5 novembre 2020 4 05 /11 /novembre /2020 07:49

Hommage poéféministe | Articles, pensées, réflexions lettres ouvertes & témoignages

 

 

 

 

 

Du fanatisme politique

 

 

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Germaine de Staël

 

Poème choisi, transcrit, remanié & mis en français moderne pour cette revue par Dina Sahyouni

 

 

 

​© ​​​​​​​​​​​​​​​​Crédit photo : "Début du chapitre", image capturée par la revue LPpdm.

 

 

 

Le texte reproduit ci-dessous provient des Œuvres complètes de Madame de Staël, tome XIII. Considérations sur les principaux événements de la Révolution Française, tome II, IIIème partie, publiées par son fils ; précédées d'une notice sur le caractère et les écrits de Mme de Staël, par Madame NECKER de SAUSSURE, Bruxelles, Louis Hauman, et Ce, Libraires, M DCCC XXX (1830), « Chapitre XV. Du fanatisme politique », pp. 75-79. Cet ouvrage est tombé dans le domaine public. Les œuvres de Staël contiennent également des paragraphes épars et éparpillés partout sur plusieurs types du fanatisme.

 

 

 

    Les événements que nous avons rappelés jusqu'à présent ne sont que de l'histoire, dont l'exemple peut s'offrir ailleurs. Mais un abîme va s'ouvrir maintenant sous nos pas ; nous ne savons quelle route suivre dans un tel gouffre, et la pensée se précipite avec effroi de malheurs en malheurs, jusqu'à l'anéantissement de tout espoir et de toute consolation. Nous passerons, le plus rapidement qu'il nous sera possible, sur cette crise affreuse, dans laquelle aucun homme ne doit fixer l'attention, aucune circonstance ne saurait exciter l'intérêt : tout est semblable, bien qu'extraordinaire ; tout est monotone, bien qu'horrible ; et l'on serait presque honteux de soi-même, si l'on pouvait regarder ces atrocités grossières d'assez près pour les caractériser en détail. Examinons seulement le grand principe de ces monstrueux phénomènes, le fanatisme politique.

 

 

    Les passions mondaines ont toujours fait partie du fanatisme religieux ; et souvent, au contraire, la foi véritable à quelques idées abstraites alimente le fanatisme politique ; le mélange se trouve partout, mais c'est dans sa proportion que consistent le bien et le mal. L'ordre social est en lui-même un bizarre édifice ; on ne peut cependant le concevoir autrement qu'il n'est ; mais les concessions auxquelles il faut se résoudre, pour qu'il subsiste, tourmentent par la pitié les âmes élevées, satisfont la vanité de quelques-uns, et provoquent l'irritation et les désirs du grand-nombre. C'est à cet état de choses, plus ou moins prononcé, plus ou moins adouci par les mœurs et par les lumières, qu'il faut attribuer le fanatisme politique dont nous avons été témoins en France. Une sorte de fureur s'est emparée des pauvres en présence des riches, et les distinctions nobiliaires ajoutant à la jalousie qu'inspire la propriété, le peuple a été fier de sa multitude ; et tout ce qui fait la puissance et l'éclat de la minorité, ne lui a paru qu'une usurpation. Les germes de ce sentiment ont existé dans tous les temps ; mais on n'a senti trembler la société humaine dans ses fondements qu'à l'époque de la terreur en France : on ne doit point s'étonner si cet abominable fléau a laissé de profondes traces dans les esprits, et la seule réflexion qu'on puisse se permettre, et que le reste de cet ouvrage, j'espère confirmera, c'est que le remède aux passions populaires, n'est pas dans le despotisme, mais dans le règne de la loi.

