14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 09:20

 

Premier colloque 2017-2018 | I – Parcours poétiques à découvrir

 

 

 

Diana Morán : panaméenne,

 

 

 

universitaire et poète de l'exil

 

 

 

Maggy de Coster

 

Site personnel : www.maggydecoster.fr/

Site du Manoir des Poètes : www.lemanoirdespoetes.fr/

 

 

© Crédit photo : Photo de l'auteure fournie par la famille de Diana Morán

 

 

 

Figure charismatique de la littérature panaméenne, Diana Morán laisse à la postérité une œuvre littéraire d’envergure. C’est en 2012 lors de la Xème Rencontre Internationale des Femmes Écrivains, présidée par la poète panaméenne Gloria Young (actuellement Ambassadeur du Panama au Maroc), où j’ai été invitée à représenter la France en tant qu’écrivaine, poète et journaliste, que j’ai eu le bonheur de découvrir l’importance et la qualité de l’œuvre de l’écrivaine et de visiter sa maison natale à Cubaya. Ladite rencontre avait pour but de mettre en lumière cette femme d’exception qui fut contrainte à l’exil au Mexique après le coup d’État du Colonel Omar Torrijos au Panama le 11 octobre 1968.

 

 

 

Qui est Diana Morán ?

 

 

Poète, enseignante universitaire, chercheuse, philologue et essayiste, Diana Morán est née le 17 novembre 1929 à Cubaya, une ville du Panama où elle enseigna à l’Institut Fermín Naudeau. Elle s’affirme aux côtés du chanteur de dizains et d’ahans, Pille Collado, elle fonde une école primaire à Antón qui porte aujourd'hui la dénomination de Premier Cycle Salomon Ponce Aguilera. Elle s’exile à Mexico en 1969 où elle continue son travail de création littéraire. Jusqu’en 1968 elle était lune des dirigeantes remarquables de lAssociation des Professeures de la République du Panama. Elle s’évertue non seulement à transmettre les savoirs académiques à la jeunesse mais aussi les valeurs indispensables au maintien de l’identité culturelle nationale, chère au peuple panaméen. La même année, elle fonde l’Atelier de Théorie et de Critique littéraire, auquel se joignent des femmes mexicaines et centraméricaines du Collège de Mexico, lesquelles décident de baptiser l’atelier, du nom de « Diana Morán ». En 1993, l’atelier devient un groupe de travail indépendant. En 1979, elle présente sa thèse de doctorat en Lettres hispaniques, intitulée : Cien año de soledad : novela de la desmitificación (« Cent ans de solitude : roman de la démystification »).

 

L’œuvre de Diana Morán bien qu’empreinte de militantisme, n’est pas dénuée de qualité esthétique. C’est une créatrice qui invite la perfection dans ses écrits. Sa poésie engagée, aux accents révolutionnaires, a été publiée dans plusieurs pays latino-américains et aussi en Espagne. Poète et enseignante, elle était l’incarnation de la justice et de l’équité, aussi plaidait-elle pour une juste et équitable répartition de la richesse nationale. Elle ne se borna pas à l’écriture d’une poésie plate et insipide dictée par les circonstances, donc axée uniquement sur les revendications mais elle avait également le souci de la perfection du point de vue formel et esthétique. Elle cultivait un lyrisme sur fond de revendication nationale. Pour donner du poids à sa lutte, elle alliait sa voix à celles d’autres poètes incontournables comme le Nicaraguayen Ernesto Cardenal, le Salvadorien Roque Dalton et le Dominicain Pedro Miro. Elle avait mille et un tours d’adresse dans ses écrits pour fustiger et dénoncer l’impérialisme américain lors du débarquement des Marines le 9 janvier 1964 au Panama. Elle introduisait même quelques innovations au niveau du registre littéraire de la langue espagnole qu’elle défendait dans le milieu universitaire.

 

 

La poésie de Diana Morán est une poésie moderne, formellement transgressive, et éclectique qui se nourrit tant du langage dramatique que du langage narratif et même populaire. À l’instar de Prévert, des surréalistes, elle explore les formules d’assemblage, de collage, en référence aux arts visuels très prisés à son époque. Comme le souligne J. R. Fernández de Cano dans son article en espagnol sur le site MCN. Biografias.com que « Diana Morán pousse à l’extrême limite sa recherche sur de nouvelles voies thématiques et génériques afin de surprendre le lecteur en lui offrant une écriture d’un genre particulier donc difficile à mettre dans les catégories poétiques traditionnelles ». Pour conclure, disons que Diana Morán demeure un cas d’espèce pour être la seule femme poète panaméenne à connaître l’exil après avoir été incarcérée pour ses idées progressistes. Elle restera sur sa terre d’accueil jusqu’à son décès survenu le 10 février 1987 à Mexico où elle mena avec brio et sans désemparer sa carrière littéraire. Nous avons sélectionné et traduit quelques-uns de ses poèmes en français. Notons qu’aucune traduction de ses poèmes n’a été préalablement faite en français.

