N °7 | Entretiens artistiques
LPpdm a rencontré
Rencontre avec Nadine Guilpin
une artiste au parcours atypique
Propos recueillis par
Site personnel : www.maggydecoster.fr/
Site du Manoir des Poètes : www.lemanoirdespoetes.fr/
Illustratrice
Site officiel : www.yehi-artitude.com

© Crédit photo : portrait photographique de l'artiste Nadine Guilpin.
Maggy DE COSTER – Nadine Guilpin, j’ai été frappée par la diversité de votre style artistique lors de ma visite d’une exposition privée que vous avez organisée du 20 octobre au 3 novembre 2017 autour du dessin, de la peinture et de la création textile. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivée à la création artistique ?
Nadine Guilpin – À propos de la « diversité artistique » que vous soulignez, je vais essayer une introspection de mes débuts. Je n’ai pas fait d’études artistiques. Je me suis intéressée à l’histoire de l’art, j’aime la philosophie, la littérature, l’écriture et l’histoire en général. Cela me classe sans doute dans la catégorie des sciences humaines. Dans une autre vie, j’ai fait Sciences Po et préparé l’ENA, puis j’ai réussi le concours des Instituts Régionaux d’Administration et fait l’IRA de Lille. Ce qui m’a conduit à faire du Management public.
L’art s’est d’abord présenté à moi comme centre d’intérêt, grâce au musée Dapper. Merveilleux musée dont la découverte m’a conduit à m’interroger sur l’art contemporain des artistes et créateurs africains à travers le monde. J’ai alors fondé en 1999 l’Association Art’Monie dédiée à l’art contemporain Africain.

© Crédit photo : toile n°1 de Nadine Guilpin.
J’ai été commissaire d’exposition dans le cadre des expositions organisées par cette structure pour faire rencontrer la diversité autour de l’art … À ce stade, Je ne pensais pas du tout avoir le virus de la création. Par la suite, j’ai eu un déclic dans une boutique de perles qui mettait à disposition un certain nombre de matériaux. Mon hobby pour le bijou sculpté est né et continue jusqu’à présent. Cette part de ma création a été suggérée par la création textile dans l’exposition « Nature & Légendes ».
L’art plastique a été une entreprise exploratoire qui, au travers de l’art numérique (depuis 2003), la peinture et le collage de 2008 à 2013, puis le marouflage par la récupération de papiers journaux cartons … (2013 à 2017), la pratique du dessin est apparue en 2016 par la rencontre d’une certaine flore et de l’équipement rudimentaire dont je disposais à ce moment-là.

© Crédit photo : toile n°2 de Nadine Guilpin.
Cette collection de variations autour de la flore va se prolonger sans doute au fil des découvertes et de l’inspiration qu’elles vont susciter. Pour conclure, je pense que cette diversité est sans doute le fruit d’une traduction de ma perception, par rapport aux choses en général et aux perspectives qu’elles me font entrevoir. La création textile est née, quant à elle, de la rencontre entre une histoire de légendes africaines, les épurations et les massacres après la mort des rois anciens, notamment en Afrique, et la recherche d’un moyen d’illustration, pour faire émerger le drame des femmes dans ces tragédies et dans la vie en général. Cette quête et l’opportunité de la mise à disposition d’une bonne quantité de tissus en coton blanc ont fait le reste. Compte tenu de ce qui précède, on peut penser que c’est l’art s’insinue de lui-même à travers des rencontres, des récits des objets à transformer.
MDC – Qu’en est-il des procédés que vous utilisez en matière de création ?
NG – Je ne peux pas parler de procédés acquis ou préexistants. Je connais quelques techniques à la portée de bon nombre d’entre nous, comme la couture, le tricot ou le modelage. Quelquefois j’improvise. Lorsque j’ai fait de l’art récup avec du papier usagé et du carton, j’ai été surprise par l’accueil en galerie avant d’en mesurer l’apport esthétique. L’expert galeriste m’a parlé de marouflage, moi je voulais travailler de la texture de façon écologique (que du papier usagé, un peu de pigment et de la colle) pour base de travail. Au fond je fonctionne quelquefois comme un laboratoire.
MDC – Peut-on comprendre que de par les matières que vous utilisez vous transmettez un message ?
NG – Je recherche quelquefois un effet plastique. C’est le cas pour le textile notamment. J’ai une préférence pour les textures, cependant les histoires nourrissent le décor et inspirent l’œuvre.
MDC – À voir les formes géométriques qui caractérisent certaines de vos œuvres, cela n’est pas sans nous rappeler Picasso, qui initialement puisait son inspiration dans les masques africains, plus particulièrement du Bénin dont vous êtes originaire.

© Crédit photo : toile n°3 de Nadine Guilpin.
NG – À propos du Bénin, le rapport ne me semble pas très évident La géométrie rapportée au cubisme est sans doute ici le propos. Le travail autour de la flore a en réalité sa propre géométrie. Lorsque vous observez les feuilles d’une passiflore de près, vous vous apercevez que certaines sont divisées en 3, d’autres 4 voire 5 figures. Que les feuilles de certains arbres ont des formes identiques sur une même structure pour aboutir à une différenciation en bout de chaine mais pas nécessairement de façon régulière. Je ne suis pas très bonne en géométrie disons que certaines formes offrent un champ géométrique dont la combinaison est intéressante en terme de perception. De ce côté-là, il y a un jeu graphique autour de quelques dessins qui, une fois terminés, font penser aux masques africains. Il y a en effet dépouillement et expression dans ce dessin, sans doute un réflexe inconscient ? Je ne saurais le dire. J’imaginais des spectateurs silencieux face aux drames et voilà qu’apparaît la figure multipliée du masque !
MDC – Parlez-nous de votre clientèle ? De qui se compose-t-elle ?
NG – Par rapport à cette collection, elle n’est pas encore constituée. Néanmoins l’intérêt renouvelé pour une série de dérivés textiles est à l’étude. Pour l’instant rien n’est défini.
MDC – Arrivez-vous à vivre de votre art ?
NG – En l’état actuel, je suis un nouvel arrivant dans un jeu que je ne maîtrise pas encore très bien. En revanche, le monde du textile semble y trouver une approche intéressante alors je suis ouverte aux collaborations. L’édition en direction du grand public est envisagée. Affaire à suivre.
MDC – Quel est votre regard sur le marché de l’art et le monde artistique ?
NG – L’art est devenu un produit marketing dont la valeur est le reflet que l’artiste veut donner de lui. L’intérêt de l’œuvre pour ce qu’elle est semble secondaire. Il arrive heureusement quelquefois, que les deux valeurs s’équilibrent. Les marchands pourront expliquer de façon approfondie cette impression partagée par bon nombre de gens.
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Maggy de Coster, « Rencontre avec Nadine Guilpin une artiste au parcours atypique », illustrations de Nadine Guilpin, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°7 | Automne 2017 « Femmes, poésie & peinture » sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 3 novembre 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/11/nadine-guilpin.html
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