Megalesia 2020 | Critique & réception
Un avis critique
Lettre transcrite & éditée avec l'aimable autorisation de l'autrice/auteure
© Crédit photo : " Camille Aubaude", image fournie par l'autrice Aubaude.
J’ai pu situer vos Poèmes d’Amboise (2007) dans votre œuvre déjà très importante, qu’il me faudrait connaître dans toute son étendue pour que ces poèmes me révèlent leur singularité, dont vous avez la clé, ainsi que tous vos lecteurs.
J’éprouve avec certains textes, et les vôtres sont de ceux-là, la difficulté de définir leur nature par une « prose » raisonnée, communément employée. Analyser certaines poésies, à mes yeux, c’est les tuer. Pour exercice mental, faisons de l’algèbre et non de la radiographie de poèmes, où l’émotion prend sur le champ la fuite. Pour ne pas désenchanter le domaine, il faudrait, par un écho de même nature, se servir du langage poétique pour qualifier la poésie, celle qui est digne de porter ce nom.
C’est ce que je pense à propos de vos Poèmes d’Amboise. Alors, au ras de ma prose, pas d’analyse ! mais l’« impression » que m’a laissée comme une traînée de poudre ce recueil. Votre langage a une condensation de pierre précieuse, une luminosité (je suis d’accord avec Marie-Hélène Breillat qui dit « lumière »). Vos mots ont un pouvoir éclairant — beaucoup de /i/ (pour moi le /i/ brille) de /o/ (roses), de diphtongues colorées. Voilà pour le bel objet.
Impression maintenant d’un autre ordre : une certaine nature magique des éléments de la vie dans leurs rapports entre eux par le choc rapide des registres, celui d’un réel — bien vécu quoique toujours indéterminé — provoquant des résonances intérieures imprévues ou des associations brusques éloignées en nature.
Vous relancez sans cesse la curiosité dans ce monde de relations imprévisibles — à nous ! — de climats mentaux qui s’attirent comme les mosaïques changeantes d’un kaléidoscope. Vous savez à la fois vous faufiler à l’intérieur des événements et des états d’âme, en faire un bel élixir poétique et donner à travers cela un sentiment de gravité, de mystère, de sortilège aussi parfois…
Dans votre univers, il existe des références à des moments, des lieux, des personnes, des chocs émotifs qui ont déclenché le processus poétique et qui nous sont impossibles à décrypter. Mais la beauté du texte suffit. Exemple : « Le soleil dans la crinière de Jeanne, fanal où s’égare l’oiseau ». Y a-t-il sur ce portrait un oiseau ?
Sans chercher la clé, cette fois, j’aime dans Papillon d’Or : « Un jour glissant dans l’ondoiement des nymphes » ; ailleurs, « Les nuages mobiles vêtus des larmes de l’Ange », et tant d’autres très belles images. L’être maison est très touchant, car je m’identifie souvent à ma demeure. J’aime particulièrement vos rondeaux, leurs refrains, leur scansion, l’esprit de l’hymne qui les anime, et un superbe langage.
Vous m’avez donné une vraie joie poétique. Merci.
Suivez votre beau parcours de poétesse et de révélatrice de nos « consœurs » en poésie au cours de l’histoire…
Je suis une Occitane adorant « ma » langue — magnifique — qui ne cherche rien d’autre qu’à vous envoyer une admiration pour votre écriture, faite d’une reconnaissance d’habitudes d’un même monde.
Jacqueline Leglu-Diéras, lettre manuscrite (4 pages), Paris, 3 septembre 2011.
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Pour citer ce texte
Jacqueline Leglu-Diéras, « Un avis critique », correspondance inédite, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Megalesia 2020, mis en ligne le 6 juin 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/megalesia20/gb-eurynome
Mise en page par David Simon
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