsec=frontcover&source=kp_read_button&hl=fr&newbks=1&newbks_redir=1&redir_esc=y



 

© Camille Aubaude

 

 

***

 

Pour citer ce texte inédit

 

Camille Aubaude, « "Compétition officielle". Film de Mariano COHN et Gaston DUPRAT, 2022. Avec Penélope CRUZ, Antonio BANDERAS et Oscar MARTINEZ », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques ​​​: N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre », mis en ligne le 15 juillet 2022, Url :

http://www.pandesmuses.fr/no11/ca-film-competitionofficielle

 

 

 

Mise en page par David

 

© Tous droits réservés

 

Retour au sommaire du N°11

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 11 Art cinématographique

Bienvenue !

 

LE SITE « PANDESMUSES.FR » DEVRA BASCULER EN HTTPS DÈS LA FIN DE SA MAINTENANCE ET LE COMPTAGE DE SES PAGES À ACTUALISER. CELA PRENDRA DES MOIS VOIRE UN AN. NOTRE SITE AURA AUSSI UN THÈME GRAPHIQUE UN PEU DIFFÉRENT DU THÈME ACTUEL. POUR UNE MAINTENANCE À COMPTER DU 20 OCTOBRE 2023. CETTE OPÉRATION POURRAIT PERTURBER VOIRE RALENTIR LA MISE EN PAGE DE NOUVEAUX DOCUMENTS. MERCI BIEN DE VOTRE COMPRÉHENSION ! 

Rechercher

Publications

Dernière nouveautés en date :

VOUS POUVEZ DÉSORMAIS SUIVRE LE PAN POÉTIQUE DES MUSES  SUR INSTAGRAM

Info du 29 mars 2022.

Cette section n'a pas été mise à jour depuis longtemps, elle est en travaux. Veuillez patienter et merci de consulter la page Accueil de ce périodique.

Numéros réguliers | Numéros spéciaux| Lettre du Ppdm | Hors-Séries | Événements poétiques | Dictionnaires | Périodiques | Encyclopédie | ​​Notre sélection féministe de sites, blogues... à visiter 

 

Logodupanpandesmuses.fr ©Tous droits réservés

 CopyrightFrance.com

  ISSN = 2116-1046. Mentions légales

À La Une

  • 2024 | Charmille de Poèmes pour Toutes à l'École et La Journée Internationale des Droits des Filles
    Venez célébrer le 11 octobre avec nous. Vous pouvez contribuer à cette Charmille de poèmes 2024 jusqu'au 22 octobre compris. LE PAN POÉTIQUE DES MUSES VOUS PRÉSENTE L'ÉVÉNEMENT POÉFÉMINISTE CHARMILLE DE POÈMES POUR TOUTES À L'ÉCOLE ET LA JOURNÉE INTERNATIONALE...
  • la colère de la terre se réveille
    N° III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Dossiers majeur & mineur | Florilèges | Astres & animaux / Nature en poésie | S'indigner, soutenir, lettres ouvertes & hommages la colère de la terre se réveille Écopoème bucolique & 2 images fournies par...
  • AUTOMNE 2024 | NO IV | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941)
    AFIN DE RÉPONDRE À VOS NOMBREUSES DEMANDES DE PUBLICATION REÇUES EN FIN AOÛT ET EN SEPTEMBRE DANS NOTRE NUMÉRO DE L'ÉTÉ, NOUS PROLONGEONS UNIQUEMENT LA MISE EN LIGNE DES CONTRIBUTIONS SÉLECTIONNÉES PAR LA RÉDACTION JUSQU'AU 15 OCTOBRE. LE PAN POÉTIQUE...
  • Le fanfaron
    Événements poétiques | Charmille de Poèmes pour Toutes à l'École & La Journée Internationale des Droits des Filles & N° III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Poésie & Littérature pour la jeunesse Le fanfaron Poème engagé par Berthilia Swann Crédit...
  • le cri de la terre
    N° III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Dossiers majeur & mineur | Florilèges | Travestissements poétiques | Astres & animaux / Nature en poésie le cri de la terre Écopoème lyrique par Françoise Urban-Menninger Blog officiel : L'heure du poème...
  • Confidences sur le tas
    N° III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Dossier mineur | Florilège Confidences sur le tas Poème de Louise Hudon Crédit photo : Barbara Regina Dietzsch, « A Hyacinthe with a dragonfly », peinture tombée dans le domaine public, capture d'écran de...
  • CARNET DE VOYAGE :  Été 2024 à Manhattan
    III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Dossier mineur | Articles & témoignages | Revue culturelle des continents / Revue culturelle des Amériques CARNET DE VOYAGE : Été 2024 à Manhattan Témoignage & photographies par Maggy de Coster Site personnel...
  • Insomnies perpétuelles, poèmes de Mona Azzam. Recueil paru aux Éditions Ex Aequo
    N° III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Dossiers majeur & mineur | Articles & témoignages | Critique & réception Insomnies perpétuelles, poèmes de Mona Azzam. Recueil paru aux Éditions Ex Aequo Critique par Françoise Urban-Menninger Blog officiel...
  • Mais où est donc passée notre humanité ?
    N° III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Dossier majeur | S'indigner, soutenir, lettres ouvertes & hommages | Revue poépolitique Mais où est donc passée notre humanité ? Lettre ouverte par Mona Azzam Crédit photo : W. B. Richmond, « The Crown of...
  • Barbara Henkes, l’artiste qui nous restitue le charme discret des légumes
    N° III | ÉTÉ 2024 | Florapoétique / 1er Volet | Dossier majeur | Articles & témoignages | Astres & animaux | Cuisiner en poétisant Barbara Henkes, l’artiste qui nous restitue le charme discret des légumes Écotexte par Françoise Urban-Menninger Blog officiel...