Megalesia 2020 | Chroniques de la pandémie de COVID-19 | Articles & témoignages
Quand le Coronavirus induit un champ
lexical emprunté également
au théâtre antique
Crédit photo : Image de la signature de Bertolt Brecht, domaine public, Wikimedia.
Le Coronavirus a fait fleurir notre champ lexical par l’émergence de toute une série de mots ou concepts dont La distanciation sociale. Ce concept en particulier m’interpelle parce qu’il me fait tout simplement penser au théâtre de Bertolt Brecht où l’effet de distanciation qui peut se traduire par l’effet d’étrangeté se trouve transposé dans notre vie quotidienne. Ainsi nos us et coutumes se trouvent modifiées : plus de poignée de main, plus d’embrassade, bref, bannissement de tout geste de proximité, ce sont les gestes barrière qui prévalent, des gestes qui sauvent, bien évidemment.
La distanciation sociale est le summum des mesures barrière qui bouleversent toute notre structure sociale. Tout cela nous semble bien étrange. Insolite !
« Devant lui on portait les masques » (B. Brecht, L’Arche).
N’est-ce pas qu’aujourd’hui on porte le masque au contact des gens ?
On n’est plus soi-même, on se dépouille de sa manière d’être, on adopte une nouvelle gestuelle, de nouveaux codes sociaux : on se tchèque avec les pieds, on se coudoie amicalement, on se prosterne devant l’autre, la main sur le cœur, c’est la symbolique de la cordialité. Peut-on parler ici d’une recherche d’esthétisme et de stylisation en comparaison au théâtre japonais dont s’inspire Brecht ? On déploie des trésors d’inventivité.
Le théâtre est mis à mal depuis le confinement dû à la crise sanitaire mais un autre théâtre se joue au quotidien sur la scène nationale et internationale.
Dans le théâtre de Brecht il y a bien sûr un jeu d’acteur. Avec la pandémie, les acteurs sont multiples : ils sont médicaux, sociaux, politiques et économiques. Chacun joue son propre rôle. Pour certains la médecine est même devenue une science prédictive. Si le théâtre avait pour but de divertir mais ce n’est point le cas ici.
La moralité qui en découle ce sont les limites de la médecine et la mise au jour des failles de la gestion managériale de notre système de santé. Quel bel enseignement !
« […] une telle époque de confusion [sanglante]
De désordre institué, d’arbitraire planifié
D’humanité déshumanisée »
(Bertolt Brecht, L'exception et la règle)
Le virus se fait invisible mais inspire ceux qui sont encore debout. Le surréalisme et l’invraisemblance se côtoient et décoiffent la logique. La parole fausse fait autorité quand elle émane d’une personnalité éminente.
La télévision et les réseaux sociaux sont des espaces scéniques modernes qui révèlent les nouveaux acteurs sociaux en mal de notoriété.
La scène est dématérialisée dans cette culture magique où les acteurs mesurent leur popularité par la montée exponentielle des « vues » et des « like ». Avec le phénomène de massification qu’induisent les réseaux sociaux la perméabilité des messages et l’adhésion des récepteurs (le public virtuel) sont un signe de satisfaction de leurs émetteurs (acteurs). Cela remplace bien les applaudissements dans les salles de spectacles classiques.
Poserions-nous la question à l’instar de Bertolt Brecht dans La bonne âme du Se-Tchouan ?
« Faudrait-il d’autres hommes ? Un monde changé ?»
Ou dirions-nous encore ?
« La seule issue à ce problème qui irrite
Serait que vous réfléchissiez et tout de suite
À la manière de trouver la bonne personne
À trouver la fin qui soit bonne » (Bertolt Brecht, La bonne âme du Se-Tchouan).
MDC
***
Pour citer cet article
Maggy de Coster, « Quand le Coronavirus induit un champ lexical emprunté également au théâtre antique », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Megalesia 2020|V - Chroniques de la pandémie de COVID-19, mis en ligne le 25 mai 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/megalesia20/coronavirus-scènes
Mise en page par David Simon
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