Nouvelle chronique
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Camille Aubaude
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Giovanni Dotoli, Les plus beaux vers de la poésie française, Baudry, coll. « Les Voix du livre », oct. 2012 - Nouveauté : L’érotisme féminin, éd. Hermann, 2011.
Comment le poète donne forme à sa pensée ?
Pour qui se demande où Giovanni Dotoli va chercher son « combustible » poétique, lui qui pratique infatigablement la publication de livres poétiques, tant en France qu’en Italie, pour qui souhaite approcher ses grandes références poétiques, il faut ouvrir Les plus beaux vers de la poésie française :
« Celui à qui Dieu a donné l’intelligence et une bonne éloquence ne doit ni se taire ni la cacher. »
Marie de France, Lais, « Prologue. »
Un colloque à l’Université de Cagliari, consacré à Giovanni Dotoli en décembre 2012, le désigne comme « Poète de la liberté humaine ». Il dirige actuellement plusieurs collections littéraires. C’est dans « Les Voix du livre » que paraît le florilège des « plus beaux vers », qu’il aime jusqu'à les commenter avec un art subtil du décalage, sans s’essouffler, excellente manière de partager la « respiration de l’éternel » :
« Rends-moi le Pausillipe et la mer d’Italie. »
Nerval, El Desdichado, in Les Chimères.
« La beauté de l’Italie est un mythe pour tous les poètes. »
Fort de sa prodigieuse érudition, mais aussi, et bien sûr, « saltimbanque », « acrobate, « équilibriste », « funambule » et « rêveur de liberté » (à propos d’Apollinaire, p. 76), Giovanni Dotoli donne cette fois à écouter les vers à la source de son inspiration, et à comprendre le surgissement de sa pensée, autant que les éléments de son travail. Il accorde, fait assez rare pour être souligné, la part belle aux poétesses, et, encore plus osé, aux poétesses modernes, à ses contemporaines, comme il a su imposer ce monument, l’anthologie poétique L’érotisme féminin. Je ne peux manquer d’évoquer l’intelligente présentation qu’il en a donné à la librairie du Centre culturel Wallonie Bruxelles à Paris, en présence de Patricia Izquierdo, dans le cadre d’un de nos « Dialogues de Poésie » (voir camilleaubaude.com).
Giovanni Dotoli est celui qui sait ravir les lecteurs. Dans les beaux et plus qu’édifiants poèmes érotiques féminins, à l’instar de « plus beaux vers », le lecteur relèvera les références artistiques, le non sens, le type d’émotion qu’on ressent, ce qui est vrai, ce qui est factice, original ou posé. Nombre d’universitaires aussi prestigieux que lui auront-ils l’audace de le suivre dans cette pratique de lecture dont les poètes vivants, les poétesses encore davantage, ont besoin pour être visibles ?
La position artistiquement « décalée » de Giovanni Dotoli dans la poésie française au début du XXIè siècle rend inimitable sa manière de commenter les plus beaux vers de la poésie française. Au célèbre vers d’Anna de Noailles dans L’Ombre des jours :
« J’écris pour que le jour où je ne serai plus… »
correspond :
« La mort est toujours assise sur le bureau de l’écrivain. »
Lever l’énigme d’une expression poétique, n’est-ce pas la célébrer ? « Les mots c’est nous », écrit Giovanni Dotoli dans sa présentation intitulée « Des vers pour respirer l’éternel ». Usant d’une ironie particulière, Giovanni Dotoli s’amuse, certes, comme le recommandait Christine de Pizan, mais il confie aussi le sens artistique de son parcours.
« Contempler jusqu’à l’heure extrême. »
François Cheng, A l’Orient de tout. Œuvres poétiques.
« L’étincelle naît de l’impensable. Elle nous protège jusqu’au dernier jour, et après. »
Ces vers puisés au souffle de l’Éternité « reviennent doucement à l’écran de notre musique intérieure. »
Avec ce sens du partage qui est la vie, la manière d’être « en poésie » de Giovanni Dotoli est reconnaissable entre toutes. Originale sans emphase, elle est au carrefour de l’écriture de création et de l’étude savante, nous invitant avant tout à lire et relire des vers, avec une préférence pour ceux mêlant le connu et l’inconnu :
« Plantée au pied d’un mûrier mâle
Elle retourna à la ville décolorée par les pluies. »
Vénus Khoury-Ghata, Orties, in Quelle est la nuit parmi les nuits.
« Connaître la douleur et l’offrir au monde : c’est le destin du poète. »
Pour citer ce texte |
Camille Aubaude, « Nouvelle chronique », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°1 [En ligne], mis en ligne le 8 mars 2013. Url.http://www.pandesmuses.fr/article-nouvelle-chronique-116046868.html/Url.http://0z.fr/Y4PeO |
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