Lettre n°14 |Être féministe|Critique & réception
Pedro Vianna
Sans raison précise
Livre LIV, format A5,
juillet-décembre 2019, 72 p.
Site personnel : www.maggydecoster.fr/
Site du Manoir des Poètes : www.lemanoirdespoetes.fr/
Sans Raison précise mais « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » selon Pascal.
Ce titre qui commence par la préposition Sans marque d’emblée un privatif donc l’absence, le manque. Un impromptu qui chambarde tout si bien que le poète reste comme « figé/ dans un mouvement incessant » car « la perte / est une porte / qui se déporte/ qui se fige »
On tourne en rond quand rien ne tourne rond. Quand tout est creux, néant autour de soi. Infinitude du vide. Vide qui « remplit les nuits » et induit tant de douleur.
L’éloquence du silence et la permanence des souvenirs étouffent les cris logés dans la gorge nouée du poète. Plus de repères. C’est comme s’il vivait dans un monde dépeuplé où ne résonne que l’écho du silence : « aller venir /notes de voyage /revenir /notes de souvenirs /
ne plus revenir /notes d’absence /haussement du silence /silence des ossements /ah si tu avais été là »
Immortalité des souvenirs logés dans la permanence de la souffrance : la présence de l’absent s’impose au quotidien dans son univers dépeuplé : « égaré dans les pièces vides /de la maison fantôme/abandonné / avec ses pas /il brassait dans sa tête /la présence des absences confondues »
Une voix s’est éteinte, cette voix d’homme de théâtre, complice des bons et mauvais jours. Étreinte soudaine et brutale de la mort. Mort sans préavis. Injonction des Parques. Rien de précis sur cette disparition qui laisse place à tant de questionnements. Tout demeure suspension.
Suspension de l’action. Suspension des projets. Évanouissement des rêves « dans la vacuité des jours » car « soudain la mort se présente/et tout se perd dans l’horizon /figé dans l’absence d’avenir/serti dans l’écrin du plus jamais ».
Ces poèmes écrits à l’encre du désespoir résonnent comme des notes d’incertitude. C’est un truisme dire que l’avenir est incertain. N’est-il pas courant de dire : on ne sait jamais de quoi sera fait demain ?
Mais le poète se trouve confronté à l’incertitude de l’incertitude :
« je m’accroche au quotidien /pour tenter d’étayer un avenir / bien incertain ».
Dans l’incertitude de l’avenir il continue de vivre dans la procuration de l’absence. Aussi a-t-il fait le pari de « tenir bon ». Enfin de compte il ne lui reste qu’« à apprivoiser le quotidien /pour / que les pleurs s’abîment dans les failles du néant » même si rien ne sera plus comme avant, quitte à « défoncer des portes ouvertes ». Bel oxymore pour lutter contre l’inéluctable et l’invincible.
NDLR : Ce recueil dédié à Éric Meyleuc est disponible sur le site :
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Pour citer ce texte
Maggy de Coster, « Pedro Vianna, « Sans raison précise », Livre LIV, format A5 juillet-décembre 2019, 72 p. », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°14|Être féministe, mis en ligne le 25 février 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/lettreno14/sansraison
Page publiée par le rédacteur David Simon
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