 

 

    Le fanatisme religieux, présente un avenir indéfini qui exalte toutes les espérances de l'imagination ; mais les jouissances de la vie sont aussi sans bornes aux yeux de ceux qui ne les ont pas goûtées. Le vieux de la Montagne envoyait ses sujets à la mort, à force de leur accorder des délices sur cette terre, et l'on voit souvent les hommes s'exposer à mourir pour mieux vivre. D'autre part, la vanité s'exalte par la défense des supériorités qu'elle possède ; elle paraît moins coupable que les attaquants, parce qu'une idée de propriété s'attache même aux injustices, lorsqu'elles ont existé depuis longtemps. Néanmoins les deux éléments du fanatisme religieux et du fanatisme politique subsistent toujours : la volonté de dominer, dans ceux qui sont au haut de la roue, l'ardeur de la faire, tourner dans ceux qui sont en bas. Tel est le principe de toutes les violences : le prétexte change, la cause reste, et l'acharnement réciproque demeure le même. Les querelles des patriciens et des plébéiens, la guerre des esclaves, celle des paysans, celle qui dure encore entre les nobles et les bourgeois, toutes ont eu également pour origine la difficulté de maintenir la société humaine, sans désordre et sans injustice. Les hommes ne pourraient exister aujourd'hui ni séparés, ni réunis, si le respect de la loi ne s'établissait pas dans les têtes : tous les crimes naîtraient de la société même qui doit les prévenir. Le pouvoir abstrait des gouvernements représentatifs n'irrite en rien l'orgueil des hommes, et c'est par cette institution que doivent s'éteindre les flambeaux des furies. Ils se sont allumés dans un pays où tout était amour propre ; et l'amour propre irrité, chez le peuple, ne ressemble point à nos nuances fugitives ; c'est le besoin de donner la mort.

 

 

    Des massacres, non moins affreux que ceux de la terreur, ont été commis au nom de la religion ; la race humaine s'est épuisée pendant plusieurs siècles en efforts inutiles pour contraindre tous les hommes à la même croyance. Un tel but ne pouvait être atteint, et l'idée la plus simple, la tolérance, telle que Guillaume Penn l'a professée, a banni pour toujours du nord de l'Amérique le fanatisme dont le Midi a été l'affreux théâtre. Il en est de même du fanatisme politique : la liberté seule peut le calmer. Après un certain temps, quelques vérités ne seront plus contestées, et l'on parlera des vieilles institutions comme des anciens systèmes de physique, entièrement effacés par l'évidence des faits.

 

 

    Les différentes classes de la société n'ayant presque point eu de relations entre elles en France, leur antipathie mutuelle en était plus forte. Il n'est aucun homme, même le plus criminel, qu'on puisse détester quand on le connaît, comme on se le représente. L'orgueil mettait partout des barrières, et nulle part des limites. Dans aucun pays, les gentilshommes n'ont été aussi étrangers au reste de la nation ; ils ne touchaient à la seconde classe que pour la froisser. Ailleurs, une certaine bonhomie, des habitudes même plus vulgaires, confondent davantage les hommes, bien qu'ils soient légalement séparés ; mais l'élégance de la noblesse française accroissait l'envie qu'elle inspirait. Il était aussi difficile d'imiter ses manières que d'obtenir ses prérogatives. La même scène se répétait de rang en rang ; l'irritabilité d'une nation très vive portait chacun à la jalousie envers son vision, envers son supérieur, envers son maître ; et tous les individus, non contents de dominer, s'humiliaient les uns les autres. C'est en multipliant les rapports politiques entre les divers rangs, en leur donnant les moyens de se servir mutuellement qu'on peut apaiser dans le cœur la plus horrible des passions, la haine des mortels contre leurs semblables, l'aversion mutuelle des créatures dont les restes doivent tous reposer sous la même terre, et se ranimer en même temps au dernier jour.

