Avant-première
Quatre poèmes inédits
& extraits de son recueil Très 1900 à paraître
La minute, La planche,
Leçon & Papillons de nuit
Armelle Leclercq
La minute
À la gare d'Eifukucho
Qui mène à Shibuya,
Place où l'on traverse dans tous les sens
Mais en files diverses,
Tricotant une étoffe complexe et éphémère toutes les cinq minutes
Quand le gong du feu vert se met en branle,
Et qui se fige piétons dès qu'il passe au rouge
– Discipline rendant seule la circulation viable –
À la gare d'Eifukucho,
Je regarde sur une publicité la minute :
On dirait bien une danseuse,
Le corps triangulaire de la robe,
Les deux jambes, l'une s'arrondissant, l'autre sur une pointe.
La minute est une gamine de Degas.
Ah, valse, valse, petite minute,
Comme les jambes des piétons que je croiserai bientôt
Après le trajet en express,
Ah, valse, valse, petite minute
Dans le temps compacté
Des migrations pendulaires.
La planche
Faire la planche
Sur une plage de Zushi
– Le Pacifique fond de baie est plane,
Les estivants aoûtiens repartis,
On entend crisser les cigales au bosquet de pins,
Seule une troupe de gosses s'affaire,
Piquets et seaux.
Faire la planche, c'est
Danser entre terre et ciel,
Voir s'effilocher un nuage,
Tournoyer cinq oiseaux lesquels ?
En groupes, 2 et 3,
Balançant en une valse irréelle
Loin là-haut on dirait des cerfs-volants.
Faire la planche
Ou se régler très exactement sur les pulsations du lieu,
Se laisser prendre par la plus infime vaguelette,
Bras en croix, étreindre la brise,
Vers le fond sablonneux émettre son ombre physique
À travers laquelle filent des alevins
– Peut-être une microscopique méduse : il y a eu un contact piquant.
Faire la planche, c'est glisser dans ces dix quinze vingt centimètres d'eau très chaude sous la surface,
Devenir l'onde
Ou le varech,
Infiniment s'étendre,
S'infiniment détendre,
Jouir du flux, du reflux,
Juste oreille-de-mer
En totale symbiose avec les contractions du monde.
Leçon
Échappant à la noyade
Comme à la grenouille,
Si agile,
Par les saisons, phasme,
Le sage danse sur l'eau.
Papillons de nuit
En socques et yukatas,
Maniant – occasion – l'éventail en plastique,
Les danseurs font le tour du bassin,
Paraissant happés par les lumières :
Fête des morts, fête des lanternes,
Etonnamment joyeuse est la musique O-bon-Odori,
Dynamique,
Et les mouvements de la population
Venue après visite aux tombes familiales,
D'une légèreté, d'une souplesse exemplaires.
Se mélangent tous les âges :
Habillées façon traditionnelle, des lycéennes
– Leurs gestes sont hésitants ;
Pour marquer l'instant, elles se photographient avec leurs portables –,
Parfois des mêmes teintes vêtues, des dames plus âgées mais prestes
– Elles dans la danse lèvent les bras telle une volée de papillons –,
Avec leurs couleurs brunes, marines,
Semblables à des hérons
Sur leurs socques des hommes superbes.
Toutes les strates de la population dans la danse tournoyante se lancent
Rythmée par les joueurs de taïko, ce tambour qu'on manie façon art martial à grands gestes.
Pour citer ces poèmes
Armelle Leclercq, « La minute », « La planche », « Leçon » & « Papillons de nuit » , in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : « Poésie, Danse & Genre » [En ligne], n°1|Printemps 2012, mis en ligne en Mai en 2012.
URL. http://www.pandesmuses.fr/article-poemes-leclercq-103291417.html ou URL. http://0z.fr/XujJY
Pour visiter les pages/sites de l'auteur(e) ou qui en parlent
http://www.m-e-l.fr/armelle-leclercq,ec,935
http://poezibao.typepad.com/poezibao/2007/03/anthologie_perm_10.html
http://poezibao.typepad.com/poezibao/2007/03/prsentation_dar.html
http://cema.univ-paris3.fr/armelle_leclercq.htm
Auteur(e)
Armelle Leclercq