Poème |
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Laurence breysse-Chanet |
©Crédit photo : Collection Jardins par Claude Menninger
2013
Supplique à la vie
courbe du dos le front s’appuie proche de la flamme
tout bruit doucement
le sang cherche le souffle
épaisseur des nœuds
les pensées se heurtent à la blancheur de l’os
une clarté peut-être
mais loin dans l’ombre du corps muet
La seule loi
son battement inexplicable
Reviens vers lui
pose tes mains sur ses épaules
étends-toi
territoire rouge
écarte tes mains
la douleur se tait
dessine des nervures sur les plages de la voix
Pénètre le désarroi où s’égarent les mousses
Sur la colonne blanche un éclat
Les nœuds se défont et lancent des amarres
vers la mer lointaine
dont le sable est ton silence
Poids de la vie rassemblé dans tes mains
les veines des lys ont laissé du rouge sur ta peau
Crépuscule dans le lointain
Froissements soudain
sur les yeux fermés
Les paupières appellent la nuit encore
pour qu’elle s’étende auprès de toi
Dans sa réponse ta voix entend les images du noir
Les résonances se rapprochent sur les feuilles
nervures bleues dans le rouge qui se
[déchire
Le soir revient l’aube se plisse et gémit allongée sur la lumière du matin
demande son ombre encore
le rouge monte toujours gagne le mur pris par la mousse
les genoux vacillent
le noir demeure
Lueur la peau le poids des lys rouges
ton visage
Souvenir calme sur la peau du matin
les feuilles vibrent dans l’épaisseur que tu respires
dans la sève l’eau rejoint la nuit
Tu sens la chair des lys leur silence écarte tes doigts et s’endort sur tes paumes
musique du sang le visage sous les paupières respire la nuit dans le matin
les mains touchent les genoux les veines sur la blancheur de l’os
elles emportent le masque de cendre
qui a creusé les paupières
Plus bas encore l’eau se glisse sur le feu éteint
le gris le bleu dans le silence écarlate
La chair des lys où dort le silence
Parce que la brise avance doucement
la mort sourit
et dit non.
Les portes sont fermées,
écoute la chanson.
Le sable est creusé,
il en contient le son.
Les murs sont élevés,
on y voit luire ton nom.
Les mains cherchent toujours ton ombre
sur les écorces blanches de la mémoire.
Je déposerai ton nom sous les mousses,
pour qu'il résonne dans la source du bois.
J’écoute ta présence sur le chemin des feuilles qui crissent sous ma peau.
Courbe d’une flamme
I
Quand tu fermes les yeux,
la mousse travaille sous le vent.
On entend les feuilles, les écorces craquent.
Les branches basses se rassemblent,
leur ombre s’ouvre.
Elle entoure tes épaules qui prennent sa couleur.
Les feuilles, les branches, les yeux,
tes épaules
dans l’espace du vent.
II
Aujourd’hui ton nom sur le corps du vent.
Il efface les traces qu’a laissées le sel,
il appelle l’eau de la source ancienne
et traverse le sable
jusqu’à l’humus noir
où les mains retrouvent le limon caché.
Miroir tes yeux sous mes paupières.
III
Sur la blessure violente de la vie
l’argile des jours dépose ton souvenir.
Roseaux dans le calme du matin.
Pour citer ce poème |
Laurence Breysse-Chanet, « Supplique du souffle », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2013. Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-supplique-du-souffle-117752911.html/Url. |
Auteur(e) |
Laurence Breysse-Chanet Ancienne élève de l’ENSJF, agrégée d’espagnol, membre du comité de rédaction de la revue Polyphonies (1989-1997), Maître de conférences HDR, Université Paris-Sorbonne, où elle dirige un séminaire de poésie (Espagne, Amérique latine).
Écrit sur la poésie contemporaine de langue espagnole, Espagne (Antonio Gamoneda), et Amérique latine. Traductions : Espagne : Amparo Amorós (José Corti, 1989, 1995), Jaime Siles (Presses de l’École normale supérieure, 1990), Blanca Andreu (Éditions de la Différence, 1992), Claudio Rodríguez (Éditions Arfuyen, 2008. Prix de Traduction Nelly Sachs 2010), Princesse Inca ((Éditions) La Contre Allée, 2013), outre de nombreuses publications dans Polyphonies et dans d’autres revues. Amérique latine : Traductions de Luis Mizón (Chili), d’Emilio Adolfo Westphalen (Pérou), de José Lezama Lima (Cuba) en livres ou en revues (Europe).
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