 

 

 

***

 

Pour citer ce texte

 

Germaine de Staël, « Du fanatisme politique »,   texte extrait des Œuvres complètes de Madame de Staël, tome XIII. Considérations sur les principaux événements de la Révolution Française, tome II, IIIème partie (1830), choisi, transcrit, remanié et mis en français moderne par Dina Sahyouni Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiquesHommage poéféministe au professeur Samuel Patymis en ligne le 5 novembre 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/21octobre/stael-fanatismepolitique 

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans S'indigner - soutenir - etc.
4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 16:10

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Du gouvernement appelé

 

 

le règne de la terreur

 

 

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Germaine de Staël

 

Poème choisi, transcrit, remanié & mis en français moderne pour cette revue par Dina Sahyouni

 

 

 

Le texte reproduit ci-dessous provient des Œuvres complètes de Madame de Staël, tome XIII. Considérations sur les principaux événements de la Révolution Française, tome II, IIIème partie, publiées par son fils ; précédées d'une notice sur le caractère et les écrits de Mme de Staël, par Madame NECKER de SAUSSURE, Bruxelles, Louis Hauman, et Ce, Libraires, M DCCC XXX (1830), « Chapitre XVI. Du gouvernement appelé le règne de la terreur », pp. 79-85. Cet ouvrage est tombé dans le domaine public.

 

 

 

    On ne sait comment approcher des quatorze mois qui ont suivi la proscription de la Gironde, le 31 mai 1793. Il semble qu'on descende, comme le Dante, de cercle en cercle, toujours plus bas dans les enfers. À l'acharnement contre les nobles et les prêtres on voit succéder l'irritation contre les propriétaires, puis contre les talents, puis contre contre la beauté même, enfin contre ce qui pouvait rester de grand et de généreux à la nature humaine. Les faits se confondent à cette époque, et l'on craint de ne pouvoir entrer dans une telle histoire, sans que l'imagination en conserve d'ineffaçables traces de sang. L'on est donc forcé de considérer philosophiquement des événements sur lesquels on épuiserait l'éloquence de l'indignation, sans jamais satisfaire le sentiment intérieur qu'ils font éprouver.

 

 

    Sans doute, en ôtant tout frein au peuple, on l'a mis en mesure de commettre tous les forfaits ; mais d'où vient que ce peuple était ainsi dépravé ? Le gouvernement dont on nous parle comme d'un objet de regrets, avaient eu le temps de former la nation qui s'est montrée si coupable. Les prêtres, dont l'enseignement, l'exemple et les richesses sont propres, nous dit-on, à faire tant de bien, avaient présidé à l'enfance de la génération qui s'est déchaînée contre eux. La classe soulevée en 1789 devait être accoutumée à ces privilèges de la noblesse féodale, si particulièrement agréables, nous assure-t-on, encore, à ceux sur lesquels ils doivent peser. D'où vient donc que tant de vices ont germé sous les institutions anciennes ? Et qu'on ne prétende pas que les autres nations de nos jours se fussent montrées de même, si une révolution y avait eu lieu. L'influence française a excité des insurrections en Hollande et en Suisse, et rien de pareil au jacobinisme ne s'y est manifesté. Pendant les quarante années de l'histoire d'Angleterre, qu'on peut assimiler à celle de France sous tant de rapports, il n'est de période de comparable aux quatorze mois de la terreur. Qu'en faut-il conclure ? Qu'aucun peuple n'avait été aussi malheureux depuis cent ans que le peuple français. Si les nègres à Saint-Domingue ont commis bien plus d'atrocités encore, c'est parce qu'ils avaient été plus opprimés.

