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Mon expérience dans le domaine de la poésie s'étale sur trente ans, d'abord à partir de 1985 sur la voie traditionnelle de l'édition en livre, ce qui m'a emmenée à m'impliquer dans les milieux de poésie. Dès après la publication de mon premier recueil de poésie en 1985 aux Éditions Naaman, j'ai côtoyé de nombreux poètes, certains peu connus et d'autres très connus dans le milieu. Je les ai écouté parler de leur métier de poète, je les ai observés, je les ai lus, pour ensuite risquer de faire comme eux. J'ai présenté des textes à des revues de poésie, qui furent acceptés et publiés. J'ajoute que sur cette voie, il faut savoir s'impliquer pour les autres en circulant parmi cette faune, ce qui permet à la fois d'apprendre les rouages du métier et de ce fait, devient un stimulant nécessaire à la poursuite du cheminement.
Dix ans passèrent et voilà qu'à l'automne 1995, la technologie Internet arrive dans mon décor. J'ai alors fouillé le Net francophone; personne n'affichait de recueil de poésie en version intégrale ayant déjà été publié en livre. C'est alors qu'en décembre 1995, j'ai décidé de donner à lire gratuitement sur Internet l'un de mes recueils de poésie que j'avais publié en livre deux ans auparavant : La mort amoureuse. Grâce à la générosité du premier éditeur virtuel sur l'Internet francophone en ligne depuis le printemps 1995 sous l'appellation Éditel, celui-ci accepta de numériser mon recueil et l'installa sur son site. C'est alors que commença mon aventure poétique sur le Réseau des réseaux francophone. Je n'avais alors toujours pas de site personnel, bien que certains poètes sur le Web eurent la générosité d'accueillir de mes textes inédits sur leur site perso.
À l'été 1996, j'ai entrepris la réalisation de la première page web de mon "Espace poétique". Ça n'était pas très évident au départ ! Au bout de quelques pages, en septembre 1996 j'ai finalement transféré les quelques fichiers de mon site sur le serveur d'un hébergeur de sites web en payant une mensualité pour éviter de voir des publicités dans mon Espace poétique. Je n'acceptais non plus aucune bannière pour éviter le ralentissement lors du téléchargement de mes pages par modem téléphonique, le haute-vitesse était quasi inexistant à l'époque.
Puis mon Espace poétique s'est élargi au fil de ma création, de mes apprentissages de différentes techniques, tant html que dessin-graphisme, de mes échanges avec d'autres poètes sur le Net. J'ai à mon tour invité des poètes sur mon site, car je ne me voyais pas seule sur un site perso, y ajoutant dès le départ une page de liens pour rassembler des poètes de mon choix que je découvrais au fil du temps dans le but qu'on puisse les découvrir et lire leur poésie. La plupart de mes découvertes furent faites en présentant des chroniques virtuelles depuis février 1997 sur différentes sites autres que le mien.
En somme, j'ai fait de mon site "Espace poétique" ma plate-forme de création et de diffusion par Internet à l'image de ce que je suis et de ce que j'ai toujours été. J'accomplis par Internet sensiblement les mêmes démarches que j'accomplissais dans le milieu de la poésie avant d'emprunter cette voie. La seule différence en est que mes démarches sur le Web m'ont dirigée sur le continent européen, envols qui n'auraient pas été possible en étant demeurée sur la voie traditionnelle.
Suite à la mise en ligne de mon site, mon emballement pour l'édition numérique provoquant sourire et scepticisme chez plus d'un dans le milieu traditionnel éditorial, voilà qu'en mai 1997, j'ai reçu avec le sourire un appel téléphonique de la responsable de la collection électronique du site de la Bibliothèque nationale du Canada m'invitant à déposer dans la collection, mon recueil La mort amoureuse qu'elle avait découvert sur l'Internet. Comment refuser ? Depuis ce temps, dès qu'un recueil est complété sur mon site web, je prépare un fichier spécialement conçu pour la dite collection que j'envoie à la BNC, mes recueils étant ainsi devenus accessibles gratuitement à la BNC de même que sur mon site perso.
Qui plus est, en janvier 2002, une autre porte s'est ouverte sur mes recueils sur le site « Project Gutenberg », une bibliothèque virtuelle US dont les opérations commencèrent en 1971. Encore là, j'ai accepté de verser 12 de mes recueils de poésie dans cette bibliothèque installée sur des serveurs sur les cinq continents d'où on peut rejoindre mes recueils en libre lecture sur le Net. De plus, une autre bibliothèque virtuelle US, destinée aux non-voyants, a cru bon intégrer les mêmes douze recueils figurant sur la précédente bibliothèque US. On peut donc lire de mes recueils dans ces bibliothèques en version texte brut et en version html.
