23 octobre 2013 3 23 /10 /octobre /2013 08:00

 

Critique & réception

 

 

Compte rendu du Colloque International

 

 

''Urgence de lire''

 

 

(11 et 12 octobre 2013)

 

 

Marie-Josée Desvignes

    

 

 

 

Inauguré par BSF (Bibliothèques sans frontières), cet événement international a réuni plus de huit cents acteurs du monde du livre et un nombre important de personnalités autour du projet ambitieux créé à l'initiative de Patrick Weil, Président de BSF, pour imposer l'accès à la lecture comme priorité de l'action humanitaire, auprès des populations traumatisées en temps de guerre ou de cataclysmes.

 

En effet, lorsqu'un pays est affecté par une guerre ou une catastrophe naturelle, on pense en premier lieu et c'est tout naturel à leur venir en aide. Jusque-là l'aide consistait à apporter des denrées alimentaires et sanitaires, des projets de reconstruction structurelle. Un jeune étudiant haïtien écrivait dernièrement à Dany Laferrière : « 'il vous plait, lorsque vous nous envoyez une caisse de riz, envoyez-nous en même temps une caisse de livres, car nous ne vivons pas pour manger mais pour lire ».L'action menée dans une vingtaine de pays du monde vise donc à s'appuyer sur le pouvoir de résilience des livres et de la culture et de re-création du lien social lorsque tout autour de soi a été détruit.

Afin d'alerter la communauté internationale sur cette question fondamentale, Bibliothèques sans frontièresa lancé l'appel «Urgence de lire» en novembre 2012. Après le tremblement de terre en Haïti, l'expérience a montré combien il était important pour la reconstruction des êtres, de rétablir les liens entre les rescapés, leur permettre de redonner du sens à leur vie, offrir cet accès à l'information, aux livres et à la culture. L'appel a été signé par de nombreux écrivains, parmi lesquels le prix Nobel de Littérature J.M. Coetzee, Toni Morisson, Doris Lessing, Mario Vargas Llosa, Salman Rushdie et bien d'autres.

 

Le colloque des 11 et 12 octobre a réuni des acteurs du livre, des spécialistes de l'information, des intervenants dans l'humanitaire et de l'urgence, des bailleurs de fonds, afin de réfléchir à la meilleure prise en charge de la dimension intellectuelle de l'être humain en danger. Apporter la culture dans les camps de réfugiés (pour la Syrie, en Jordanie en ce moment) pourrait par exemple paraître dérisoire, quand tout est à reconstruire, et pourtant comme l'ont si bien souligné les deux dernières interventions en la personne d'Eva Joly: « le seul rempart contre la barbarie c'est la culture »ou Michèle Pierre-Louis(ex-première ministre d'Haïti) : « Nous ne sommes pas que des tubes digestifs mais aussi des esprits »qui rappelait aussi les mots de son père lorsqu'elle était enfant : « Nous sommes un pays accablé de tous les maux, meublez-vous l'esprit, lisez ! »car « Vivre en Haïti c'est vivre d'une certaine manière dans l'urgence permanente, c'est se donner un autre rapport au temps, aller à l'essentiel ... »

 

Le colloque s'est déroulé en trois temps, deux matinées et une après midi. La première journée a été consacrée à un état des lieux de la situation, de l'accès à l'information et à la culture en situation d'urgence humanitaire en présence de Alexander Aleinikoff, Haut Commissaire, Adjoint des Nations Unies pour les Réfugiés. Ont suivi six ateliers et une session de travail autour de l'idée maîtresse du projet : le développement des Ideas Box. La seconde journée portait sur la reconstruction du futur et la co-construction des futurs,rôle de l'imaginaire et de la créativité dans les situations de crise et un débat vers une meilleure prise en compte de la dimension intellectuelle de l'humain en danger. Qu'est-ce qu'un être humain, un enfant, une femme, un homme, une fois sa vie sauvée, un logement retrouvé, sa nourriture assurée s'il n'a pas de quoi penser, lire, écrire, dessiner, communiquer ? « Les nourritures de l'esprit sont aussi essentielles pour reconstruire des sociétés et des êtres humains en situation de désespoir. L'action de Bibliothèques sans frontières après le séisme de janvier 2010 en Haïti est de ce point de vue inestimable » Kettly Mars, États des lieux de l'accès à l'information et à la culture en situation d'urgence humanitaire. 

