Critique & réception |
Les Areytos de ma Muse de Qualito Estimé |
Dina Sahyouni |
©Crédit photo : Couverture du recueil
Ce recueil dont on a annoncé la parution dans la Lettre n°1, est préfacé par le regretté Louis Dulomond. C’est cette préface-là qui explique en partie l’intérêt que l’on accorde à cet ensemble de poèmes relevant du spatialisme et de la poésie visuelle.
D’abord, le travail poétique décrit et inspiré par des métaphores au travail manuel dans les « Remerciements » (voir p. 7 du recueil) puis dans les citations choisies de Jean de La Bruyère et de Julio Cortázar (id., p. 8) par Qualito Estimé tracent les lisières du sensible (revisité par l'auteur) et nous font entrer dans l‘univers de ce poète-ouvrier travaillant et façonnant la langue…
Entre le forgeron et l’horloger, le poète devient le détenteur d’un savoir et d’un savoir-faire liés à la langue. Il est le concepteur des mécanismes et des techniques… Le meilleur ouvrier de la langue : il fabrique de presque rien un tout solide ; le for intérieur du langage dont il connaît très bien les forces vives et toute la technique de la haute précision…
Le poète bâtit un monde à travers l’idéogramme « Losange » et, ce monde losangiste appartient à ses racines culturelles haïtiennes. Le monde orchestré ainsi par le biais d’une forme-symbole — la source de toutes choses, le fondement culturel d’une civilisation très ancienne enivrée de perfection — révèle la portée idéologique de l’œuvre, met à nu l’imaginaire mythique de Qualito Estimé.
Ce premier volet d’une trilogie poétique censée renseigner le lectorat sur l’origine de toutes choses, est à l’instar de son style : une fenêtre qui donne à voir, à entendre et à miroiter un essai… Qualito Estimé n’est pas le premier poète s’aventurant sur les traces de ses ancêtres et usant de la poésie pour fonder une théorie littéraire, cependant, il œuvre dans chaque poème à dévoiler une vérité poétique prompte.
Les femmes ne sont pas du tout absentes, elles sont là, accompagnent les pas affirmés de l’auteur et poussent le poète à se dépasser, à dessiner le monde au travers des contes, des légendes et des mythes d’Haïti. La communion viscérale de poète avec la littérature orale d’un peuple vivant malgré les catastrophes et le passé du marronnage douloureux, rappelle celle d’Aimé Césaire (dans son attachement à ses origines). Et l’idéogramme losange se métamorphose en concept, tel le terme « Négritude »… Le losangisme se met en route comme la Négritude, un pas cherchant au creux même des signes, des pores pour renouveler les résistances, pour creuser la terre de l'indifférence et chanter l'éloge de la différence. De la poésie de Qualito Estimé à celle d’un peuple, des mots dégoulinant aux sèves musquées des racines. Or, les poèmes suintent, évoquent l’amour, l’adoration et la prière de la terre mère... Ils compilent l’univers traditionnel du peuple haïtien et explorent par leur lyrisme héroïque, l’épopée de son peuple puis de celle de tous les autres… Ainsi, les poèmes se succédant, l'œuvre du forgeron s'accomplit puis accomplit sa portée symbolique.
Pour citer ce texte |
Dina Sahyouni, « Les Areytos de ma Muse de Qualito Estimé », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2013. |
Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-les-areytos-de-ma-muse-de-qualito-estime-117752476.html/Url. http://0z.fr/ECOTQ |
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