8 septembre 2023 5 08 /09 /septembre /2023 15:36

N°14 | Les conteuses en poésie | Entretiens poétiques, artistiques & féministes & REVUE ORIENTALES (O) | N° 3 | Entretiens

 

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Hala MOHAMMAD : « Avant d’être cinéaste,

 

 

je suis d’abord une poète. »

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par

 

Hanen Marouani

 

 

Entrevue avec

 

Hala Mohammad

 

 

 

​​​​​​© Crédit photo : Portrait photographique de la poète Hala MOHAMMAD.

Biographie

 

Hala MOHAMMAD

Poète syrienne

 

Est née à Lattaquié, sur la côte syrienne. Après avoir effectué des études de cinéma en France, elle a travaillé dans le milieu du cinéma syrien. Elle a réalisé plusieurs courts métrages, des documentaires sur le thème de la littérature en prison et a été assistante réalisatrice sur deux longs métrages, et costumière sur différents longs métrages, tous tournés en Syrie, tandis que ses recueils paraissaient au Liban. Connue dans le monde littéraire arabe, elle contribue régulièrement à divers journaux et a été traduite dans de nombreuses langues (anglais, français, allemand, suédois ou encore turc).

Elle a publié huit recueils de poésie en arabe. Le premier L’âme n’a pas de mémoire a été publié à Damas en 1993 par le Département de publication dirigé à l’époque par le philosophe syrien Antoun Al Makdidi. Le deuxième Sur ce Blanc Fade a été publié à Amman en 1998 par l’Institut arabe de publications. Elle a publié quatre recueils à Beyrouth aux éditions Riad El- Ryyes Books dont le recueil Ce peu de vie en 2001.

À la fin de 2011, menacée d’arrestation par le régime syrien de dictature, elle a pris la route de l’exil comme des millions de syriennes et de syriens. Elle vit aujourd’hui en France, où elle a publié deux recueils Prête-moi une fenêtre (2018) qui paraîtra aussi au Danemark le 27 octobre 2023 aux éditions Screaming Books Foundation et Les hirondelles se sont envolées avant nous (2021) en français aux éditions Bruno Doucey, les deux livres sont déjà parus en arabe aux éditions Alutawassit-Milano.

Entre 2005 et 2006, elle a réalisé plusieurs documentaires sur le thème de la littérature des prisons, des films qui dénoncent l’emprisonnement des artistes et des intellectuels pendant la période de la présidence d’El-Assad père. Parmi lesquels Lorsque le Quassion est fatigué sur le poète syrien Mohammed Al Maghouth, Voyage dans la mémoire et Pour un morceau de gâteau.

À son arrivée en France, elle a cocréé l’association NORIAS d’échanges interculturels et a dirigé le ciné-club syrien à Paris pendant quatre ans d’avril 2014 à mai 2016. Ensuite, du début 2014 à la fin de 2015, elle a eu carte blanche pour animer des soirées poétiques à l’Institut des Cultures d’Islam ICI à Paris. Elle est actuellement dès l’année 2023 parmi l’équipe des poètes présentateurs et animateurs du festival de Sète – France.

 

​​​​​​© Crédit photo : Couvertures des recueils de poésies les plus récents de la poète Hala MOHAMMAD « Prête-moi une fenêtre » & « Les hirondelles se sont envolées avant nous ».

 

Bibliographie

Poésie 

L’âme n’a pas de mémoire 

Sur ce Blanc Fade 

Ce peu de vie 

Cette peur 

Comme si je frappais à ma porte 

Le papillon a dit 

Prête -moi une fenêtre

Les hirondelles se sont envolées avant nous.

Filmographie

Voyage dans le mémoire

Lorsque le Quassion est fatigué

Pour un morceau de gâteau 

Nous en avons autant !

Un film a été fait sur Hala Mohammad en 2012 pour the Arab Spring poets. Un Opéra a été mis en scène par la réalisatrice Allemande d’Opéra Verena Stopper sur le l4ème exil de l’Égypte de Händel, dans lequel le récit d’un exil moderne, celui des syriens en 2011, a été évoqué à travers la poésie de Hala Mohammad.

Entrevue

« Hala MOHAMMAD : « Avant d’être ci​néaste, je suis d’abord une poète. »

Hanen MAROUANI – Pourriez-vous nous partager votre parcours en tant que poète ? Évoquez comment vous avez écrit votre tout premier poème, s’il vous plaît.

Hala MOHMMAD – Mon premier poème est une ode à la beauté des herbes et aux brises légères d’air, des éléments naturels qui avaient le pouvoir de réveiller en moi des émotions profondes, tout comme la nature elle-même qui semble exprimer, à son tour, ses propres sentiments. J’ai toujours vu les émotions comme les fragrances de l’âme, parfois empreintes de joie, parfois chargées de douleur.