 

 

    Il ne s'ensuit certes pas de ces réflexions, que les crimes méritent moins de haine ; mais, après plus de vingt années, il faut réunir à la vive indignation des contemporains, l'examen éclairé qui doit servir de guide dans l'avenir. Les querelles religieuses ont provoqué la révolution d'Angleterre ; l'amour de l'égalité, volcan souterrain de la France, agissait aussi sur la secte des puritains ; mais les Anglais alors étaient réellement religieux, et religieux protestants, ce qui rend à la fois austère et plus modéré. Quoique l'Angleterre, comme la France, se soit souillée par le meurtre de Charles 1er, et par le despotisme de Cromwell, le règne des jacobins est une affreuse singularité, dont il n'appartient qu'à la France de porter le poids dans l'histoire. Cependant on n'a point observé les troubles civiles en penseur, quand on ne sait pas que la réaction est égale à l'action. Les fureurs des révoltes donnent la mesure des vices des institutions ; et ce n'est pas au gouvernement qu'on veut avoir, mais à celui qu'on a eu longtemps, qu'il faut s'en prendre de l'état moral d'une nation. On dit aujourd'hui que les Français sont pervertis par la révolution. Et d'où venaient donc les penchants désordonnés qui se sont si violemment développés dans les premières années de la révolution, si ce n'est de cent ans de superstition et d'arbitraire ?

 

 

    Il semblait, en 1793, qu'il y eût plus de place pour des révolutions en France, lorsqu'on avait tout renversé, le trône, la noblesse, le clergé, et que le succès des armées devait faire espérer la paix avec l'Europe. Mais c'est précisément quand le danger est passé, que les tyrannies populaires s'établissent : tant qu'il y a des obstacles et des craintes, les plus mauvais hommes se modèrent ; quand ils ont triomphé, leurs passions contenues se montrent sans frein.

 

 

    Les girondins firent de vains efforts pour mettre en activité des lois quelconques, après la mort du roi; mais ils ne purent faire accepter aucune organisation sociale : l'instinct de la férocité les repoussait toutes. Hérault de Séchelles proposa une constitution scrupuleusement démocratique, l'assemblée l'adopta ; mais elle ordonna qu'elle fût suspendue jusqu'à la paix. Le parti jacobin voulait exercer le despotisme, et c'est bien à tort qu'on a qualifié d'anarchie ce gouvernement. Jamais une autorité plus forte n'a régné sur la France ; mais c'était une bizarre sorte de pouvoir ; décrivant du fanatisme populaire, il inspirait l'épouvante à ceux-mêmes qui commandaient en son nom ; car ils craignaient toujours d'être proscrits à leur tour par des hommes qui iraient plus loin qu'eux encore dans l'audace de la persécution. Le seul Marat vivait sans crainte dans ce temps ; car sa figure était si basse, ses sentiments si forcenés, ses opinions si sanguinaires, qu'il était sûr que personne ne pouvait se plonger plus avant que lui dans l'abîme des forfaits. Robespierre ne put atteindre lui-même à cette infernale sécurité.

 

 

    Les derniers hommes qui, dans ce temps, soient encore dignes d'occuper une place dans l'histoire, ce sont les girondins. Ils éprouvaient sans doute au fond du cœur un vif repentir des moyens qu'ils avaient employés pour renverser le trône ; et quand ces mêmes moyens furent dirigés contre eux, quand ils reconnurent leurs propres armes dans les blessures qu'ils recevaient, ils durent sans doute réfléchir à cette justice rapide des révolutions, qui concentre dans quelques instants les événements de plusieurs siècles.

 

 

    Les girondins combattaient chaque jour et à chaque heure avec une éloquence intrépide contre des discours aiguisés comme des poignards, et qui renfermaient la mort dans chaque phrase. Les filets meurtriers dont on enveloppait de toutes parts les proscrits, ne leur ôtaient en rien l'admirable présence d'esprit qui seule peut faire valoir les talents de l'orateur.

