Poèmes inédits
Vouivre
&
La jouvencelle oubliée
Patrick Aveline
Vouivre
Les tuiles se serrent
À l’ombre du roucas blanc
D’où l’on mire l’eau verte et sa chair
Ruban mobile
Ichtyose d’une vouivre
Balafrée jusqu’au sang
À l’assaut des lacets
Les spartiers dissimulent
Les incessantes virades
Embaument la montagne
De leurs crevettes jaunes
Enivrent l’ecchymose du ciel
Et la cadence de mon pas
Et tandis que la vierge patiente
Derrière les barreaux cambrés
De son oratoire de poupée
J’entrevois enfin
Les frasques d’une autre péninsule
Sur son océan imberbe
Les sept cités de Cibola ripostent
À la vaste plaine Assiniboine
À la racine de ses poteaux de bois
Où circule le télégraphe
Le galop fantôme des bisons
Palpite d’un accord tellurique
Mais ce sont les mustangs
Dont j’aperçois au loin
Le brouillard de poussière
Qui récitent au mieux
La convulsion des nomades
Car c’est là sur ce toit
Au ciel de cet incalculable Nazca
Que la lumière des étoiles
A choisi de s’établir
Car c’est là que je ne dormirai plus
Me réchauffant seulement à l’essieu
Et au brasier de leurs spirales
Là que je garderai les yeux béants
Sur la nuit et la clarté de son soupir
Remettant aux lendemains
L’élégance de nouveaux plateaux
20 décembre 2011
(poème sur le Plateau de suech)
La jouvencelle oubliée
Au chemin de sa rêverie
Une vieille Mandingue pêche
Aux rives onduleuses du fleuve
La mémoire de l’eau qui dort
L’insouciance de sa fraîcheur
À l’hameçon pleine patience
S'écoulent six cliques
Où s'enlisent en paix nombre
De mates algèbres
Le clignement d’un bref séjour
Longue torpeur
D’un sommeil insondable
La vieille traque l'enfance
Les respirations amples du griot
Son théâtre de gestes
Bleus les rires du stentor
Au soir calme
Baobabs géants
De Diouloulou
Ultimes rayons
Elle piège l’enfance
Ses vertiges de canopées
Sirotées sont les cabanes du ciel
Entre chacal et lionne
Un temps sans relâche
Elle talonne l’enfance
Ses pieds nus
À la cervelle incertaine
Les pirogues qui chantent
Chahute marigot
À ses yeux embués
Par les pluies du temps
Répondent les phalènes du soir
Leurs songes d’enfant
Invitant les bêtes
À tapisser de terre
Les doigts du vent
À ses yeux abîmés
Qui ont tant puisé
Au fil ocre du puits
Répondent
L’eau des soifs d’été
Et la peine des calebasses
Proche innocence
Se laisse parfois glaner
Au creux de ses mains ridées
Elle offre ses tresses
Aux lianes ingambes
La vieille femme les poursuit
De ses haleines qui s’épuisent
Éparpillées perdues
À la brousse des hautes herbes
S'entiche d'un arbrisseau
Longe la falaise
Aux branches noueuses
La candeur habite ce destin
Qui se perd dans le lacis
Des grands fromagers
Dans une clairière informe
La jouvencelle oubliée de Sissoko
Saisie la main de l'insouciance
Une cousine qui se fiance
Toutes deux légères
Se dirigent vers un seuil
Aux bruits joyeux
Poussières de sueur
Leurs nuits se prolongent souvent
D’un caméléon bavard du matin jaune
L’arbre aux palabres pour ombrelle
Et les denses silences pour amis
Parfois des éclairs griffonnent encore
Au ciel bas de Casamance
Leurs étranges épigraphes codées
Où l’on cherche la frisure
D’une cédille d’un tilde
Un signe de l’attachement
La vielle femme ne cille pas
Aux ténèbres du dernier orage
S’ouvre à ce jour qui vacille
Et par le trou de la serrure
De la vieille aquarelle
Par les sentiers rouges
Du temps accompli
Elle sourit aux ombres
De l’enfance oubliée
8 février 2012
Pour citer ces poèmes
Patrick Aveline, « Vouivre », « La jouvencelle oubliée », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : « Poésie, Danse & Genre » [En ligne], n°1|Printemps 2012, mis en ligne en Mai 2012.
URL. http://www.pandesmuses.fr/article-vouivre-jouvencelle-oubliee-103895440.html ou URL. http://0z.fr/PSTa6
Pour visiter les pages/sites de l'auteur(e) ou qui en parlent
http://www.leshommessansepaules.com/auteur-Patrick_AVELINE-36-1-1-0-1.html
http://antimeandres.kazeo.com/les-poesies-de-pat-aveline/les-poesies-de-pat-aveline,r105032.html
http://lesbellesphrases.skynetblogs.be/archive/2009/09/28/l-ile-patrick-aveline.html
Auteur(e)
Patrick Aveline
Patrick Aveline, né à Tanger 1961. Vit et travaille à Marseille dans l'industrie aéronautique.
Publie depuis 01/2009 dans différentes revues de poésie et de création littéraire et artistique telles que Verso, Les hommes sans épaule, Traction-Brabant, Franche lippée, Le moulin de la poésie, Art le sabord, Borborygmes, Art-en-ciel, (Sik), L'arbre à paroles, Du nerf, Traversées, Libelle, Soleils et cendre, Pages insulaires, Nouveaux délits...
Sa poésie est publiée également sur les sites de la maison d'éditions Soc et Foc, sur le blog "les belles phrases" du poète Éric Allard, sur le site "les poètes" du poète toulousain Christian Saint-Paul et sur le blog "Poèmes épars" du poète et peintre Ivan Watelle.
Auto-publie en mars 2010 aux éditions L'Orée du Château Formulaire 36 suivi de Coeurdillère des Anges, son premier recueil de poésie.