Lettre n°16 | À nos ivresses & aux Bacchantes | Sourires & rires féministes | Travestissements poétiques
Le vin et la fillette
(Air : Vrai sans chagrin)
Poème choisi, transcrit & commenté brièvement
par Dina Sahyouni
Crédit photo : "Bacchante", peinture trouvée sur Wikimedia.
Vivre le vin et la jeune fillette,
Tous les deux font le charme de mes jours.
Joyeux buveur, quand je suis en goguette
J'aime fêter Bacchus et les amours.
J'aime le vin, sa liqueur est exquise,
Sans lui jamais il n'est d'heureux moments ;
Par sa bonté je suis épris d'Élise,
Elle a le don d'enflammer tous mes sens.
Vivre le vin, etc., etc.
De chambertin, de beaune et de madère
Apportez-moi de chacun un flacon,
Ils couleront à gros flots dans mon verre ;
Je dirai même, en sablant le mâcon :
Vive le vin et la jeune fillette, etc., etc.
Que servirait de songer à ses peines !
Vous le savez, amis, il faut mourir.
Oublions-les, nos plaintes seraient vaines ;
Employons mieux notre temps à jouir.
Vive le vin et la jeune fillette,
Tous les deux font le charme de mes jours.
Joyeux buveur, quand je suis en goguette
J'aime fêter Bacchus et les amours.
Le poème ci-dessus composé par LANDRIEU, Mme Veuve (née probablement le 8 mai 1789 en Bas Somme d'après le Bulletin des lois la République Française de 1857 sous le patronyme de POMART, Marie-Adélaïde et est morte probablement aussi le 14 avril 1869 d'après le Journal des Savants de 1869) provient de son ouvrage LANDRIEU, Mme, Recueil de poésies et couplets, par Mme Veuve Landrieu, 2ème édition, Paris, Imprimerie de Cusset et Cie, 26 rue Racine, 1869, pp. 116-117. L'ouvrage appartient au domaine public et se trouve sur le site de Gallica. Ce "poétexte" use du travestissement poétique pour démontrer les méfaits des excès du vin et des plaisirs charnels recherchés chez des adolescentes par des hommes. D'emblée, ce que j'appelle poétravestissement, où la poète se glisse dans la peau d'un poète alcoolique habitué des goguettes pour dénoncer ces manières de jouir du vin et de la jeunesse d'une "fillette" en étant ivrogne... Faire les bacchanales, donne à la poète Landrieu l'envie de fredonner les travers et excès des hommes poètes de son temps... Ce poétravestissement temps produit des effets féministe et burlesque qui attirent notre attention et nous poussent à en parler en vous présentant cette aïeule dont on ne sait presque rien* et à la verve étonnante. Ce poétravestissement donne à voir une critique déguisée en chant élogieux. Il met en évidence le pouvoir critique du travestissement par le fait de se transformer en habitué de "goguette". Le "Je" est ainsi un autre qui s'insurge homme débauché et débauchant... Le burlesque vient de ce renversement de la situation traditionnelle. Ici, la nymphette c'est-à-dire la "fillette (prénommée "Élise") habituellement traitée par les poètes sous les traits négatifs de Bacchante (femme légère, débauchée) en victime de Bacchus et de son "buveur joyeux"...
On sait très peu de choses sur cette poète. Elle a vécu surtout au XIXème siècle, nous a laissé au moins un recueil de poèmes et une pièce. Se présentant comme la veuve Landrieu, elle est décédée fort bien le "14 avril 1869". D'après plusieurs références livresques tombées dans le domaine public et disponibles en libre accès. Elle était poète et mécène. On continue de rechercher des informations sur elle ici et là.
* Voir la notice de la Bibliothèque nationale de France : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb10277460m.
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Pour citer ce poème féministe
Mme Veuve Landrieu, « Le vin et la fillette (Air : Vrai sans chagrin) », poème de LANDRIEU, Mme, Recueil de poésies et couplets, par Mme, 2ème éd. (1869), a été choisi, transcrit & commenté brièvement par Dina Sahyouni, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°16, mis en ligne le 13 juin 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/lettreno16/l-levin
Mise en page par Aude Simon
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