Poésie de la jeunesse
Incendie, Noctambule
& Vieilleries mercantiles
Illustration de
© Crédit photo : Claude Menninger, Contades
Incendie
Le brasier odorant jacte et cacte une Odyssée de lumières et d'ombres colorées. La terre transpire de l'infiltration de longues racines incandescentes. L'air-vapeur de métal fondu coule lentement sur le paysage.
La conscience éparpillée danse avec panache autour des langues orangées. Elle s'évapore en une fumée dont seuls les anges s'enivrent. Intoxiqués par ces mondes de sensations inhalées, ils lèvent des nuées de craves qui éclipsent le père-soleil.
Dans ces habits de nuit précocement enfilés, il a laissé tomber un ongle, et il pleure des larmes de lave sur le sort de la vie qu'il entrave.
Le voilà, le crachat de celui à qui nous avons tant sacrifié !
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Noctambule
C'est sous un voile étoilé de présence et de joie que tout se passe. Les bruits bruissent et loin d'eux les sources génèrent. Des pans entiers de constellations sont tombés dans les yeux du vagabond, apportant mythes et mystères lumineux.
C'est lui et ses bonds par dessus les vagues de la terre déchaînée et les mots laids durcis et violents contre toute insulte au coucher de soleil romantique. Il l'a attrapé, le dernier rayon oblique, et en garde un fragment bien au chaud sous sa veste comme pour pouvoir faire danser les ombres au cours de son périple.
Mais viennent de grandes bourrasques violettes, le tissu se déchire avec des éclats de feu et de sang et le jeu de miroir entre les deux astres s'interrompt pour nos yeux ébahis. Des doigts de pierre caressent la belle aurore.
Vite, par la broussaille, avant que le sentier à sornettes (grillons très fort dans le sous-bois), assoupi, entre sauge et sarriette, ne se redresse, surpris, menaçant, sempiternelle sentinelle des secrets ciselés de la montagne sacrée !
Et ça crée quoi, après six ou sept passages d'un conglomérat de matière gonflée d'esprit par les âges et montée sur des pas trop sages : un autre reptile rutilant. Fermée la voie nocturne qui brûle sous le soleil du nouveau monde !
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Vieilleries mercantiles
Ce matin un oiseau aux ailes usées s'est posé sur un banc sur lequel s'était auparavant posé un vieillard aux ailes usées juste après une partie de pétanque endiablée. Quel drôle de piaf !
Nostalgique, ridé et humain il est paraît-il inutile maintenant et ressemble à l'antique cœlacanthe maoïste atteint de strabisme qui attend de pouvoir s'égarer dans la piscine gonflable actuellement en transit entre l'hypermarché du coin nord-ouest du nœud mercantile qu'est devenue ta ville et le jardin de ton voisin.
Cours, voles, nages, camarade vieillard, le vieux monde est derrière toi !
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Julien Servent, « Incendie », « Noctambule » & « Vieilleries mercantiles », illustration de Claude Menninger, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°6|Printemps 2017 « Penser la maladie et la vieillesse en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er mai 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/incendie.html
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