20 février 2018 2 20 /02 /février /2018 18:05

 

Lettre n°13 | Textes poétiques & N°8 | Muses au masculin | Florilège de textes poétiques

 

 

 

 

 

 

 

L'Arpenteur d'infini

 

 

 

 

 

Mustapha Saha

 

Sociologue, poète, artiste peintre

 

 

 

© Crédit photo : Mustapha Saha. "Portait 5".

 

 

 

 

Mille trois cent cinquante au creux du siècle sombre

Je n’eus que l’abaque pour tromper mon angoisse

Et les chiffres romains pour supputer les nombres

Quand la grande peste dépeuplait les paroisses

 

J’acquis l’art des échecs pour braver la Camarde

Elle misait du temps je jouais mon destin

Vainqueur je repartis sous mon manteau de barde

Vers d’autres royaumes sans macabres festins

 

Au bout de ma route la verte Andalousie

Les minarets voisins des blanches synagogues

Des cultures brassées sans vaine jalousie

Les maisons ouvertes des savants pédagogues

 

Le savoir obsolète embrumait ma mémoire

J'aurais capitulé dans ma triste pénombre

Si mon hôte arabe n’avait dans ses grimoires

De l’Inde lointaine la doctrine des nombres

 

J’explorai les replis des comptes circulaires

La féconde alchimie des caractères libres

Le vide impératif du symbole oculaire

Les valeurs mouvantes sur des traits d’équilibre

 

Je perçus l’infini dans les choses modestes

La sphère algébrique constellée d’inconnues

L’écho numérique des symphonies célestes

La danse des signes sur le parchemin nu

 

Je pus me défaire des bouliers inutiles

De la planche à calcul des jetons superflus

Traduire en formules les énigmes subtiles

Et du dogme abaciste annoncer le reflux

 

L’Église condamna l’infâme sacrilège

Les marchands maudirent la découverte immonde

Les scribes grognèrent pour leurs bas privilèges

Mais l’œuvre algoriste sapait déjà leur monde

 

Je passais mes journées cloîtré dans mon étude

Classant les naturels sur des tracés logiques

Pistant les grands premiers avec incertitude

Croisant les diviseurs dans des carrés magiques

 

Je voulais comprendre l’expansive limite

Où l’espace et le temps n’étaient qu’un seul miroir

Capturer le reflet de l’invisible ermite

Inlassable artisan d’univers à tiroirs

 

Faute d’élucider la moindre conjoncture

Je traquai les vices des suites lancinantes

Guettai la malfaçon dans chaque architecture

La folie menaçait ma raison déclinante

 

 

L’asile inopiné d’une belle érudite

M’arracha des griffes du funeste démon

Je retrouvai la paix dans sa tour interdite

Et comblai de son nard mes sens et mes poumons

 

Il fut dit que bonheur couvait douce tourmente

Mon cœur vite lassé des servantes dociles

Des vapeurs de sauna des baisers à la menthe

N’aspirait qu’à s’enfuir loin des plaisirs faciles

 

Je rêvai de nouveau d’envoûtants territoires

D’étincelles jaillies d’insondables figures

Au-delà du détroit d’autres laboratoires

L’étoile du berger incarnait mon augure

 

Je quittai Grenade pour l’Empire des sables

Les jardins parfumés pour l’or de Tombouctou

Je cherchais dans les ergs la clef de l’impensable

Les arcanes du rien la matrice du tout

 

Je vis l’éternité perlée par les secondes

Le désert concentré dans un grain minuscule

Le bruit décomposé sur la grille des ondes

Le soleil condensé dans chaque particule

 

Un moustique énervé me choisit pour victime

Injecta son poison dans ma chair innocente

Et fit de mon voyage une dérive intime

Et revoilà la Parque et sa serpe indécente

 

 

À quoi me servaient donc les atouts de ma mise

Mes secrets d’alchimiste et mon art au cordeau

N’aurais-je pas troqué si magie fut permise

Toutes mes lumières pour une gorgée d’eau

 

Mon corps déshydraté comme antique momie

Chétif et rétréci comme peau de chagrin

Couvert de poussière comme un texte endormi

N'avait pour suaire qu’un cuir de pérégrin

 

Des génies chroniqueurs surgis du fond des âges

Creusaient leur alphabet dans ma pauvre ossature

Des tourbillons de sable érodaient mon visage

Je n’étais qu’une empreinte un reste d’écriture

 

Mon âme décrochée de sa gaine fragile

Voltigeait sans contrainte et sans coupable pensée

Entre dune mouvante et cuvette d’argile

Et puisait son nectar dans des fleurs impalpables

 

Elle était tout à tour silex et calamite

Essence d'églantine et parfum de santal

Bâton de voyageur et chandelle d'ermite

Grammaire énigmatique et prosodie vitale

 

Elle était musique portée par les orages

Mémoire tellurique et céleste oxymore

Couronne azurine d’un fabuleux mirage

Et rouge griffure dans le livre des morts

 

 

 

Le septième palier fut nuit de guérison

Je me levai matin comme un coureur ailé

Des bulbes d’émeraude émaillaient l’horizon

La Cité des lettres m’ouvrait son propylée

 

© MS

Lettre n°13 | Textes poétiques

 

***

 

Pour citer ce texte


Mustapha Saha, « L'Arpenteur d'infini », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 8 Supplément sur « la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger & Lettre n°13, mis en ligne le 18 février 2018. Url : http://www.pandesmuses.fr/2018/2/arpenteur

 

 

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