 

 

Une délégation d’écrivains et poètes reçue en 2012 dans la maison de Diana Morán à Cubaya (Panama)

 

© Crédit photo : Photo de la délégation de 2012 fournie par Maggy de Coster

 

 

Femme … Ève assoiffée d’espérance

 

Femme… Ève assoiffée d’espérance

Je débarque dans tes courants matériels

pour boire les eaux syndicales,

leaders de chair déchirée.

 

Et donc ... tout simplement amoureuse

d’être la fiancée des miels corporels

épouse des fleurs d’oranger verticales –

en extase dans la terre libérée.

 

Je veux boire l’aube collective

gorge de tendresse combative –

de la calebasse fraîche de tes mains.

 

Nourrir le nouvel isthme de mes enfants

avec la révolution des baisers fixes,

synthèse des bouches et des grains.

 

Diana Morán

Extrait de son recueil Eva Definida, 1957

Traduit de l’espagnol par Maggy DE COSTER

 

***

 

Ascanio décoré par une lame de mer

 

(Au martyr Ascanio Arosemena)

 

PIGEONNIER DES NUAGES

 

Les pigeons pleuvent et pleuvent,

tandis que le tournesol s’en aille…

Ascanio avance,

les autres reculent.

 

ALOUETTE EN LARMES

 

Les moineaux sont en rang,

quand on les voit passer,

ils tendent les jasmins

et les étoiles de mer.

 

MARÉE BASSE D’ENCENS

 

Bateau à fleurs,

bateau à sel,

bateau à quatre aubes

et un agneau d’autel.

 

PIGEONNIER DES AUBES

 

Les pigeons roucoulent

et roucoulent encore:

Ascanio est le drapeau,

emblème de ceux de derrière.

ALOUETTE EN EXULTATION

 

Le tournesol est ici

la roue des moineaux,

volent au vent des harpes de trille

et des coquelicots d’amour.

 

MARÉE HAUTE D'ÉTOILES

 

Bateau qui devient rouge,

bateau sur des vagues de tulle,

bateau qui devient blanc

avec un agneau bleu.

Diana Morán

(Extrait de son recueil Gaviotas de Cruz Abierta, 1965)

Traduit de l’espagnol par Maggy DE COSTER

 

***

 

Ô Homme-Isthme… Adam de boue verte !

 

O Homme-Isthme… Adam de boue verte !

De tes humides yeux de coriandre

et de ta peau sauvage de menthe verte

germe l'aube de la patrie pure

Pentagramme sensuel de chlorophylle…

 

Tes notes révolutionnaires forment

le cœur triomphant du prolétariat –

la symphonie sociale des hommes.

 

Salomé-guide du myrte ouvrier

j’attends sur les bords de tes lèvres

l’éclairage rouge des sons

qui donnent le contenu à mes pupilles

Laisse-moi…Laisse-moi venir vers toi !

Diana Morán

(Extrait de son recueil Eva Definida, 1957)

Traduit de l’espagnol par Maggy DE COSTER

 

***

 

Tu dois surgir en moi goutte à goutte

 

Tu dois surgir en moi goutte à goutte,

je rêve de retour à l’essence charnelle,

de la pluie que le doux feu précipite

en pleurs fécondés à la naissance.

 

Je dois vivre la courbe dilatée

dans la plénitude d’une sagittaire,

vivante fleur croissante,

tu mûriras en moi

os par os,

jusqu’à ce que des limbes soit extraite ta présence

Je me dédouble...

Tu es...

Nous sommes...

 

La montée victorieuse d’une pleine lune

embaume la source des seins comme le jasmin.

Diana Morán

(Extrait de son recueil En El Nombre Del Hijo, 1966)

Traduit de l’espagnol par Maggy DE COSTER

 

***

 

Bibliographie de Diana Morán

Eva Definida (Ève définie) en collaboration avec Ligia Alcázar, 1959

Soberana Presencia de la Patria (Souveraine présence de la Patrie), 1964

Gaviotas de Cruz Abierta (Mouettes en Croix Ouverte), Prix Ricardo Miró en 1965, édité en 1992 aux Éditions Mariano Arosemena, INAC

En el nombre de Hijo (Au nom du Fils), 1966

Poesía Joven de Panamá (Jeune Poésie de Panama), (co-auteure de), XXIème siècle Éditions, Mexico, 1971

Ficción e Historia (Fiction et Histoire) : La Narrativa de José Emilio Pacheco, en collaboration avec Ivette Jiménez de Báez et Edith Negrín

Reflexiones Junto a tu Piel (Réflexions sur ta peau), poèmes d’exil, Collection Portobelo, Éditions Signos, Mexico. D.F.,1982

Manual de iniciación literaria (Manuel de d’initiation littéraire), utilisé dans l’enseignement secondaire au Panama, Éditions Librairie Culturelle de Panama, MONFAR et Lemania, 1983

***

Pour citer ce texte

 

Maggy de Coster, « Diana Morán : panaméenne, universitaire et poète de l'exil », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Premier colloque international & multilingue de la SIÉFÉGP sur « Ce que les femmes pensent de la poésie : les poéticiennes », mis en ligne le 14 août 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/diana-moran-poete.html

 

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