Le livre, facteur de résilience dans les situations d'urgence, pour donner le courage de se reconstruire, « le livre, outil vital de partage des savoirs» (Irina Bokova, directrice Unesco) citée par Patrick Weil. Après la catastrophe en Haïti qui a été unepremière expérience pour BSF, on s'est rendu compte que les actions étaient menées en direction des enfants, mais que rien n'était fait pour les adultes dans le domaine de la reconstruction intellectuelle. Or, après s'être reconstruits physiquement, les adultes dépérissaient, s'ennuyaient et demeuraient passifs dans leur reconstruction.

 

Le projet des Ideas Box vise tout autant au développement éducatif qu'à permettre aux individus de se prendre en charge et ne plus être passif afin de devenir acteurs de leur futur (point fondamental du projet). 43 Millions de personnes sont aujourd'hui déplacées par des catastrophes ou des conflits. Que signifie être réfugié ? Quelles sont les conditions des réfugiés en Syrie, en Jordanie ?

La vidéo documentaire questionnant quelques personnes réfugiés était édifiante : pour l'un, c'était le summum de l'humiliation à tous les niveaux, un jeune garçon disait : « j'allais à l'école, aujourd'hui je me sens comme un vieil homme », un autre : « même les vêtements que je porte, je ne les supporte plus ».'intervention des trois écrivains « voyageurs » présents au colloque soulignait l'importance de la lecture pour chacun comme construction identitaire. Marie Darrieussecq mentionnait pour sa part son étonnement de découvrir dans la brousse en Côte d'Ivoire «petite bibliothèque pleine de livres et surtout pleines de gens, des livres tout moisis, tout gondolés, mais la bibliothèque résiste...il y avait tout Sade (on se demande, t-elle, qui avait eu cette idée) et du Guy des Cars ! Et aussi un assez bon fond de théâtre. » ses voyages plus récents en Afrique, au , elle avait été surprise par la présence importante du portable et de l'internet. « 'il y a des coupures d'électricité, c'est une catastrophe pour eux. La numérisation des livres est en train de transformer l'Afrique. »

 

Pour Daniel Rondeau, «l'enchantement est la promesse, l'espérance peut revenir à travers les livres (et l'internet où on peut lire, tout lire) ». « ennemis, de quoi ont-ils peur, dit Malala, ils ont peur des livres ! » cite encore Daniel Rondeau. Eric Orsenna est intervenu à son tour pour exprimer combien l'envie de lire un livre électronique permet de voyager. On doit tout pouvoir utiliser. Il explique les difficultés de distribution du livre au Togo, ou au Cameroun : « n'y a guère que quelques librairies à Yaoundé, à Douala. Pourtant ce sont des pays de littérature, de grande littérature ! ». Marie Darrieussecq évoquera le nigérien Wole Soyinka « mis au secret 168 jours durant et pour qui rester sans livres fut une véritable torture, on lui laissait un livre une heure par jour seulement. C'est poignant car on assiste à une véritable torture, à l'isolement total. » Est cité également l'exemple des camps de où les gens qui mouraient de faim se racontaient des recettes de cuisine, et les meilleures !

 

Seront évoqués également le rapport pourtant important en Afrique de l'oralité qui permet le lien social alors que le livre, lui, isole. Daniel Rondeau dira l'extrémité du portatif qu'est le portable. L'important, c'est le texte. Durant trois à quatre mois par an, il n'y a pas de route, car c'est la saison des pluies. Comment communiquer ?