C’est dans ces moments de silence, entre la joie et la tristesse, entre les mots et les respirations, que j’ai découvert ma voie vers la poésie. Mon lien avec les autres est indissociable de mon parcours poétique. C’est la connexion entre le « moi » et les autres qui m’a poussée à explorer les rives de la poésie tout en étant profondément influencée par le rôle significatif des chansons dans la vie quotidienne, particulièrement en Orient et en Syrie. Toute cette atmosphère a vraiment influencé et a façonné mon amour pour les mots. Ce qui a vraiment nourri et alimenté mon imagination, ce sont les nuances qui composent une chanson et les infimes écarts entre la voix et sa réception, entre la voix de ma mère qui semblait s’étendre jusqu’à toucher la lune et l’horizon, créant ainsi un lien profond entre l’art de la musique et ma propre créativité poétique. C’est cet émerveillement pour la magie de la musique et de la voix qui m’a inspirée et qui a fait naître en moi l’irrésistible désir d’écrire de la poésie.

 

Hala Mohammad, qu’est-ce qui vous inspire le plus dans votre travail créatif ?

H.M – Mon parcours poétique tire son inspiration de sources diverses, chacune jouant un rôle essentiel dans ma passion pour l’art de la poésie. La nature, avec ses splendeurs et ses mystères, a été l’une de mes premières muses. J’ai ressenti une connexion profonde avec elle, une harmonie entre mes émotions intérieures et les phénomènes naturels qui m’entouraient. La voix de ma mère, empreinte de mélodies arabes envoûtantes, a également été une source d’inspiration inestimable. Ces chansons arabes ont bercé mon enfance et ont tissé un lien indéfectible entre la musique, la langue et mes émotions.

Puis, il y a cette fascination pour la notion de distance, une magie qui opère entre le « moi » et les autres. Cette distance, qu’elle soit physique ou émotionnelle, m’intrigue profondément et m’attire vers le monde de la poésie.

Mon père, maître de la langue arabe, a fait de l’amour pour la poésie une part essentielle de notre quotidien familial. Ses enseignements et son influence ont marqué mon parcours, m’imprégnant d’un amour durable pour les mots et pour les vers.

Mon enfance a été marquée par des moments empreints de courage, de beauté, de nostalgie et d’attente. Ces expériences ont laissé une empreinte indélébile dans ma mémoire, formant une partie précieuse de ma sensibilité artistique. La mémoire collective qui imprègne notre être, a indéniablement contribué à faire émerger une sensibilité distincte dans mes écrits et mes réalisations cinématographiques.

 

Avez-vous envisagé d’intégrer votre poésie dans la création de vos films documentaires ?

H.M – Non. À mon avis, le retour le plus gratifiant que je puisse recevoir est lorsque l’un de mes films est qualifié de cinéma poétique ou de poésie cinématographique.

 

De votre premier film à votre dernier poème, vous avez constamment mis en lumière les relations complexes entre la liberté et la condition féminine, entre le passé et l’avenir, entre l’exil et la patrie. Pourquoi cette récurrence de thèmes ?

H.M – J’éprouve une profonde affection pour autrui, la liberté et la beauté, car ils enrichissent notre humanité d’une beauté à la fois intérieure, symbolique et énigmatique. Cette beauté, parfois difficile à définir ou à saisir, pourrait bien être le reflet de la justice. La liberté est comparable à une respiration essentielle qui éclaire nos vies. Elle nous permet de regarder l’autre à travers notre propre prisme, de percevoir le monde de notre propre regard.

La justice, bien qu’universelle, possède une dimension féminine, ancrée profondément dans l’histoire en tant qu’élément étroitement lié à l’amour. Cette caractéristique transcende les genres pour devenir un attribut intéressant à la femme.

J’ai vu le jour et vécu dans la splendide Syrie. Cependant, les cinquante années de dictature qui ont régné, ont étouffé la diversité des genres, opprimé la liberté et érodé l’égalité, afin de préserver un pouvoir unique et immuable. Cette dictature s’est allée aux extrémistes pour museler toute forme de liberté. C’est pourquoi, pour moi, la féminité symbolise la main de la justice, toujours tendue pour instaurer l’égalité et restaurer la liberté. Je suis fière de mon peuple qui a pris en main son histoire et qui a osé dire « non » à la dictature. La liberté a toujours été une nécessité, une urgence et jamais un luxe. Sinon, l’oxygène serait un luxe, tout comme la lune…et l’amour.

 

Quelle a été la motivation derrière votre transition vers la poésie après une carrière prolifique dans le cinéma ?

H.M – Avant d’être cinéaste, je suis d’abord une poète. J’ai entrepris des études en cinéma à Paris 8 en France, dans l’espoir de découvrir la poésie que les mots seuls ne parvenaient pas à exprimer. À mes yeux, toute forme d’art porte en elle une dimension poétique.

 

Avez-vous intentionnellement cherché à refléter une similitude entre votre approche cinématographique de la souffrance liée aux frontières et votre écriture sur ce même thème ?

