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Les reins enveloppés de lin blanc
&
La lune s’effondre dans le ciel de Dia
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Crédit photo : Médée, "Jason et leurs enfants", Napoli, domaine public, Wikimedia.
Les reins enveloppés de lin blanc
frissonneront
sous la scie lente d'un doigt
qui aimera glisser sur une cuisse tremblante
jusqu'à la caverne creuse où il s’engouffrera.
Perlera alors la fièvre de l’attente
entre deux seins
Jaillis
sous la lèvre ouvrière
de leur dieu.
Elle gémira d’espoir de recevoir enfin
le joyau en son creux
et suppliera de ses vœux sans paroles
de sombrer dans le grand bleu des cieux.
Elle sera morte avant.
La chair fondue en braise
rouge
dans la fournaise de mon feu.
Ah !, je sens là au ventre
mousser
une délicieuse angoisse
à l’idée
des poisons efficaces
que j’ai versés brûlants
sur les voiles de l’épousée.
Puissent-ils calmer ma rage effrénée
de rivale
avant que je ne prenne
jusqu'au fond
de mon sexe de femme
Jason pour le tuer.*
* Extrait de M-L. Le Berre, Étude sur Médéé.
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Crédit photo : Angelica Kauffmann, "Ariane donne une pelote à Thesée", domaine public, Wikimedia.
La lune s’effondre dans le ciel de Dia. Les ramiers claquent leur vol sur un jour déjà mûr. Dans l’antre creuse. Sur la natte moelleuse. Les doigts blancs. Autour tâtonnent encore épris. Du plaisir de la nuit. Elle s’éveille.
Les paupières aux longs cils battent. Contre un rayon, les doigts se sont lassés. Ils s’affaissent. Explorent de nouveau. La main s’étonne, elle cherche. La peau étrangère. Elle s’affole soudain. De la fraîcheur du lit.
Elle se dresse. Nue.
La place est vide.
Le ventre grouille, elle le caresse, le cœur bat trop. Sur cette terre sauvage encerclée d’eau. Elle est seule. Elle crie.
Thésée.
Elle crie son désir de lui encore. Comme ça, les genoux. Sur les seins. Recroquevillés, elle pense, elle veut. Sa nuque, sa bouche, et ses yeux d’eau. Que sa poitrine dure lisse encore sa peau. Elle n’en peut plus. De sa douleur, ce feu. Dans le silence où nul n’entend.
Elle recouvre son corps des tissus épars.
Elle se met à courir.
Jusqu’au rivage. Le sable freine ses pieds. Elle s’arrête. Sent la mer mourir. Sur sa chair. Glacée. Et les âcres goëmons. Des roches découvertes. Au soleil, ses voiles tombent. Dans les vagues. Ondulent comme des noyés. De torpeur. Elle est à lui, Thésée. Tout entière attachée. À son corps chaud qu’elle a longtemps baisé.
Elle voit.
Là-bas. La voile noire siller sur l’horizon lustré. D’argent. Elle crie. Pour que Thésée l’entende, folle. D’un éternel chagrin bientôt. Elle s’élance. Elle ne se souvient plus du fil qu’elle a tendu. Pour le sauver. Du labyrinthe, ses passages. Pour la perdre. Dans l’inextricable réseau de ses souffrances. Elle gravit les rocs aigus. Pour étendre sa vue sur la mer. La voile est là. Elle fend l’eau. Elle dévale. Les pentes, court au-devant. De l’onde, relevant les tissus trempés sur ses jambes nues. Elle crie.
À dieu.
De perdre Thésée et tous les hommes qui, jusqu’au lit, promettent les amours permanentes, ils partent après. Conquérir d’autres gloires, d’autres terres. Et ravir d’autres Phèdre. Toujours.
Elle a regagné l’antre et la couche sent le parfum du furtif vainqueur. Elle renifle. Comme la bête, elle pleure. Après. Elle allonge son corps. Parfaitement. De désir.
Du désir lent de lui.
Elle meurt. Elle sent, elle meurt.
Sur le lit fait.**
** Extrait de M-L. Le Berre, Étude sur Ariane.
***
Pour citer ces poèmes sur le désir
Marie-Laure Le Berre, « Les reins enveloppés de lin blanc » & « La lune s’effondre dans le ciel de Dia », poèmes d'amour inédits, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Le Printemps des Poètes « Les femmes et le désir en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 12 mars 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/desir/mllb-medee-ariane
Mise en page par Aude SIMON
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