Le concept des Ideas Box là , il y a tout dedans : des tablettes numériques, des portables. C'est le concept même de la boîte : pouvoir proposer toute la culture, musique, théâtre, photo, littérature, etc. Et le livre reste alors une sorte de lien fraternel. Les collectes de livres soulèveront des questions concernant la « qualité » des livres : « n'envoyez pas les livres que vous n'aimez pas pour vous en débarrasser, n'envoyez que des marqueurs, que des livres que vous avez aimés ! » rappellent les propos de Mr Delanoedans son discours d'introduction lorsqu'il disait qu'il avait une bibliothèque bien trop importante de livres qu'il avait aimés dont il ne savait plus quoi faire, et dont il fera don. Le sujet a fait débat. Mais au fond, la réponse était claire : il y a certes de bons et de moins bons livres mais l'essentiel est ailleurs. Le livre est vecteur de lien social et au final, ce qui compte, c'est aussi la personne qui l'apporte, qui le partage. Il faut encourager la circulation de tous les livres (même les livres pratiques, évidemment !) car ce qui compte, c'est le partage, le lien que génère à travers le temps et l'espace cet outil merveilleux pour notre esprit (et plus généralement l'écrit ! Sous sa forme électronique !)

 

Alexander Aleinikoff, Haut Commissaire, adjoint des Nations Unies pour les réfugiés donnera les chiffres de 5 millions d'enfants réfugiés dans le monde qui, si nous pouvions les rassembler par 60 dans des bus, s'étendraient sur la distance de Paris à Prague ! Et le monde, , doit faire avec ce fardeau, trop peu sont scolarisés, un tiers des 6 à 13 ans ne le sont pas, deux tiers, des 10/17 ans sont déscolarisés. La moitié des enseignants n'ont pas de qualifications, car il faut payer pour cela. Le HCR doit faire face à la crise en Côte d'Ivoire, en Somalie (des centaines de millions de réfugiés), en République démocratique du Congo, ou Centre Afrique où des millions de personnes sont déplacées, sans parler de la crise syrienne (2 millions, en Jordanie et 4 Millions au sein du pays). Un tiers des familles sont déplacées au sein même du pays. Chiffre absolument dramatique de 1 Million d'enfants, témoins d'atrocités et privés de tout, l'école restant un sujet plus que sensible. 2 millions d'enfants au Liban, 60% sont scolarisés, ces chiffres troublants ne représentent qu'une petite portion. Il y a des millions d'autres enfants réfugiés de longue durée (Pakistan , Afghanistan, Colombie, à l'est du Soudan, réfugiés Erythréens) des problèmes d'éducation, d'alphabétisation, de culture.

 

Mais au-delà de la question des réfugiés, il ne faut pas oublier que ces populations -« presque privilégiée », qui peuvent bénéficier de l'aide internationale, souffrent d'une rupture culturelle plus grande, ils sont déracinés, coupés de leur communauté. Et comment dépasser le problème de l'accès des jeunes filles à l'école ? Quelle prise en charge pour ces jeunes filles violentées ? Seule l'école est une réponse, et les livres une solution à la réparation. Même les mauvais livres peuvent apporter quelque chose puisqu'ils permettent de développer les compétences linguistiques. Il cite ensuite un article dans la revue Sciences montrant que les lecteurs ont de bien meilleurs résultats et ont un quotient émotionnel augmenté après la lecture d'une fiction. L'importance de l'imaginaire et de la lecture comme vecteur pour s'ouvrir à une complexité émotionnelle n'est plus à démontrer et pourtant toujours à souligner.

 

Le projet Ideas Box

 

Aujourd'hui, simplement la technologie de l'écrit permet d'autres possibles, par exemple par l'ouverture de classes virtuelles aux réfugiés. Les idéas boxcontiendront des tablettes tactiles, des livres papier, du cinéma ambulant, de la formation informatique permettant des échanges entre réfugiés. La mise en place de 5 boîtes sera faite d'ici janvier 2014. Ces Ideas boxsont la promesse de ne plus laisser les réfugiés isolés dans le monde. C'est un défi important, et la première initiative développée au Burundi a montré que cette toute petite contribution pour des millions de réfugiés qui attendent notre aide est possible grâce aux différentes ONG et autres associations qui voudront contribuer. L'intervention de Jacqueline Strekker,écialiste Innovation et Education au UN HCR soulignera l'évolution importante depuis deux ans grâce à la présence de nouveaux acteurs dans l'aide humanitaire. « Il y a quelques années le groupe était restreint aux pays plus aisés, aujourd'hui la population en diaspora, écrivains, ONG locales et internationales marquent un tournant. Ce n'est pas la technologie qui fait la différence mais comment on l'adapte ». Les enfants sont toujours les premières victimes des crises humanitaires, l'idée est que les livres peuvent soigner.