H.M Oui, je demeure la même personne, utilisant ma voix pour narrer mon propre récit. Ces moyens d’expression, je les ai hérités de ma langue et de ma culture arabes, avec leur richesse et leurs vastes horizons imaginaires. Les frontières que je questionne ne se limitent pas à la vie et la mort, mais englobent notre existence, coincée entre les rives de ces deux réalités, qui parfois restreignent notre créativité et notre imagination.

Cependant, la frontière qui m’importe le plus est de nature politique. Elle incarne l’injustice, l’inhumanité, les conflits, la haine, le racisme, ainsi que toutes les souffrances endurées par l’humanité à cause des dictatures et du système libéral sauvage qui accentue la pauvreté et creuse le fossé social. Cette frontière est le résultat de la culture de barbarie et du règne de la famille Assad, qui s’est maintenue au pouvoir pendant plus de 50 ans avec le soutien des forces internationales. À mes yeux, il s’agit d’une des frontières les plus cruelles qui soit.

Pourtant, je crois que les distances ne sont pas seulement des obstacles, mais aussi des sources de désir qui nous poussent à aller à la rencontre des autres, à plonger au plus profond de nous-mêmes, et ce, grâce à la magie de la poésie.

 

Pouvez-vous nous partagez vos poèmes préférés parmi ceux qui ont été traduits de l’arabe vers le français dans vos recueils édités par Bruno Doucey, à savoir, « Les hirondelles se sont envolées avant nous » et « Prête-moi une fenêtre » ? Pourquoi ces poèmes en particulier ont-ils une signification spéciale pour vous ?

H.M – Je crois profondément que la signification de chaque poème est unique pour chaque lecteur, car elle est influencée par leurs expériences personnelles, leurs émotions et leurs perspectives uniques. Dans mes recueils, je m’efforce de créer une toile d’émotions et d’imaginaire qui permet à chaque lecteur de trouver sa propre vérité et sa propre compréhension. Ainsi, mes poèmes forment un ensemble cohérent, mais chaque lecture offre une exploration nouvelle et enrichissante, révélant des détails et des émotions qui touchent le cœur de chacun de manière unique.

 

Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a motivé à choisir Bruno Doucey, l’éditeur français, pour la publication de vos poèmes ?

H.M – En tant que poète, c’est un véritable bonheur que de voir des œuvres publiées par la maison d’édition Bruno Doucey. Cette maison d’édition, au fil du temps, ne se contente pas d’être une simple adresse publique, elle devient une adresse personnelle, un lieu où l’âme poétique peut s’exprimer en toute liberté. Ma rencontre avec mon éditeur s’est produite lors du Marché de la Poésie en 2015, puis au magnifique festival de poésie de Sète en 2016, sous la direction éclairée de Maithé Vallés-Bled.

L’une de mes poésies, extraite du recueil publié en arabe intitulé « Le papillon a dit » en 2013, a été sélectionnée pour figurer dans l’anthologie du festival de Sète. Cette anthologie a été publiée par la personne qui allait devenir, par la suite, mon éditeur attitré. En 2018, mon tout premier recueil, « Prête-moi une fenêtre », a vu le jour, suivi en 2021 par « Les hirondelles se sont envolées avant nous ». Au fil de ces années, une amitié s’est tissée entre moi et Bruno Doucey, ainsi qu’avec toute l’équipe de cette maison d’édition.

 

Pouvez-vous partager avec nous votre expérience de collaboration avec le traducteur de vos deux recueils ?

H.M – J’ai résolument choisi Antoine Jockey, un traducteur émérite, pour donner vie à mes poèmes en français. Sa réputation est solidement établie, ayant déjà brillamment traduit maints poètes arabes que j’admire profondément. Ce qui m’enthousiasme tout particulièrement dans sa démarche, c’est la façon dont il édifie le poème dans la langue de Molière. Il réalise une véritable réécriture qui préserve, voire embrasse, le rythme profond de l’original, ou du moins s’en rapproche sensiblement.

Cette expérience m’a permis de prendre pleinement conscience de l’importance cruciale de la traduction dans nos vies. Le métier de traducteur est véritablement noble, car il construit des passerelles entre les cultures et les langues, contribuant ainsi à un enrichissement mutuel inestimable. 

 

Avez-vous eu l’occasion de collaborer avec des auteurs d’autres nationalités pour co-écrire des poèmes ou des textes ?

H.M – Non.

Quels effets ou impressions aimeriez-vous susciter chez vos lecteurs grâce à votre style d’écriture ?

H.M Bien sûr, je désire ardemment que ma poésie suscite de l'amour ou qu'elle permette au lecteur de saisir pleinement la nature de la poésie. Les rencontres poétiques jouent un rôle vital dans le tissage de liens et la facilitation de la communication entre diverses cultures. Elles revêtent une importance cruciale en tant qu'initiative. Le poète les recherche pour éclaircir ses doutes, valider ou réfuter ses hypothèses, ainsi que pour confirmer ou réfuter ses vérités.