 

 

    M. de Condorcet, lorsqu'il fut mis hors la loi, écrivit sur la perfectibilité de l'esprit humain un livre qui contient sans doute des erreurs, mais dont le système général est inspiré par l'espoir du bonheur des hommes ; et il nourrissait cet espoir sous la hache des bourreaux, dans le moment même où sa propre destinée était perdue sans ressource. Vingt-deux des députés républicains furent traduits devant le tribunal révolutionnaire, et leur courage ne se démentit pas un instant. Quand la sentence de mort leur fut prononcée, l'un d'entre eux, Valazé, tomba du siège qu'il occupait ; un autre député, condamné comme lui, se trouvant à ses côtés, et croyant que son collègue avait peur, le releva rudement avec des reproches ; il le releva mort. Valazé venait de s'enfoncer un poignard dans le cœur, d'une main si ferme, qu'il ne respirait plus une seconde après s'être frappé. Telle est cependant l'inflexibilité de l'esprit de parti, que ces hommes qui défendaient tout ce qu'il y avait d'honnêtes gens en France, ne pouvaient se flatter d'obtenir quelque intérêt par leurs efforts. Ils luttaient, ils succombaient, ils périssaient, sans que le bruit avant-coureur de l'avenir pût leur promettre quelque récompense. Les royalistes constitutionnels eux-mêmes étaient assez insensés pour désirer le triomphe des terroristes, afin d'être ainsi vengés des républicains. Vainement ils savaient que ces terroristes les proscrivaient, l'orgueil irrité l'emportait sur tout ; ils oubliaient, en se livrant ainsi à leurs ressentiments, la règle de conduite dont il ne faut jamais s'écarter en politique : c'est de se rallier toujours au parti le moins mauvais parmi ses adversaires, lors même que ce parti est encore loin de votre propre manière de voir.

 

 

    La disette des subsistances, l'abondance des assignats, et l'enthousiasme excité par la guerre, furent les trois grands ressorts dont le comité de salut public se servit, pour animer et dominer le peuple tout ensemble. Il l'effrayait, ou le payait, ou le faisait marcher aux frontières, selon qu'il lui convenait de s'en servir. L'un des députés à la convention disait : « Il faut continuer la guerre, afin que les convulsions de la liberté soient plus fortes. » On ne peut savoir si ces douze membres du comité de salut public avaient dans leur tête l'idée d'un gouvernement quelconque. Si l'on en excepte la conduite de la guerre, la direction des affaires n'était qu'un mélange de grossièreté et de férocité, dans lequel on ne peut découvrir aucun plan, hors celui de faire massacrer la moitié de la nation par l'autre. Car, il était si facile d'être considéré par les jacobins comme faisant partie de l'aristocratie proscrite, que la moitié des habitants de la France encourait le soupçon qui suffisait pour conduire à la mort.

 

 

    L'assassinat de la reine et de madame Élisabeth causa peut-être encore plus d'étonnement et d'horreur que l'attentat commis contre la personne du roi ; car on ne saurait attribuer à ces forfaits épouvantables d'autre but que l'effroi même qu'ils inspiraient. La condamnation de M. De Malesherbes, de Bailly, de Condorcet, de Lavoisier, décimait la France de sa gloire ; quatre-vingt personnes étaient immolées chaque jour, comme si le massacre de la Saint-Barthélemy dût se renouveler goutte à goutte. Une grande difficulté s'offrait à ce gouvernement, si l'on peut l'appeler ainsi ; c'est qu'il fallait à la fois se servir de tous les moyens de la civilisation pour faire la guerre, et de toute la violence de l'état sauvage pour exciter les passions. Le peuple et même les bourgeois n'étaient point atteints par les malheurs des classes élevées ; les habitants de Paris se promenaient dans les rues comme les Turcs pendant la peste, avec cette seule différence que les hommes obscurs pouvaient assez facilement se préserver du danger. En présence des supplices, les spectacles étaient remplis comme l'ordinaire ; on publiait des romans intitulés : Nouveau voyage sentimental, l'Amitié dangereuse, Ursule et Sophie, enfin toute la fadeur et toute la frivolité de la vie subsistaient à côté de ses plus sombres fureurs.

 

 

    Nous n'avons point tenté de dissimuler ce qu'il n'est pas au pouvoir des hommes d'effacer de leur souvenir ; mais nous nous hâtons, pour respirer plus à l'aise, de rappeler dans le chapitre suivant les vertus qui n'ont pas cessé d'honorer la France, même à l'époque la plus horrible de son histoire.