 

Patricia Aldana, de laFondation IBBYson rôle dans cette action, elle qui, anciennement éditrice en Jeunesse a, avec sa Fondation conseil du livre Jeunesse, développé 77 sections nationales, qui oeuvre pour que les enfants accèdent aux livres, avec des interventions en bibliothérapie commencées dans les années 90, au Venezuela, Haute Colombie, Pakistan, Liban... Ces actions sont menées avec seulement deux personnes permanentes et de nombreux bénévoles dans une Organisation pauvre mais efficace : Les enfants qui ont tout perdu, dit-elle, sont en état de choc et il leur faut aliments, médicaments et logement mais également une aide aimante par des adultes formés qui leur apportent des livres. Apporter des livres sans un adulte pour faire le lien n'est pas suffisant, la technologie seule ne peut suffire. Il faut que le contenu soit adapté mais il faut aussi aider à développer l'édition et la librairie sur place. Deuxième point important qu'elle abordera est celui du choix des lectures : « À Gaza, raconte-t-elle, en bibliothérapie, ils pensent qu'il faut parler des choses tristes et bien non ! Cendrillon était le livre préféré des enfants ! » pertinente de ce que recherchent les enfants dans des situations difficiles. On voit à travers ces interventions combien de questions sont soulevées par l'action même et l'aide. Le médiateur fera remarquer alors qu'il ne faut pas confondre ici la bibliothérapie et l'apprentissage de la lecture-loisir.

 

Chris Talbot, consultant et co-fondateur duRéseau Inter-Agence Education et Situation, apportera d'autres chiffres : « 5 millions d'enfants en primaire, ce chiffre représente la moitié des enfants déscolarisés dans le monde (chiffre 2008). Malgré ces chiffres énormes, la part de financement pour l'éducation humanitaire a chuté. En 2012, nous reculons en terme d'engagement. Les processus d'appels consolidés, processus d'acheminement ne correspondent plus qu'à 28% des besoins, c'est donc très faible.3/4 des besoins ne trouvent pas de réponses et ce sont les besoins identifiés et nous ne parlons pas des besoins non identifiés. »

 

Dans notre développement de Bibliothèques sans frontières, dit Patrick Weil, il faut un travail de plaidoirie de tous les secteurs. Il faut augmenter l'engagement des bailleurs, des ONG pour fournir une éducation auprès des jeunes. Le premier argument est politique, les communautés demandent l'éducation, les familles de réfugiés et les jeunes sont en demande et considèrent que c'est le service le plus important avec celui de la survie.

Le second argument est celui des droits humains, droit pour tous, toutes les conventions (Genève entre autres) précisent que c'est important. Le 3e argument est peut-être un outil pour la protection pour les jeunes surtout en temps de crise, en tant de guerre ou de cataclysme : les enfants, lorsqu'ils ne sont pas à l'école sont livrés à eux-mêmes (drogue, prostitution, errance), il faut donc améliorer la protection des écoles. 4e argument à nuancer, l'éducation peut répondre aux enfants réfugiés mais n'est pas une solution magique, toute la communauté est touchée mais, il serait une erreur de penser que tous sont traumatisés. Il ne faut pas non plus médicaliser ces temps de lien par rapport à la bibliothérapie.

 

Au moins 70% des enfants bénéficiant de ces accès de base peuvent guérir de ces souffrances, d'autres ont besoin de plus de soins et entre 3 et 5% ont des problèmes et deviennent psychotiques, ont besoin d'interventions plus spécialisées. 5e argument : l'éducation permet un passage efficace de messages sur l'hygiène, les mines antipersonnels, sida etc, qui peuvent sauver des vies. 6e argument pour dépasser les inégalités basées sur le sexe et lutter contre. Nombreuses sont les personnes qui pensent que l'éducation est un luxe, mais c'est faux. L'éducation peut sauver des vies et n'est pas uniquement un moyen de se cultiver.