 

Pourquoi pensez-vous qu’il soit particulièrement important de vivre de manière poétique, surtout dans le contexte actuel ?

H.M – La poésie représente l’essence de la vie elle-même. Face à la violence, aux conflits et à la montée de la barbarie, la poésie persiste comme l’âme immuable de notre existence quotidienne à travers les âges. Elle incarne une force à la fois juste et douce, peut-être même la déesse intemporelle de tous les temps. 

 

En quelques mots, quelle est la signification de la Syrie pour vous ? 

H.M La Syrie, c’est mon pays plongé dans une tragédie, victime d’une trahison internationale en faveur de la dictature. C’est la terre des poètes, des maisons chaleureuses et familiales, baignée de soleil, le berceau de la culture et de la lune. C’est l’olivier, symbole de paix et d’abondance. La Syrie incarne l’union entre le soleil et la lune, le lieu où l’amour de ma mère a pris racine. Elle symbolise le courage d’un peuple désarmé et l’art de vivre dans l’adversité. 

 

Et la France ?

H.M – La France incarne une terre riche en civilisation, culture et histoire, tout en étant une terre accueillante. C’est le pays qui allie harmonieusement les lumières et les ombres, créant ainsi une palette de nuances inégalée. Pour moi, c’est le berceau du sourire et des éclats de rire de ma petite fille, une terre où la vie s’épanouit pleinement.

 

À la fin, que diriez-vous à ceux qui souhaitent se lancer dans l’écriture des textes poétiques ?

H.M – La poésie mérite de s’engager dans cette aventure et de s’épanouir au sein de ce rêve. Elle est omniprésente, à portée de tous, accessible comme contempler la lune à travers sa fenêtre. Elle évoque à la fois la douleur et la félicité, une alchimie où ces deux sentiments se mêlent harmonieusement. C’est cette magie qui insuffle le courage de dépasser les frontières, de repousser les limites, et d’explorer des horizons inconnus. 

 

© Ces propos ont été recueillis par Hanen Marouani en septembre 2023.

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Pour citer cet entretien illustré & inédit

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​Hanen Marouani, « Hala MOHAMMAD : “Avant d’être cinéaste, je suis d’abord une poète.” », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 14 | ÉTÉ  2023 « Les conteuses en poésie », volume 1 & Revue Orientales, « Les conteuses orientales & orientalistes », n°3, volume 1, mis en ligne le 8 septembre 2023. URL : 

http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no3/no14/hmarouani-entrevueavechalamohammad

 

 

 

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11 février 2023 6 11 /02 /février /2023 17:00

N°12 | Poémusique des femmes & genre | Chroniques de Camillæ | Revue culturelle d'Europe 

 

 

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Le film : Tàr

 

 

 

 

 

 

Camille Aubaude

Sites officiels : http://www.camilleaubaude.com/

& www.lamaisondespages.com/

Blog officiel : https://camilleaubaude.wordpress.com/


 

 

 

Tàr est une leçon de droiture, et l’on en sort la tête haute, rétablie dans sa féminité d’exception, dont l’élan, la vivacité suscitent hélas la jalousie. C’est un film qui démontre le manège de la culture dominante virile, porteuse de destructio

La blonde actrice est au début très formatée afin que la narration s’enclenche. Elle ne nous lâche pas, cette personnalité célèbre féminine reconnue pour ses compétences : Lydia Tàr. La fascination se poursuit sans faiblir pendant 2h30, malgré des scènes dures. Cette violence rythme une bande-annonce qui occulte un des intérêts majeurs du film : explorer à fond l’amour pour la musique. La « bio » de cette cheffe transgenre est révélée à sa juste mesure, avec la dépression qui escorte un immense talent, et, en toile de fond l’Amazonie devenue une référence omniprésente.

 

Les rapports lesbiens sont toujours présentés par les hommes de la même façon (voir le film de Brian de Palma). Le discours sur l’art ne déroge pas non plus à une affèterie de circonstance. Je ne peux la qualifier d’« académique», car elle est le fruit des cours d’écriture de scénarios, et cela vaut peut-être mieux qu’un relâchement organique, lui aussi devenu assez commun. Par bonheur, ça prend, ça nous prend. Dans les scènes qui se succèdent, la chanson de Lydia à l’accordéon pourrait presque sortir des cadres, comme une chanson de L’Opéra de Quat’sous. Elle chante en réponse aux prédateurs de l’immobilier, des harceleurs in domus. C’est un de ces beaux événements de frénésie qui rendent ce film aussi léger qu’un songe.

 

Ce cadre puissant des techniques médiatiques inclut forcément le parcours de la gloire à la décadence — illustré par le « Loup de Wall Street ». Les luxueux intérieurs modernes ne sont pas épanouissants. Puis c’est forcément la déchéance dans un Tiers Monde qui montre que les évasions dans cette réalité signifient justement la déchéance. Parmi toutes les exactions que l’on peut pratiquer à l’encontre d’une femme d’exception, la trahison des proches, comme la secrétaire privée, est ce qui inspire le grand dégoût. La duplicité et l’infidélité des jeunes que l’on adoube (telle la violoncelliste russe) sont à la mesure de leurs turpitudes.