Pourquoi en être arrivée à ne créer et ne diffuser que par Internet ? Parce que sur la voie commerciale de l'édition, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. La technologie Internet étant à ma disposition, je l'ai exploitée et j'ai bien vu que ce média était le moyen le plus approprié pour la diffusion et la découverte de la poésie.
Depuis l'accessibilité à l'Internet, nous avons maintenant deux voies de diffusion pour la poésie : l'une commerciale, l'autre gratuite. Sur la voie commerciale, les poètes reçoivent très peu de dividendes et sont peu lus, même les plus connus, tandis que sur le Web les poètes ne reçoivent aucun dividende mais peuvent être découverts et lus autour du globe.
L'édition sur Internet permet aussi des échanges avec des lectrices et lecteurs qui arrivent par courriel des quatre coins de la planète, ce qui crée des interactions enrichissantes qui en viennent à stimuler la création. Il s'agit d'une dynamique que l'on ne retrouve pas lorsque publié en livre, ce que je sais pertinemment. Je peux aussi comprendre celles et ceux sur Internet qui, n'ayant jamais été publié en livre, aspirent à voir leurs textes en version livre papier.
Tous les arguments sont appréciables quand il s'agit du livre papier, car ce mode d'édition est traditionnellement intégré dans l'imaginaire collectif qui ne voit la poésie valable qu'en format livre commercialisé. Faut-il mentionner que le marché est saturé de livres en tout genre, et la poésie, elle, ne parvient pas à être médiatisée, ne serait-ce qu'en librairie où elle n'est pas mise en vitrine, ajoutant que ce qui n'est pas mis à portée de la vue et du toucher ne se vend pas ou si peu...
J'en suis venue à penser que la poésie ne peut être considérée comme un produit à vendre, car il s'agit d'une Parole de pure émotion qui tend à être partagée. Ceci dit, je me demande si mes émotions pourraient être émises en actions à la bourse de New York ou de Tokyo ? Hasardeux me direz-vous ? Assurément ! Aussi hasardeux que de tenter de vendre de la poésie en livre.
J'en viens ici à cette question « comment écrire pour l'Internet ». Il n'y a pas une façon spéciale d'écrire pour l'Internet. La différence se situe dans l'interaction avec autrui qui peut déclencher le poème. Sur le Web, je reçois du répondant par le fait de la communication par courriel, qui agit sur l'inconscient, et parfois spontanément un poème voit le jour et s'en va rejoindre mon recueil en cours de création sur mon site. J'ajoute que mes textes sont datés; on peut voir ainsi l'évolution du recueil, mes états d'âme et ma conscience du monde au fil du temps qui n'a rien à voir avec la rêvasserie et/ou le fantasme. Autrement dit, je suis à nue sur le Web 24h/24, 365 jours par année. Heureusement que sur le Web, il n'y a pas de courant d'air mais plutôt parfois des courants d'eau. Mais ça, c'est une autre histoire que je me raconte à moi-même !
Passons maintenant à la poésie éditée sur un site web. D'abord réaliser une page web est une création artistique au plan esthétique par l'installation de la poésie dans un décor avec couleur et jeu de caractères adéquats. On peut jumeler la poésie à l'image, image qui peut être déclenchée par le poème, ce qui demande à utiliser un programme de dessin-graphisme pour créer l'image. On peut y ajouter une musique d'ambiance en format midi. Le tout pour former un ensemble pouvant être perçu efficacement par certains récepteurs que le langage poétique peut rebuter dès l'abordage.
La poésie se transmet par les poètes depuis la nuit des temps d'abord à l'oral, ensuite imprimée sur papier, et maintenant, elle se transmet par les ondes sur un support numérique. Faut-il ajouter que la poésie a retrouvé ses lettres de noblesse par Internet en très peu de temps ? Le temps de prendre le temps de la découvrir et de la lire comme une parole partagée en libre accès sur le Net.
Loin de dénigrer le livre, car tous mes recueils sont édités en livre dès que chacun est complété sur mon site web, je considère que les deux voies éditoriales peuvent cohabiter et même se soutenir l'une l'autre à une condition : qu'on cesse d'avoir peur à ses droits d'auteur. Qui risque rien n'a rien et j'ajoute que c'est petit à petit que l'oiseau fait son nid dans le gratuit tout nu tout lu !
Récit du 7 avril 2016
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