 

Pour ma part, j'avais assisté aux ateliers 3 et 4 respectivement à l'intitulé suivant : Traumatismes, deuils et résilience, le rôle des projets socio-culturels Les enfants dans les crises : construire des réponses transversales et adaptées. Ces ateliers étaient surtout destinés à nous mettre en relation avec les différents acteurs et les possibilités d'action pour le chemin vers la résilience. La lecture et le livre par le biais d'une prise en charge humaine certes (un psychologue) mais aussi le cinéma, le sport et même les clowns. On a pu entendre un responsable du spectacle vivant, une directrice des programmes sportifs, une psychologue et le fondateur du cinéma numérique ambulant. La psychologue clinicienne, spécialiste en psychotraumatisme, Hôpital Avicenne, Bobigny, Héloïse Marcheza été contactée par BSF pour réfléchir aux boîtes à histoires en Haïti (développement des bibliothèques ambulantes à Port au Prince, « bibliotaptap », dont Suze Marie-Hélène Dorange nous expliquera le fonctionnement, de manière plus détaillée dans la seconde matinée -étant elle-même, une actrice sur le terrain.

 

La boîte à histoires (150 à 200 livres) a été conçue et réalisée pour les camps de réfugiés en Haïti, pensée pour les problématiques de deuils multiples, d'exposition directe aux traumas. Elle contient beaucoup de contes et albums, et même une formation à la lecture. Mais la psychologue précisera qu'elle était venue, elle, pour aborder un angle plus psychologique et donc être davantage sur un axe de vigilance. Elle a également collaboré à une action au Burkina-Fasso avec partenariat avec la Croix Rouge et un public d'adultes. Il faut en effet, garder en tête que les événements post-traumatiques ont des répercutions chez tous mais de manière différente chez chacun, la lecture est un instrument pour nommer les choses et une mise à distance des émotions ressenties. Le conte étant le meilleur médiateur de la vie psychique, il dit sans dire, ouvre tous les possibles. Il permet de penser, rêver, jouer. Pour Clown sans frontières(Marik Wagner, administratrice), ONG constituée essentiellement de bénévoles, l'initiative est venue des enfants français qui correspondaient avec une classe de Sarajevo et qui ont demandé si on pouvait aussi faire rire leurs copains. Pour l'association Cinéma Numérique Ambulant,(Christian Lambert, Fondateur) qui apporte depuis sa création la possibilité de projection à des populations défavorisées. Pour le sport et jeux, en contexte humanitaire, Nicole Moran, directrice de programmes, Suisse. La session de travail qui clôturait la journée était destinée à présenter les Ideas box : médiathèque portative designée par Philippe Stark et conçue pour être transportée sur tous les terrains en urgence humanitaire. Elles contiennent une connexion internet satellitaire, et des tablettes tactiles, des livres électroniques et papier, du matériel d'animation culturelle et un cinéma ambulant. Elles sont faciles d'utilisation et robustes, transportables facilement, autonomes énergétiquement.

 

La deuxième journée était consacrée à : Reconstruire le futur, co-construire les futurs : le rôle de l'imaginaire et de la créativité.Parmi les intervenants : Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie/Médecin sans frontières, François Taddei(Directeur Centre de Recherches Paris/ Descartes), Daniel, Derivois, Maître de conférence en psychologie interculturelle. Mr Derivois souligne que « L'objet-livre rentre en résonance avec l'Histoire de Haïti ». Déjà, les esclaves se cachaient pour lire et accéder au savoir, précise-t-il. Quelle stratégie, le peuple haïtien au delà du séisme met-il en place pour penser la résilience et plus particulièrement la résilience des 3-18 ans ? Au-delà de la question des besoins primaires, il y a la question du s ens , insiste-t-il. En présentant l'objet-livre comme un vecteur de liberté, on ouvre cet espace de liberté par le livre et même pourquoi pas les Ideas box. Pour raconter le trauma, on utilise souvent le dessin, l'imaginaire passe par le dessin. Souvent les enfants haïtiens dessinaient des bateaux. On peut y voir un désir de traverser la mer pour s'évader, mais s'évader dans l'imaginaire aussi. Il faut s'engager, et y aller, voir sur le terrain et trouver les modalités de faire ensemble et pas dans une perspective « colonialiste » dans une analyse peut-être insuffisante de la situation. Il faut être affecté par ce qu'on fait, pas seulement pour les enfants, mais aussi pour nous, voir ce que ça modifie en nous, ce que ça transforme. Il faut comprendre réfléchir à « ce que ça bouge en soi, comment ça me change, jusqu'à ce que ça me devienne nécessaire ». Le bénéfice est réciproque. cette interaction profonde, nous dit Daniel Derivois, l' « être affecté » (terme emprunté à l'anthropologie), affecté au sens de « transformé » modifie mon être, y compris mon être professionnel, il y a l'idée de créer ensemble de belles choses et de voyager. Il s'agit bien de cocréer, encourager à créer soi même. François Taddei insiste alors sur le fait que l'Idea box est une belle idée pour s'autonomiser, être capable de produire soi-même de la connaissance et la partager. Il est important de véhiculer cette idée que les enfants sont capables de créer et de partager leurs savoirs.

