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Calliope,
Conversation en l'absence,
Enriqueta, Je dis,
Les roches noires & Ton nom |
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À
Les roches noires
Un bruit de porte prononce sa phrase.
La phrase vous pousse sur la plage.
Elle vous porte à ne plus revenir, à entendre,
à accepter son bruit , à oublier votre venue.
Mais oublier est impossible.
La porte claque. Vous êtes sur le sable.
Cette plage n’est plus comme vous l’avez connue.
Elle vous est absente parce que vous n’y êtes plus.
La porte claque.
Vous étiez déjà partie. En partance, en dehors de vous-même toujours.
À l’écrit de nous. Depuis ce jour.
La rue ne vous reconnaît pas. La mer vous tait.
Vous êtes une autre. Celle qui ne reviendra pas.
Vous êtes à l’adresse même de votre départ.
Vous êtes perdue entre ces deux espaces.
Sur une plage muette, cette langue de terre recouverte par les sables.
La mer se retourne vers l’hôtel. Une autre marche.
Le bruit n’est plus.
La plage est à présent nue.
C’est la pluie qui vous l’annonce.
La porte ne bouge pas.
Vous ne reviendrez plus.
mars 2014
Ton nom
(aux femmes de la Commune de Paris)
« Quel est ton nom ? »
Je m’appelle.
Voici mon nom!
Éternelle et sentinelle.
Je suis.
Au pied de la muraille.
Faims et grenaille
Justice et barricades
Je m’appelle et me dresse
Souviens toi :
Je m’appelle.
Du bruit de leurs canons.
Du fracas de leurs chaînes,
Des nuits de ma relégation.
« Quel est ton nom ? »
Je m’appelle.
Au nom du premier soir,
D’un chœur éperdu d’espoir.
En moi même.
Je m’appelle
Et me nomme
Du même nom que toi!
Je m’appelle
Au nom d’une commune ôtée.
Faims et grenaille
Justice et barricades
Je suis tête, je suis ventre,
je suis gorge,je suis mains.
je suis la langue de l’humain.
Je suis le rire de ce village
le gout de ses faubourgs,
et tous les chants de son retour.
« Quel est ton nom ? »
Je m’appelle
Souviens toi !
Je me rappelle
depuis le silence de leurs crimes,
depuis les rafales du mépris
Je m’appelle !
Depuis un voile tombal
et de cette pierre,
ici,
je déchire les entrailles
je ruisselle,
je traverse et je passe
Faims et grenaille
justice et barricades
Regarde moi !
Voici mon nom !
Souviens toi
Je m’appelle seule
et vers toi
Ici, par ce miroir
Tu te rappelles en moi
« Quel est ton nom ? »
Je suis celle
Que rien n’effacera
Que rien ne taira
Que rien n’étouffera
Que rien ne supprimera
Que tout écrira
Que tout chantera
Et depuis toutes leurs offenses,
Je suis en un mot ton unique pluriel.
« Quel est ton nom ? »
Depuis le sang de cette muraille
Je suis.
Guerrière et éternelle
Femelle et sentinelle
En mille âmes, souveraine.
« Ton nom ? »
Je m’appelle du nom de la fraternité
et, contre le lierre de leurs pierres
Je suis femme à jamais éprise de libertés.
mai 2014
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http://www.pandesmuses.fr/2015/11/calliope-conversation-absence.html |