 

 

 

***

 

Pour citer ce texte

 

Germaine de Staël, « Du gouvernement appelé le règne de la terreur  »,   texte extrait des Œuvres complètes de Madame de Staël, tome XIII. Considérations sur les principaux événements de la Révolution Française, tome II, IIIème partie (1830), choisi, transcrit, remanié et mis en français moderne par Dina Sahyouni Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiquesHommage poéféministe au professeur Samuel Patymis en ligne le 4 novembre 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/21octobre/stael-gouvernementdelaterreur

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans S'indigner - soutenir - etc.
4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 15:26

Hommage poéféministe | Articles, pensées, réflexions lettres ouvertes & témoignages

 

 

 

 

 

Que peut la poésie face à l'horreur ? ​​​​​​

 

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Dina Sahyouni

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​​​​​​​​​​​​​​​​​Crédit photo :  "Happiness" (Bonheur), image d'une fillette heureuse, domaine public, Commons. 

 

 

 

Cette brève se réfère entre autres aux différentes définitions contradictoires de la poésie à travers les siècles pour n'en retenir que l'écume...

Et l'écume se résume ainsi : 

la poésie ne peut rien face à l'horreur car elle est rien ou presque...

Et pourtant, la poésie dit-on dit l'indicible, console, fait surgir l'ineffable, ne sert à rien, sert elle-même, n'a pas de fonction, etc.

Et pourtant, la poésie panse le vivant même si l'humain est surtout familiarisé à la poésie verbale qui surgit du langage.. et du signe...

Et pourtant, la poésie est la plus belle des réponses de l'univers à la laideur et à l'absurdité de ce qui est.

Et pourtant, la poésie, telle la lumière, éclaire les ombres et les abysses.

Et pourtant, la poésie, tel le souffle, nous rappelle qu'on est en vie.

Et pourtant, la poésie, telle l'eau, coule dans nos veines.

Et pourtant, la poésie, tel le sublime, enjolive tout du laid au beau...

Et pourtant, la poésie, telle l'enfant, crie, rit et pleure...

Et pourtant, la poésie, telle la mort, nous serre le cœur.

Et pourtant, la poésie, ce presque rien, ce rien résolu à se répandre partout tels les rayons de soleil rend tout visible.

Et pourtant, sans la poésie, nos malheurs seront insurmontables.

Et pourtant, sans la poésie, nos vies seront fades et vides.

Et pourtant, la poésie, tel l'amour, elle sourit toujours, nous couvre de ses ailes.

Et pourtant, la poésie, telle la mer, est parfois douce, souvent amère.

Et pourtant, la poésie, telle la mère, est souvent douce, parfois en colère.

Et pourtant, la poésie nous appelle tous, toutes, et ne cherche pas à plaire.

Et pourtant, la poésie dit tout, rend le réel mais souvent nous laisse perplexe.

Et pourtant, la poésie est la chercheuse de poux, l'illumination d'un moment, le gazouillement d'un oiseau, le murmure des spectres, le chant du cygne...

Que peut la poésie face l'horreur me dit-on ? Que peut la poésie face aux armes, aux fanatismes et aux intolérances ?

Et pourtant, personne ne me demande que peut le sourire de l'enfant face au désastre, que peut le rire du nouveau-né face à l'horreur ?

La poésie peut ce que peut le rire du bébé face à l'horreur.. tout effacer, tout faire taire, tout faire éclater en éclats, en suintement d'eau, en Ô et d'étincelles de milliers d'étoiles...

 

Portez-vous bien en poésie,

© DS.