 

Par delà l'aide, les sinistrés ont besoin de savoir qu'on les considère comme des êtres humains. En étant affecté, on suscite en eux leur part humaine, quand on fait de l'affect un outil, cela permet de faire un pas vers l'extérieur.

 

Les psychologues parlent de « gel des affects », à propos des situations post-traumatiques car souvent les sinistrés sont occupés à des choses plus importantes et ignorent leurs émotions. Il est question du livre ici,dit Daniel Derivois, mais livre ou jeu (dessin) c'est la même chose, une manière de se positionner différemment par rapport à son traumatisme.

 

Prise en compte de l'humain

 

Avec Didier le Bret : du Centre de Crise, Darren Hoerner,des programmes fondation Melissa et Bill Gates Paul-Antoine Peignon, directeur Global X (logistique, transport) A. Petibon, Directeur programme internet, Croix Rouge Patrick Weil, Président BSF. Au-delà des problèmes de logistique, ce qui est difficile à percevoir, c'est comment les sociétés de services parviennent à travailler collectivement. Il faut, en effet, éviter que les bénéficiaires soient obligés de démultiplier leur confiance, qu'ils ne deviennent plus que des numéros, des codes barres. Pas sûr que tous les moyens soient réunis pour aider sur ce plan quand on a déjà tant de mal avec les besoins vitaux. Darren Hoener précise qu'ils travaillent dans leur fondation sur 16 pays pour identifier les besoins des médiathèques et rendre service à ces pays. En Recherche et Innovation, il convient de se pencher sur les meilleurs modèles, réfléchir à comment mettre en place des bibliothèques en Afrique sub-saharienne par ex. Le projet étant de travailler à une certaine échelle et de former un maximum de personnes. Le projet de la Fondation est assez similaire à celui de BSF. La bibliothèque, lieu de référence pour les populations en crise. Il faut donc, ne pas penser seulement aux réfugiés, mais aussi aux populations locales. Penser l'urgence dans le durable, sinon ce sera voué à l'échec. Les problèmes de responsabilisation des populations sur place est important au niveau sécuritaire par exemple. Du coup, il devient difficile de rendre les gens responsables de leur évolution. On repose la question de l'implication nécessaire des individus sinistrés pour la reconstruction de leur pays économiquement et intellectuellement. Dans la salle, une libanaise (Nawal) qui travaille actuellement avec les populations syriennes déportées 'insurge : est temps d'aider les Syriens, les gens se réunissent tous sous le même slogan « Pacifiste ! Pacifiste ! » dit-elle. Au Liban il y a des Syriens, plus d'un million de réfugiés et 300 000 enfants Syriens sans école. Mais il y a aussi une tendance raciste très forte. La crise énorme avec ces réfugiés va avoir lieu, une seule solution demeure: fermer les frontières, et renvoyer les Syriens chez eux. Il faut faire quelque chose car il risque d'y avoir une nouvelle guerre civile au Liban. Nous avons besoin d'apprendre à lire mais pas seulement de penser la lecture par le jeu, et pas seulement au Liban, en Egypte, en Jordanie, où la majorité des enfants de moins de 11 ans ne savent pas lire ! »

 

 

 

