Avis à une Belle
Iris tous ces jeunes Amants,
De qui vous écoutez les plaintes,
Font à vos pieds mille serments,
Mais ne les croyez pas, ce ne sont que des feintes.
Le parjure en amour fut toujours si commun,
Que de quelques serments dont un Amant s’engage,
Dix mille n’en valent pas un,
Et qui les croit le moins est toujours la plus sage.
L’art d’aimer est l’art des trompeurs,
Où le crime n’est qu’une ruse,
C’est comme l’art caché de ces noirs Enchanteurs,
Qui sont des Spectres vains par qui l’âme s’abuse.
Tel qui dit, qu’il vous aime, et qui paraît soumis,
Est de vos plus grands ennemis ;
C’est un Serpent caché qui rampe pour vous nuire,
Son venin est mortel, quoi qu'il vous semble doux,
Dès qu’il touche le cœur, il cherche à le détruire,
Et quand il l’a détruit, il se moque de vous ;
Combien de beautés abusées,
Par de malheureuses amours,
Nous font-elles voir tous les jours,
Et des Jasons et des Thésée ;
On se rit aujourd’hui de l’infidélité,
Et de votre crédulité ;
Ces ingrats trop heureux font un mépris extrême,
Pour régner sur leurs cœurs vos soins sont superflus,
Tandis qu'on les rebute ils veulent qu'on les aime,
Et quand ils sont aimés, ils ne vous aiment plus.
Mme de Lauvergne, poème tiré du Recueil de poésies.
Ode à Lebrun ;
Par Fortunée B. Briquet,
De la société des Belles-Lettres,
De Paris.
Ode à Lebrun
« Au temple des neuf Sœurs accourez vous inscrire,
Vous, quoique vous soyez, dont le cœur noble aspire
A l’immortalité.
Votre mémoire ici sera toujours vivante ;
Et rien n’affaiblira la splendeur éclatante
« D’un règne illimité.
Dans les champs renommés que l’Alphée environne,
A côté des vainqueurs, sous la même couronne,
Pindare s’est placé.
Héritier de son nom, dans la France étonnée,
Lebrun mérite aussi d’avoir la destinée
Du Chantre de Dircé.
La beauté, les honneurs, l’amour et l’opulence,
D’un brillant avenir bercent votre indolence :
Quelle est donc votre erreur !
Ah ! si vous dédaignez nos largesses divines,
Le temps, auteur de vous, sèmera des ruines :
Vous pâlirez d’honneur.
Au temple des neuf Sœurs accourez vous inscrire,
Vous, qui que vous soyez, dont le cœur noble aspire
A l’immoralité.
Votre mémoire ici sera toujours vivante,
Et rien n’affaiblira la splendeur éclatante
D’un règne illimité ».
Gardez, Muses, gardez votre douce promesse :
Que puis-je faire, hélas ! des faveurs du Parnasse,
Au siècle des flatteurs ?
Irais-je encore, irais-je, esclave volontaire,
Profaner vos bienfaits, en suivant la bannière
Des calomniateurs ?
Voyez ces écrivains dont la plume avilie,
Par un stupide orgueil lâchement s’humilie
Pour honorer les Grands.
De leurs éloges vains la vérité se venge :
Voyez-les dégoûter, même de la louange,
Ceux qui vivent d’encens.
Est-ce donc à l’esclave à louer le grand homme ?
Les superbes lauriers des héros qu’on renomme,
Sont flétris par ses mains.
Quand Apelle est vivant, qu’ose-t-il entreprendre ?
La Gloire a réservé le portrait d’Alexandre
À des pinceaux divins.
Vous, que la Liberté proclame ses poètes,
Commencez vos concerts, augustes interprètes
De ses austères lois.
En vous lisant, un jour les nations sauvages
Trouveront consacrés, dans vos sublimes pages,
Leurs devoirs et leurs droits…
Je n’ai point entendu votre heureuse harmonie :
Que tardez-vous encor ? Craignez-vous de l’envie
Les cris audacieux ?
Non, le bourdonnement d’un insecte timide
N’arrêtera jamais l’aigle en son vol rapide
S’élançant vers les cieux.
Quand la gloire des arts est à son apogée,
Faut-il, pour vous soustraire au destin d’Audrogée,
Enfouir vos talents ?
À la voix d’Apollon, montrez plus de courage ;
De votre ruche, allez, chassez, malgré leur rage,
Les frelons dévorants.
Contempteur du génie, orgueilleux sybarite,
Son triomphe t’afflige, et dans ton cœur excite
Un coupable transport.
Souviens-toi que le bronze où vivait Théagène[i]
Par la haine ébranlé, retomba sur la haine,
Et lui donna la mort.
Ne soyons point ingrats, honorons les grands hommes :
Leur génie agrandit, dans le siècle où nous sommes,
L’éclat du nom français.
Dans la postérité nous vivrons de leur gloire.
Acquittons notre dette, et qu’un jour leur mémoire
Atteste nos bienfaits.
J’ai bu dans votre coupe, ô Filles d’Aonie,
Et du luth enchanteur du Dieu de l’harmonie
J’ai tiré quelques sons.
Ô toi, dont ma patrie admire les ouvrages,
Chantre immortel, Lebrun reçois pour hommages
Le fruit de tes leçons.
♦ Briquet, Fortunée B., Ode à Lebrun, Paris, C. Pougens, 1803, In-8° , 9 p.
Tous nos remerciements vont à Gallica et à la BNF qui autorisent la reproduction et la mise en ligne de ces textes.
Pour citer ce(s) poème(s)
Mme de Lauvergne, Avis à une Belle, in Le Pan poétique des muses|Revue de poésie entre théories & pratiques : « Poésie & Crise » [En ligne], n°0|Automne 2011, mis en ligne en octobre 2011. URL. URL. http://0z.fr/YHgeT ou
URL http://www.pandesmuses.fr/article-n-0-poemes-des-aieules-86295615.html
Fortunée Briquet, Ode à Lebrun , in Le Pan poétique des muses|Revue de poésie entre théories & pratiques : « Poésie & Crise » [En ligne], n°0|Automne 2011, mis en ligne en octobre 2011. URL. http://0z.fr/YHgeT ou
URL http://www.pandesmuses.fr/article-n-0-poemes-des-aieules-86295615.html
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