 

***

 

Pour citer ce texte

 

​​​Dina Sahyouni, « Que peut la poésie face à l'horreur ? », texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Hommage poéféministe au professeur Samuel Patymis en ligne le 4 novembre 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/21octobre/ds-quepeutlapoesie

 

 

 

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LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans S'indigner - soutenir - etc. Abolir le terrorisme
4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 14:53

Hommage poéféministe | Textes poétiques

 

 

 

 

Complainte sur un horrible assassinat

 

commis par un fanatique, qui a

 

éventré sa femme enceinte, par

 

l'instigation des mauvais prêtres, 1797.

 

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Le Troubadour républicain

 

Poème choisi, transcrit, remanié, mis en français moderne & commenté brièvement pour cette revue par Dina Sahyouni

 

 

 

 

Commentaires brefs :

 

Ce poème d'un fait-divers est un témoignage poignant daté de la fin du XVIIIe siècle sur les méfaits atroces et criminels du fanatisme religieux. S'il narre avec effroi et horreur sans toutefois s'attarder sur les détails les plus affreux le récit de ce que l'on qualifie de nos jours de « féminicide », le texte récite une élégie d'un horrible d'un attentat. Pour le moment, on sait peu de chose sur l'identité du poète-témoin auteur de ce qu'on qualifie du Poème-fait-divers ou (de l'élégie du fait-divers ou encore de l'élégie d'attentat) et de la lettre qu'il accompagne. Il se qualifie toutefois du « Troubadour républicain » ayant à cœur de dénoncer simultanément les ravages du fanatisme religieux et sa peur des représailles... Le poète-témoin en question peut être le directeur de la publication du journal cité "Le Troubadour républicain". En tous les cas, le poète élégiaque a eu le courage de dénoncer les conséquences néfastes du fanatisme sur les esprits les plus fragiles et non armés par l'esprit critique mais il n'était pas en mesure d'afficher son identité par crainte pour sa propre sécurité. Le poète-journaliste auteur du texte nous a transmis sans le savoir un précieux témoignage sur la condition des femmes qui vivaient en fin du siècle des Lumières. Le chant de cet affreux meurtre commis à l'encontre d'une femme enceinte perpétue le questionnement sur les origines multiples des violences faites aux femmes.

Si l'on reproduit cette complainte ici, c'est pour témoigner à notre tour des violences meurtrières commises au nom des religions et des croyances mêmes politiques... Et enfin pour ne pas nous leurrer sur la nécessité de nous rappeler incessamment la nécessité d'éclairer et d'éduquer aussi les esprits dans notre siècle pour éviter ce genre de crimes....

 

 

Le texte reproduit ci-dessous provient du périodique "Le Troubadour républicain", Complainte sur un horrible assassinat commis par un fanatique, qui a éventré sa femme enceinte, par l'instigation des mauvais prêtres, 1797. Cet opus appartient au domaine public.

 

 

[Sur l']Air de la Romance de Daphné

 

 

 

De nos prêtres réfractaires,

Peuple, connais les fureurs

Et les projets sanguinaires,

Qui du culte de nos pères

Signalent les orateurs.


 

Au village de Tulendre,

Deux époux vivaient heureux ;

Leurs cœurs avaient su s'entendre,

L'épouse était chaste et tendre,

L'époux était vertueux.


 

Mais l'épouse au monastère

Sous le voile avait vécu.

À la voix d'un réfractaire,

De sa paisible chaumière

Le bonheur a disparu.


 

Le cœur navré de tristesse,

Elle invoquait l'éternel.

À son aspect qui le blesse,

Le prêtre interrompt sa messe

Et s'éloigne de l'autel.


 

C'est un monstre abominable,

Dit-il, qui souille ce lieu.

Sacrilège épouvantable !

C'est la pâture du Diable

Qu'il faut jeter vive au feu.


 

Le peuple, à sa voix cruelle,

S'en écarte avec frayeur,

L'époux ne voyant en elle

Qu'une femme criminelle,

La repousse avec horreur.