 

Puisqu’il en faut encore plus pour contrebalancer le talent, il y a les coups bas entre collègues (et rivaux), il y a la diffamation, les fausses accusations devant des juges zélés qui laissent leurs sentes de souillure, sachant qu’à long terme les accusations mensongères sont toujours un mauvais calcul, car il y aura toujours quelqu’un pour démasquer les tyrans envieux. Le film ne montre pas la pire chose que l’on peut faire à une femme, le viol en réunion. La grosse machine médiatique qui met au ban de la société une artiste jalousée suscite l’émotion de l’ange déchu. Lydia Tàr est détestée par ceux qu’elle rejette, et qui se vengent au moyen d’une justice qui ne devrait plus porter ce nom. Pétra, la petite fille du couple de musiciennes, énonce à Lydia la simple vérité : « Je n’ai jamais rencontré une personne aussi belle que toi ».

Un manichéisme habillé de thèmes en vogue sert de corset à cette histoire voluptueusement inquiétante. La force intellectuelle de l’héroïne accompagne le sentiment que rien ne peut se dérouler autrement parmi les ingrats, les lâches, les malfaisants, dont les valeurs dénient la femme d’exception. Dès le début, la référence au Pérou par un chant a capella des peuplades primitives, annonce la nécessité d’arrêter l’écocide qui a lieu sous nos yeux. La louable intention de ne pas voir disparaître les peuples amérindiens revient à la fin du film. Alors que soixante pour cent des espèces vivantes ont disparu, quels seraient les moyens d’agir ? La musique féminine ⸮ Elle mène à la solitude, l’exil et la folie.

 

 

© Camillæ

 

 

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Pour citer ce texte inédit

 

Camille Aubaude, « Le film : Tàr »Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°12 | HIVER 2022-23 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 11 février 2023. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no12/aubaude-lefim-tar

 

 

 

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30 septembre 2022 5 30 /09 /septembre /2022 09:00

 

N°11 | Parfums, Poésie & Genre | Revue culturelle des Amériques | S'indigner, soutenir, lettres ouvertes & hommages 

 

 

 

 

 

 

 

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William Klein, l’ami américain

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Mustapha Saha

 

Sociologue, poète, artiste

 

 

 

 

​​© Crédit photo : William Kein & Mustapha Saha.

 

Paris, 14 septembre 2022. William Klein, l’infatigable défenseur de causes perdues, l’inlassable créateur d’esthétiques suspendues, l’indéfectible agitateur de révolutions perdues, est parti le samedi 10 septembre 2022, à l’âge respectable de 96 ans. Spleenétique été. Disparitions en série d’amis fidèles, des artistes exceptionnels avec qui j’ai travaillé, Jean-Jacques Sempé (1932-2022), Alain Tanner (1929-2022), qui nous a filmés, avec Omar blondin Diop notamment (Alain Tanner et Jean-Pierre Goretta, Mai 68 à Paris), William Klein (1926-2022)  (William Klein, Gros soirs et petits matins, 1968-1978).

 

William Klein fusionne les apparences, les références, les occurrences, la peinture, l’écriture, la photographie, le cinéma, la pop culture, le psychédélisme, l’underground, la contestation, l'insubordination. En 1958, il réalise le court métrage Broadway by light. Il prend le pouls de la vie nocturne newyorkaise. Il subvertit les formes et les couleurs. Une rythmologie urbaine réglée sur les enseignes lumineuses. La jungle scintillante perd sa vitalité au lever du jour. Fulgurance introductive : « Les américains ont inventé le jazz pour se consoler de la mort. Ils ont créé Broadway pour s’apaiser de la nuit ». L’implacable logique diurne, le tout visible en surface, indécelable en profondeur, explose la nuit en pyrotechnie. 

 

Avec New York, Life is good and good for you in New York, William Klein trance witness revels, l’artiste rompt radicalement avec les codes institutionnalisés du reportage. Il intègre les décadrages, les flous, les artefacts. La photographie se libère des compositions contraignantes. L’instant décisif n’est pas donné au départ. Il faut le créer. L’esthétique traditionnelle est bouleversée par les bricolages techniques, les grossissements, les bougés, les dilatations, les déformations, les jeux des ombres et des lumières. La recherche de formes détonantes relègue au second plan les moments significatifs, les éléments explicatifs. La singularité personnelle prime sur le motif. Les spécificités du médium l’emportent sur la substance informative. La texture floutée, la matérialité médiumnique deviennent des données premières de l’art photographique. Les photographes sont des artistes à part entière. La photographie n’est qu’un support parmi d’autres.

