Numéro Spécial | Printemps 2022 | Dossier majeur | Florilège
Barbare lecteur, Fontaine auvergnate
& Le compteur électrique (6 sizains)
Textes & photographie
Art. Wikipédia
© Crédit photo : Chantal Robillard, "Fontaine enneigée ".
Barbare lecteur
Au salon du livre
De Colmar, fin novembre :
Dimanche matin.
La foule est venue.
Je lis un achat tout frais.
Paf, quelqu’un me crie,
Juste sous le nez,
Me tendant un gros bouquin
Agressivement :
– Combien, celui-là ?
– Ah, nous, assis aux étals,
sommes les auteurs.
Mais derechef je
Vous appelle un des vendeurs,
Dis-je en me tournant
Derrière, vers eux.
(Tiens, bonjour mon mal de dos !).
Braille malotru :
– Mais alors, vous, là,
À quoi donc vous servez , hein ?
J’explique, restant polie :
– Assis les auteurs,
Et les libraires debout.
Chacun son métier.
– C’est bien compliqué,
Vot’ truc, dit le gars. Ben moi,
Métier : acheuteur !
Eh ben ? C’est combien ?
Je reste affable, souris.
La vendeuse, enfin,
Arrive à grands pas.
Vient vers nous et là… me dit :
Je lis mal le prix,
Sans mes gros lorgnons.
C'est écrit en tout petit.
Pas de bol, c'est la
Retraitée venue
En renfort « aider un peu » !
Je me penche donc,
Dois donner ce prix.
Le bonhomme est furibard,
Croit qu’on s’est moqué
De lui. S’en va, tout
Ronchonnant qu’ « à
l’acheteur
On doit le respect ».
La morale, ici ?
Essayez donc d’éduquer
Barbare lecteur.
Fontaine auvergnate
(mais rime berrychonne )
Surprise en arrivant : le bac
De ma vieille fontaine
Avait chapeau sur le bec.
C’était un vrai mirage :
Par-dessus, illuminée,
Une autre était admirée,
Au couchant, tandis que l’eau,
Malgré le grand froid courant,
Des deux jets allait coulant.
Dans le bac, les trois poissons
Tournaient toujours bien en rond,
– Comme souvent nous pensons ! –,
Tout en bas de l’avenue.
C’était bien de l’embellir,
Penser à son avenir.
C’était un beau grimage,
L’éclairage s’animait,
Et la fontaine rimait.
Le compteur électrique (6 sizains)
La maison de Sausset
Était bien saugrenue.
Il se passait toujours
Lorsque nous arrivions,
Tout chargés, endormis,
Sortant du train de nuit,
Cette chose insolite :
Vite notre pépé
Se précipitait vers
La boîte du compteur.
« Il a encore baissé ! »
Clamait-il aussitôt
Après l'avoir branché.
Alors mes grands-parents,
Auvergnats si radins,
Couraient tout allumer,
De la cave au grenier,
Toutes les pièces, oui,
Une vraie gabegie !
Durant notre séjour,
Des ampoules à cent watts
Brûlaient, luisaient, brillaient,
Scintillaient de partout :
Un Noël hors saison,
Hurlant qu’on était là !
C’est peut-être pour ça
Que les riches voisins
Nous prenaient pour des fous
Presque aussi riches qu’eux
Et daignaient m’inviter ?
J’eus bien plus tard la clé :
Le compteur défaillant
En arrière tournait
Dès que nous repartions !
Pour ne pas le changer,
Il fallait… rattraper !
© C. Robillard
***
Pour citer ces poèmes humoristiques & inédits
Chantal Robillard, « Barbare lecteur », « Fontaine auvergnate » & « Le compteur électrique (6 sizains) », Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Numéro Spécial | Printemps 2022 « L'humour au féminin » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 28 décembre 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/ns2022/cr-fontaineauvergnate
Mise en page par David Simon
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