 

Mais la rage forcenée

Du prêtre rebelle aux lois,

Veut trancher sa destinée,

Et, pourtant l'infortunée

Est enceinte de six mois.


 

Étouffe avant sa naissance,

Dit-il, cet enfant proscrit,

Arrache-lui l'existence

Ou du ciel crains la vengeance ;

Cet enfant est l'AntéChrist.


 

À la voix du réfractaire,

L'époux croit venger son Dieu ;

Pour frapper, dans sa colère,

Et son enfant et la mère,

Il choisit la Fête-Dieu.


 

En secret, sur une échelle

Il l'attache avec effort,

Sans nulle pitié pour elle ;

Bientôt sa main criminelle

Saisit l'instrument de mort.


 

Mais de ce forfait atroce

Comment faire le récit ?

Ô crime ! Ô monstre féroce !

Voilà donc du sacerdoce

Et les vertus et l'esprit.


 

Vers lui l'épouse timide

Tourne des yeux suppliants

Le monstre, nouveau Séide,

Lève la fourche homicide

Et la plonge dans ces flancs.


 

Bientôt ses dents déchirantes

La mettent au monument :

De ses entrailles fumantes

Des mains de sang dégoûtantes

Vont arracher son enfant.


 

Je frémis !.... ma voix expire !

Ô peuple ! voilà ton sort !

De tes prêtres crains l'empire !

Vois pour tout ce qui respire

Ou l'esclavage ou la mort !


 

Aux cris des énergumènes

Tu verras renaître ici

Les Vêpres siciliennes,

Le massacre des Cevennes,

Et la Saint-Barthélemy.


 

Par le Troubadour républicain.*

 

* Extrait littéral du Journal intitulé : la Clef du Cabinet des Souverains, n°. 159.

 

    Le crime consigné dans la lettre qu'on va lire nous a fait une telle horreur, que malgré la véracité de l'homme qui l'a signée, en toute lettre, nous avons hésité avant de l'insérer dans notre journal ; mais il faut que le gouvernement sache que, ne trouvant que, ne trouvant que trop d'excuses dans les atrocités du fanatisme révolutionnaire, le fanatisme religieux se relève armé de tous ses poignards, et que nous disions aux prêtres restés fidèles à l'évangile, que s'ils n'évitent le précipice où nos modernes apôtres veulent les entraîner, ils perdront entièrement, en France, la religion et ses ministres.

 

    De Tulendre, commune de Monton, près de Clermont, département de Puy-de-Dôme, le 3 messidor, an 5.

 

        Citoyen,

    Je vous prie d'insérer dans votre journal le fait suivant qui m'a fait pâlir d'effroi. Une malheureuse fille, ci-devant religieuse, mariée depuis environ trois ans, heureuse tant que les prêtres n'étouffaient point le flambeaux de la raison, vient d'expirer dans les tourments les plus douloureux, assassinée de la manière la plus cruelle par son mari.... Ce monstre, à force d'entendre dire partout ce qui l'entourait que son mariage était un sacrilège, et que sa femme méritait d'être brûlée en place publique, la mène dans sa grange, après la bénédiction, le 27 prairial, jour de la fête-Dieu, l'attache à une échelle, lui enfonce à plusieurs reprises une fourche de fer dans les parties sexuelles, et lui arrache l'enfant dont elle était grosse de six mois.

    Forcée de courber la tête sous le joug de l'opinion locale, je désire de garder l'anonymat, n'ayant point le courage de me vouer à la proscription.

 

 

***

 

Pour citer ce poème

 

Le Troubadour républicain, « Complainte sur un horrible assassinat commis par un fanatique, qui a éventré sa femme enceinte, par l'instigation des mauvais prêtres, 1797 »,   poème choisi, transcrit, remanié, mis en français moderne & commenté brièvement par Dina SahyouniLe Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiquesHommage poéféministe au professeur Samuel Paty, mis en ligne le 4 novembre 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/21octobre/ltr-complainte

 

 

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