Critique & réception
Texte reproduit
Michèle Finck, Balbuciendo
Ouvrage poétique paru aux ÉditionsArfuyen |
Françoise Urban-Menninger
Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteure et de la revue Exigence-Littérature
Après L’Ouïe éblouie paru aux éditions Voix d’encre, Michèle Finck signe l’édition d’un deuxième recueil chez Arfuyen dont le titre Balbuciendo nous renvoie d’emblée vers l’origine du langage qui nous met au monde. On songe aussitôt au merveilleux film-poème La momie à mi-mots où apparaissait Michèle Finck, poète et scénariste et dont le réalisateur Laury Granier nous disait que derrière l’écrivain se cachait « l’éternel enfant ».
« L’éternel enfant » use de ce balbutiement dont G. Diego dans le livre de Paul Gifford Paul Valéry : musique, mystique, mathématique nous affirme qu’il est « la poésie, ces choses ou cette chose que tentent obscurément d’exprimer les cris, les larmes, les caresses, les baisers, les soupirs. ». Et de citer le fameux vers du Cantique Spirituel du mystique espagnol Jean de la Croix : « un no sé qué que balbuciendo ». Le livre que vient d’écrire Michèle Finck est bien un livre qui répond à cette définition. La rupture, le deuil, l’absence tracent sous la peau vive de l’auteure "des lignes de douleur".
Dans la première des trois parties qui composent le livre, Michèle Finck évoque "L’amour et l’échec de l’amour...". On retrouve dans "Présage" l’atmosphère de La momie à mi-mots avec de "Frêles cerfs-volants que le vent frôle'' mais déjà l’auteure voit sa "tête équarrie dans la vitrine d’un boucher". Image forte, étrange, fantasmatique dans la lignée de celles d’Anise Koltz ou de Claude Ber qui nous touche dans notre chair. Car à n’en pas douter, les mots de Michèle Finck ont partie liée avec ce corps qui les sécrète : "Les gencives de l’enfance saignent", "L’oreille pleure d’astres crevés"...
La deuxième partie du livre consacrée à la mort du père est bouleversante. L’enfance du père y est évoquée avec une tendresse infinie : "l’avoir entendu balbutier qu’il avait appris à déchiffrer tout seul livres et partitions en gardant les vaches."... Michèle Finck avec son âme d’enfant se remémore son père enfant avec ses frustrations, ses peurs, ses désirs. Le lecteur éprouve une totale empathie pour l’auteure au chevet de son père agonisant et il ouvre avec elle "de nouvelles portes de douleurs à l’intérieur de soi".
Suivent alors des poèmes magnifiques tel "De givre et de feu" où père et fille se retrouvent au coeur du poème "Écrit à deux bouches". Dans le texte "À deux voix" où le père incinéré devient "Père à la peau de sapin père brûlé", on appréhende la consumation totale du moi dans la nature qui a inspiré le père également poète.
Indubitablement, le livre de Michèle Finck est l’une de ces étoiles filantes qui nous éclaire dans notre nuit. Si le vrai cimetière n’est autre que notre mémoire, il n’en est pas moins vrai que ce recueil est la vraie tombe du père décédé. Et l’auteure de nous rappeler la lettre de Goethe à Zelter dans laquelle il soutenait :" J’ai la ferme conviction que notre esprit est une substance de nature tout à fait indestructible, qui continue d’oeuvrer d’éternité en éternité".
Dans la troisième et dernière partie intitulée « Scansion du noir », Michèle Finck, on le pressent, a décidé de continuer "à oeuvrer" : "Ciel silence cigale/J’écris/D’un seul coup tout autour des tortues sauvages."
Et l’écriture du ciel de mettre un baume sur cette incoercible souffrance : " Ce soir un peu de bleu a eu pitié de moi " et le lecteur de refermer ce livre en sachant qu’il faudra très peu de temps pour qu’il le reprenne pour une nouvelle lecture. Car les lectures de Balbuciendo ne peuvent être que multiples. Il y a plusieurs livres dans ce recueil où les images forcent notre inconscient tant leur puissance et leur magnificence nous interpellent jusque sous notre peau où chaque mot rencontre son écho car le poème et son auteure ne font plus qu’un dans un corps de lumière où l’écriture s’impose pour révéler sur la page blanche " le scanner de l’obscur ".
Pour citer ce texte |
Françoise Urban-Menninger, « Michèle Finck, Balbuciendo, ouvrage poétique paru aux Éditions Arfuyen » (reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteure et de la revue Exigence-Littérature, url. http://www.e-litterature.net/publier/spip/spip.php?page=article5&id_article=278), in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni, texte mis en ligne le 31 octobre 2012. Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-michele-finck-balbuciendo-ouvrage-poetique-110896855.html/Url.
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Auteur(e) |
Françoise Urban-Menninger est poète et nouvelliste, auteure d'une vingtaine d'ouvrages de poèmes et de nouvelles. La plupart ont paru chez Éditinter, le dernier recueil de poèmes en date est De l'autre côté des mots. Elle anime des ateliers d'écriture à Strasbourg où elle est critique d'art pour la revue Transversalles, elle rédige également des critiques littéraires pour la revue électronique Exigence-Littérature. Elle est également membre de la SIEFEGP et de l'équipe de la revue Le Pan poétique des muses. |