 

1967. Le long métrage collectif Loin du Vietnam alterne le documentaire et la fiction, le simulacre de théâtre et la réalité brute. Les onze séquences sont réalisées par William Klein, Chris Marker, Joris Ivens, Alain Resnais, Jean-Luc Godard, Claude Lelouche. Guerre du Nord contre le Sud, de l’Occident contre l’Orient. Participent à l’aventure Jean Lacouture, François Maspéro, pierre angulaire du vocabulaire, et cent cinquante techniciens. Les étudiants de Nanterre sont, au moins en partie, à l’origine du projet. Ils demandent à Chris Marker, dès 1966, un film susceptible d’accompagner leurs débats. Mai 68, prémonitoirement annoncé par La Chinoise de Jean-Luc Godard, se profile à l’horizon. La rhétorique de Loin du Vietnam s’inscrit dans un dualisme éthique. « The rich get richer, the poor get killed », les riches de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus exterminés. Le message est binaire, clair, efficace. Mélange des styles, des genres, avec une exigence de cohérence qui exclut les contributions d’Agnès Varda, de Jacques Demi, de Ruy Guerra, bobines à jamais perdues. Guernica de Pablo Picasso illustre l’intention. L’animation de Folon, les œuvres de Roy Lichtenstein, l’esthétique du collage, orientent le regard vers le pop art. Les actualités cruelles s’insèrent dans un univers artistique.

 

Je me souviens de la projection de Loin du Vietnam au Palais de Chaillot, du débat qui a suivi avec les réalisateurs, de l’enthousiasme solidaire des deux mille spectateurs. Pour la première fois, un film provoque une réflexion sur un événement réel. Le dossier composé d’optiques différentes, d’approches hétérogènes, reflète la diversité de perceptions du même phénomène, la passion pour la cause vietnamienne en partage. Les crimes contre l’humanité s’exhibent impunément sur les écrans comme des performances technologiques, des prouesses invulnérables,  des écrasements imparables. « La guerre du Vietnam, qu’est-ce que c’est pour vous, pour nous, qui assistons de loin, oui, qui assistons la rage au cœur et les yeux ouverts sur l’horreur, mais rivés sur place, en spectateurs révoltés ou pas, conscients ou non de ce qui se joue là-bas, quotidiennement sollicités, harcelés, tenus en haleine, en éveil par l’information multiforme, la presse, la radio, la télévision qui ont rendu cette guerre comme jamais dans l’histoire, immédiatement présente et perceptible à chacun, dans chaque foyer, à chaque instant, et en direct comme une opération à cœur ouvert ? » (Michel Capdenac, Loin du VietnamLes lettres françaises, 18 décembre 1967).

 

Le film est victime de plusieurs alertes à la bombe et d’une attaque du cinéma Kinopanorama par un commando du groupuscule fasciste Occident. Sa diffusion dans les salles est définitivement compromise. « Des manifestants du mouvement Occident interrompent la projection du film  Loin du Vietnam. Deux blessés, deux arrestations » (Le Monde, 21 décembre 1967). Nous organisons en contre-attaque plusieurs projections à la faculté de Nanterre. Aux États-Unis, le film est critiqué par la presse, mais chaleureusement reçu par le public. « Le film Loin du Vietnam, présenté au Festival de New-York, a été salué, au Lincoln Center, par une ovation » (Le Monde, 4 octobre 1967).

D'emblée, des images d'un porte-avions de la septième flotte filmés sur place par Claude Lelouche fait toucher du doigt le contraste entre une énorme machine de guerre et les outils artisanaux d'un peuple vietnamien qui la tient en échec. « Jean-Luc Godard, faute d'avoir pu tourner les images dont il dit avoir rêvé, offre un long monologue dont les idées ne peuvent faire oublier le narcissisme qui l'encombre et relègue le pays en flammes loin derrière une agaçante méditation obsessionnelle » (Claude Julien, Le Monde, 4 octobre 1967).

 

Le 21 octobre 1967, Chris Marker et François Reichenbach filment en couleurs, pas à pas, la gigantesque manifestation contre la guerre au Vietnam à Washington, qui se donne comme objectif symbolique l’occupation du Pentagone. Cette première marche fait descendre les protestations universitaires dans la société civile. Des étudiants brûlent leur fichier militaire devant les caméras. Des actions concrétisent l’engagement, interdiction d’accès aux enceintes universitaires des recruteurs de l’armée, aide aux insoumis. Demeure de cette journée l’emblématique photographie de Marc Riboud d’une étudiante offrant une fleur aux soldats. Une époque révolue où l’Amérique libérale, encore confiante dans sa puissance indestructible, autorise la liberté d’expression. Les images d’un pays en déperdition ébranlent durablement l’opinion. La guerre du Vietnam se perd sur le tapis bleu de la communication. En bombardant le Nord-Vietnam en février 1965, les américains rallument les brasiers mal éteints des guerres coloniales. Ils ouvrent une période marquée par des convergences anti-impérialistes entre étudiants occidentaux et intellectuels du tiers-monde. La mobilisation contre la guerre du Vietnam devient le catalyseur international des révoltes. 

