Critique & réception |
Et le mot-dansé danseur
s'est fait prière |
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© Crédit photo : Couverture illustrée de l'éditeur
« Nous sommes à la fin de la croisée des chemins, au-delà du choix. » (cf. II, p. 10)
À mesure d’ombre est un recueil bref d’Alexandre Salcède. Il s’agit d’une poésie mise en spectacle sémantique et d’un chant dansant des signifiants. Paru aux éditions Abordo en octobre 2013, il révèle la naissance d’un poète au style soutenu, amoureux des arts...
Au chevet des mots, de ces danseurs chevronnés, des chefs-d’œuvre invisibles du sens, le jeune poète emprunte le souffle d’Orphée pour visiter l’antre de la poésie. Là où la lumière est le silence poétique de l‘âme. Il en sort aussitôt avec des poèmes suintant la prière…
Et cette prière se révèle poétique, dansée au gré des rythmes articulés des phrases, des mélodies des sens et de la ponctuation.
S’inspirant de l’interprétation majestueuse de « Douve » d’Yves Bonnefoy par trois danseuses de la compagnie de l’artiste Tatiana Julien, le recueil assez mince mais bien rempli du silence sublime du geste créatif prêche encore la passion de la poésie et la sacre comme la personnification du corps dansant. Danser les mots puis écrire les danses des corps en danses des signes, voilà la tâche à laquelle le poète Alexandre Salcède s’est affairé tout au long de ce spécimen original dans sa composition comme dans son édition chez Abordo.
Se composant de vingt-et-un poèmes articulés en prose (en imitation aux corps-voix des danseuses) et se terminant par un poème nominal comptant pour rien, sans verbe… Sans le corps verbal, Alexandre Salcède nous offre un assemblage de mots en sutures, en liberté, à la manière d’un Yves Bonnefoy, les mots se libèrent de leurs entraves :
Souffles immobiles,
Souffles noirs,
fumées.
Fumées.
Ce bémol nominal sonne en effet mélodie ; il est le silence pur de la poésie telle la prière des anges… L’illustration du recueil est bien choisie. Elle épouse parfaitement la pensée du poète et évoque le trio des danseuses du spectacle « Douve ». Ce trio féminin en corps dansants est la personnification du trio masculin structural Signe, signifiant, signifié du signe…
Et je me rappelle encore de ma lecture des extraits publiés de cet opus poétique dans le numéro du juin dernier sous la direction de Françoise Urban-Menninger. Une sorte de prière s’est emparée soudainement de moi et j’ai vivement encouragé le poète à publier son manuscrit. Aujourd’hui, l’ouvrage est là, à nouveau un corps dansant la danse sacrée des mots en vingt-et-un actes pour se terminer par la chute finale du rideau : un poème sans verbe. C’est belle et bien une manière épique d’évoquer la mélodie par l’intermédiaire des strates nominales. Ce long poème-spectacle du souffle est bien là et n’attend que vos yeux spectateurs pour se produire en grand spectacle devant vous.
Voir aussi : Alexandre Salcède, À mesure d'ombre aux éditions Abordo, 2013
Pour citer ce texte |
Dina Sahyouni, «Et le mot-dansé danseur s'est fait prière », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°5 [En ligne], mis en ligne le 11 décembre 2013. Url.http://www.pandesmuses.fr/article-mot-danse-121413341.html/Url.http://0z.fr/TZGXX |
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