En conclusion de ce colloque qui a posé beaucoup de questions, proposé d'ambitieux échanges et réalisations, apporté de l'espoir et de l'action, les deux dernières participantes ont été Eva Joly, présidente de la Commission pour le développement au Parlement Européenet Michèle Pierre-Louis, ex première ministre en Haïti. Eva Jolya rappelé son rapport personnel à la lecture et ce qu'elle lui doit depuis son enfance pauvre, puis de sa place aujourd'hui dans la Commission européenne, elle a expliqué les flux d'argent (60 Ms d'aide au Développement, 1 Milliard pour l'aide humanitaire). Elle a souligné que malgré ces chiffres faramineux, et à cause des égoïsmes nationaux, le budget européen va diminuer : « Le seul rempart contre la barbarie c'est la culture, l'éducation, scande-t-elle, la barbarie ce n'est pas seulement les talibans, la violence mais l'absence de repères. Une grande partie de l'aide au développement et humanitaire a disparu, et se trouve aujourd'hui à Dubaï dans les paradis fiscaux et en ce sens, les paradis fiscaux c'est l'absence de paix. ». Elle rappelle l'absurdité des projets d'infrastructures sans concertations pour la plupart et l'argent donné pour les agences internationales et, rajoute-t-elle, même dans ces agences-là il y a de la corruption. « Il faut voir les camps de réfugiés à Kaboul : un robinet pour 1000 personnes ! L'argent n'arrive pas pour soulager vie des gens ». Elle parle d'une enquête menée sur Kaboul Bank, des plus grands scandales : « milliards de dollars détournés, la moitié se trouvant à Dubaï. Lorsqu'on donne des noms, Dubaï répond qu'il ne coopère pas. C'est là que nous voyons notre responsabilité. L'OCDE a le pouvoir de blacklister les Emirats-Unis et nous n'aurions pas de problème pour financer 10 milliards de dollars pour Urgence de lire. En réalité, on nous répond qu'il n'y a pas de ligne budgétaire. Nous devons d'abord changer notre façon de penser. Michèle sait bien que l'aide donnée à Haïti n'a pas été efficace. » Elle rappelle l'impuissance à atteindre les objectifs fixés au départ. à-bas comme ailleurs nous avons apporté nos savoirs sans jamais ou mal intégrés les Haïtiens. L'un des facteurs de l'efficacité est l'appropriation de l'aide : « Inversons notre aide, faisons confiance aux acteurs locaux tout à fait capables, appuyons leurs initiatives, ne les inventons pas à leur place ! », « Demandons aux populations de formuler leurs souhaits non d'imposer notre culture », « Il faut venir au Parlement Européen et formuler vos besoins, début 2014 pour pouvoir avancer ». Eva Joly conclura sur cette citation de Léopold Sedar Senghor : « La culture est au commencement et à la fin du développement ». À nous de faire en sorte que la culture soit au commencement et à la fin de l'humanitaire ».

Le dernier mot du directeur de BSF Patrick Weil, Frédéric Blin, membre du conseil d'administration de l'IFLA, et Jérémy Lachal, directeur de BSF. Ils sont porteurs d'un projet de préservation et de conservation des patrimoines avec un beau slogan : « Des bibliothèques fortes pour des sociétés fortes »Afrique ou en Amérique latine et avec le soutien de Melissa et Bill Gates, du Commissariat aux réfugiés de l'ONU, premier soutien de BSF. Au Cameroun, Frédéric Lachal, partenaire du développement Culturel du Centre de Yaoundé.

 

En dernier lieu, Mr Weil a énoncé la vision des Français dans l'accès à la culture : 95% sont pour l'éducation, 13% pour l'accès à des lieux de rencontres culturelles, 10% considèrent ces activités comme des activités de confort, 7% évaluent la culture comme importante mais non prioritaire :

« Seules les bibliothèques peuvent remplir ce rôle ! Nous avons besoin de votre soutien ! »

 

 

 

Rendez-vous sur le site de Urgence de lire-Bibliothèques sans frontières :  

url. http://www.urgencedelire.fr/, http://www.urgencedelire.fr/index.php/le-colloque-en-direct

 

 

Pour citer ce texte 

 

Marie-Josée Desvignes, « Compte rendu du Colloque International ''Urgence de lire'' (11 et 12 octobre 2013) », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°4 [En ligne], mis en ligne le 23 octobre 2013. Url.http://www.pandesmuses.fr/article-compte-rendu-120723376.html/Url.http://0z.fr/Sbqlg

 

 

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