 

1968. William Klein et Kris Marker nous rejoignent à la Sorbonne, à l’Odéon, aux Beaux-Arts, dans les quartiers généraux du Mouvement du 22 Mars, institutions décloisonnées, affranchies de leur tutelle étatique, rendues à la créativité de leurs usagers. Nos affinités intellectuelles s’imposent dès la première rencontre. Je poursuis, à la Faculté de Nanterre, des études en sociologie urbaine avec Henri Lefebvre. Nous partageons les mêmes convictions pour une culture cosmopolite, diversitaire, plurale. Je découvre les livres de William Klein sur les grandes villes, New York (éditions du Seuil, 1956), Rome (éditions du Seuil, 1958), Tokyo (éditions Delpire, 1964). Les critiques mondains, fascinés par la concupiscence de leur propre monde, le qualifie d’esthète du chaos. William Klein s’est toujours assumé comme un artiste anarchiste, au plein sens philosophique du mot, contre tous les formes de pouvoir, contre toutes les formes d’oppression. Son art se nourrit des palpitations de la vie réelle dans ses enchevêtrements, ses tumultes, ses marasmes.

 

Mai 68, notre territoire. William Klein habite au cœur du quartier latin. Nous nous réunissons souvent dans son salon devenu un prétoire révolutionnaire. L’Ecole nationale de photographie et de cinéma,  rue Vaugirard, nous fournit des caméras. Nous jouons aux chasseurs d’images. William Klein mène la danse du cinéma de rue. Hantise permanente de nous faire confisquer les pellicules par la police. Les films sont développés en Belgique et en Italie. Nous immortalisons sur le vif l’incandescence urbaine. Chaque instant apporte ses imprévisibilités. Nous voulons saisir l’insoupçonnable au vol. Les rues se transforment en agoras grouillantes. Les lampadaires se métamorphosent en arbres à palabres. À l’atelier populaire des Beaux-Arts, je conçois une affiche avec le slogan La beauté dans la rue la laideur au pouvoir et une étudiante jetant un livre sur la police. L’assemblée simplifie la légende en La beauté est dans la rue et me fait remanier le livre en pavé. Je reprends par la suite l’alexandrin dans mon poème Le Temps des barricades.

 

En février 2012, nous rendons hommage, William Klein et moi, à notre ami commun Pierre Clémenti dans le cadre des Journées Cinématographiques Dionysiaques de Saint-Denis. Nous évoquons les week-ends interminables passés dans la maison de Pierre Clémenti à Croissy avant qu’il ne tombe dans un traquenard italien. Je réalise une affiche pour l’événement. Pierre Clémenti, mémorable acteur dans les films Luis Bunuel, Pier Paolo Pasolini, Glauber Rocha, Jacques Rivette, James Ivory…, auteur et metteur en scène au théâtre de Chronique d’une mort retardée, figure discrète de l’underground français, réalisateur de films inclassables, Visa de censure n° X, La Révolution n’est qu’un début, continuons le combat, carte de vœux, L’Ange et le Démon, New Old, Cheick point Charlie, À l’Ombre de la canaille bleue…, emporté prématurément par un cancer du foie en 1999, à l’âge de 57 ans. William Klein me dit « Nous sommes les derniers témoins ». Je pense qu’il fait allusion à Mai 68. Je lui demande : « Témoins de quoi ? ». Il me répond : « Les derniers témoins de la décomposition du monde ».


 

 

***​​​​​​

 

Pour citer ces texte & image inédits

 

Mustapha Saha (hommage & photo), « William Klein, l’ami américain », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre »mis en ligne le 30 septembre 2022. URL :

http://www.pandesmuses.fr/no11/msaha-williamklein

 

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Numéro 11 Art cinématographique Amour en poésie
15 juillet 2022 5 15 /07 /juillet /2022 17:32

N°11 | Parfums, Poésie & Genre | Critique & réception / Critique cinématographique​​​​​​

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Compétition officielle"

 

Film de Mariano COHN & Gaston DUPRAT, 2022

 

Avec Penélope CRUZ, Antonio BANDERAS

 

& Oscar MARTINEZ

 

 

 

 

 

 

Camille Aubaude

 

 

 

 

 © Crédit photo : L'affiche du film Compétition officielle, image du visuel prise par LPPDM. 

 

 

 


 

« Compétition » entre deux méga stars masculines dirigées par une femme. « Officielle » car le film dont il est question dans le film va « aller à Cannes »,  au Festival de Cannes, ce qui n’est pas sans critères ni contraintes. 

Aux dires de l’un des réalisateurs, les scènes se fondent sur les expériences vécues des acteurs. L’art de faire éprouver des émotions « au récepteur d’un message », comme on le disait dans les années 1980, est expliqué du même coup. Il n’a rien d’instinctif, le métier d’acteur… Traité comme une sublimation du narcissisme, ce métier jadis considéré comme vil — sans naturel donc sans calice* —, donne ici l’essence du détachement. Ce qui nous procure un plaisir intellectuel. L’unique scène d’amour, nonobstant les étreintes avec de belles putes, est d’une merveilleuse virtuosité. Les deux stars en compétition sont incapables de donner du plaisir à la fille du producteur que la réalisatrice adore. Trois acteurs font la même chose de façons différentes ! et tout se passe sous le regard du papa-producteur, personnage et spectateur autant dénué d’instinct que de jugement, mais...

Il est directeur de laboratoires pharmaceutiques. Le cilice n’est jamais loin. Ainsi, le « mauvais goût » des cadeaux d’anniversaire pour les quatre-vingts ans de ce milliardaire est l’incipit du récit. La caméra les balaie de droite à gauche, de gauche à droite, de façon à mimer la sincérité. Un appel à la dérive, une vanité mélancolique… Non contents de faire du « cinéma dans le cinéma », les auteurs s’appuient sur un roman qui a eu le Prix Nobel, dont l’intrigue montre la rivalité entre deux frères, thème plus qu’éculé, les deux hommes n’étant ni papes ni cardinaux mais directeur de théâtre et star hollywoodienne. Ils se battent pour une ancienne prostituée devenue mère, jouée par la fille du producteur.

C’est très drôle, à voir absolument, assurés d’être divertis sans déception. Certes, sous les poncifs variés, qui captent l’attention par leur sens du comique, un sens profond circule, puissant comme les systèmes cosmogoniques des civilisations sans livre (voir en ce moment les Trésors du Pérou, à la Cité de l’Architecture, Paris). L’esprit intense d’Almodovar, et un urtext à la Jacques Tati... Le dénouement est forcément surprenant. D’une grande teneur artistique. Il s’avère hybride : une lecture corporelle, suivie d’une lecture spirituelle d’une signification vertigineuse, servie par l’exceptionnelle beauté et l’exceptionnel talent de LA Cruz.

 

« Moi, moi et encore moi » est la posture la plus constante pour se cloisonner. En même temps, le scénario décloisonne les rapports entre hommes et femmes par un jeu où il n’y a pas de vérité. Seulement s’entraîner au combat, mimer la vérité, se rouler sur le sol et dire pouce tandis que le rideau tombe. Le tout nourri de techniques narratives efficaces, pour aboutir à des situations extrêmes donnant à voir ce que l’on ne peut voir par soi-même. Ces scènes théâtrales s’érigent face à l’absolue nécessité « de ne pas interrompre la chaîne de la lignée » (voir Jacques Ruffié, Le Sexe et la Mort. Introduction**). 

 

Ce film capable de générer des thèses lance un clin d’œil aux Indios, aux récoltes spirituelles tant convoitées (voir l’Or du Pérou…). Mis dans une situation absurde, où ils côtoient un cosmonaute, ils sombrent dans l’infantilisme nonnain. Reste à générer un poème :

 

 

Tout est prêt pour inviter la Maat

La plume intègre voltigeant dans le désert.

Les rivages immaculés sont des trophées broyés.

Le mime est l’arme des informes

telle l’étoile d’Hollywood déguisée en astronaute

s’opposant à de joyeux sauvages.

Quand le Dieu meurt, la Croix parle

ce qui est plus clair que le Vent.


 

 

Le drame de la vie se décrypte dans la tragédie de la compétition pour naître, demeurer (= se reproduire, aimer, créer, et tutti quanti), mourir. 

Je recours au biologiste Jacques Ruffié — longuement écouté au Collège de France —, car il réintroduit une parfaite expression du sens du film, sans que la force et la portée profonde en souffrent, et parce que Mariano Cohn et Gaston Duprat se situent au niveau qui est sans doute le plus juste : 

« Chaque être vivant, la puce comme la baleine, la pâquerette comme le séquoia est un acteur qui joue toujours la même tragédie, même si les modalités en sont innombrables » (ibid.)


 

* Voir les préfaces de Racine (notamment à Iphigénie) s’excusant auprès des religieuses de Port-Royal qui l’ont éduqué dans le profond mépris du théâtre. Et mon poème Calice

 

** Réf. URL : https://books.google.fr/books/about/Le_Sexe_et_la_Mort.html?id=BPhFDAAAQBAJ&printsec=frontcover&source=kp_read_button&hl=fr&newbks=1&newbks_redir=1&redir_esc=y



 

© Camille Aubaude

 

 

***

 

Pour citer ce texte inédit

 

Camille Aubaude, « "Compétition officielle". Film de Mariano COHN et Gaston DUPRAT, 2022. Avec Penélope CRUZ, Antonio BANDERAS et Oscar MARTINEZ », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques ​​​: N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre », mis en ligne le 15 juillet 2022, Url :

http://www.pandesmuses.fr/no11/ca-film-competitionofficielle

 

 

 

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