28 avril 2024 7 28 /04 /avril /2024 16:08

Événements poétiques | Festival International Megalesia 2024 « Amies » & « Elles » | Réflexions féministes sur l'actualité | S'indigner, soutenir, lettres ouvertes & hommages 
 

 

 

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« PAS UNE DE PLUS »

 

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Camillæ (Camille Aubaude)

Sites officiels : http://www.camilleaubaude.com/

​​​​​​ www.lamaisondespages.com/

https://litterature-lieux.com/fr/guide/lieu/428-la-maison-des-pages-de-camille-aubaude

 

Blogue officiel :https://camilleaubaude.wordpress.com/ ​​​​​​

 

 

 

J’ai reçu par Françoise Urban Menninger cet article accablant sur un jugement de tribunal de justice à propos d’un poète qui frappe sa femme.

 

Il s’agit d’un certain « Maulpoix », très en vogue, très « monsieur Partout » dont les livres sont dans les médiathèques, ce qui est toujours une marque de métayage de la poésie, et non de désintéressement. Le poète Maulpoix est devenu l’homme qui cogne, et ses juges le ravalent au rang de « Monsieur Tout le monde ». Terrifiante façon de la justice d’exprimer une totale puissance des femmes battues et dévalorisées, et la totale impunité des bourreaux. Disons que c’est le guerrier d’autrefois qui prenait tant de plaisir à brûler les cités... 

Le jugement du tribunal est diffusé, et il doit l’être. On le doit à l’intervention salutaire de la sœur de la victime. Certes, par peur, les victimes se font complices des bourreaux, le système piège les épouses de ces soldats désireux d’infliger des blessures et d’en avoir, par avide ambition. Le cas de ce « poète » agresseur est exemplaire : il n’est pas en cavale, il assume ses maltraitances… Sachant qu’il ne sera pas poursuivi, que ces révélations prêteront sourire, il se compare au poète Verlaine, pris dans une relation mortifère avec Rimbaud et sa femme, et à Picasso. Pourquoi pas Aristote, qui prône la supériorité de l’homme sur la femme ? Femme à qui il doit la vie, mais les esprits pervers pratiquent avec un zèle hors pair l’ingratitude.

Le discours, aussi concret et direct que les coups du « possesseur », sa façon de marquer sa propriété dans le système patriarcal mondial, multi millénaire, imprégné de la culture du viol, est actuellement analysé. Pourvu que ça dure, et que ce ne soit pas au service d’un idéal autocratique !

 

Un autre poète proférateur de glose parle de « dénonciation » ! Il s’agit de protéger une femme battue quand elle était enceinte mais on dévie, on colle des étiquettes... Le même poète générateur de glose parle de « sale » et très « vilain fait divers ». Seulement un fait divers… seulement du « Monsieur Tout le monde » ! La Tribune des 400 femmes contre les violences genrées dans le milieu littéraire affirme que pas une seule d’entre nous a échappé aux agressions. C’est facile d’arrêter le discours sur la barbarie par le poison ! Allez, c’est un monstre, c’est un marginal, un Autre, et notre démocratie ne peut produire des hommes violents envers les femmes, des hommes qui les dominent pour leur interdire une vie propre. 

Dans cet exemple, l’impunité s’étend dans les débauches littéraires. Monsieur Tout le monde-poète reçoit en 2022 un prix de poésie aux éditions Gallimard. Le même jour, il a cassé le poignet de sa femme pour qu’elle ne puisse plus écrire. « Riez », écrivais-je dans La Malcontente

Ces agressions contre les femmes sont préméditées. Admises comme la guerre, comme le pillage des villes incendiées, ces multiples agressions expriment une toute puissance virile dont l’adversaire invisible est la féminité. La déesse tutélaire d’une ville réduit à peu de choses l’égoïsme du vaillant petit soldat. La propriété d’un homme du corps de la femme, c’est la maman qui, sous contrat, lui assure une postérité, c’est la putain qu’il achète comme un simple objet. Dans les systèmes mafieux, les femmes sont enlevées et prostituées. L’élément structurant du patriarcat est que les femmes sont des territoires que les hommes possèdent pour les échanger. Ce système de pouvoir se retrouve en poésie, avec la spectacularisation du corps de la femme (cf. Elle par bonheur et toujours nue…). Les exemples de femmes sur-tuées foisonnent, car l’Etat marche sur le corps des femmes. Tant que les victimes de violences conjugales sont « invisibilisées », le silence préside à l’écriture des poétesses, notamment quand elles s’énervent sur le terme qui les désigne. 

Le jeune poète proférateur de glose le prouve en reprenant le mythe de Philomèle, sans citer Tant de Philomèles en ce monde paru sous ma direction au Pan poétique ! Ah, la priorité des idées… Pour sortir de silence qui paralyse, il faut identifier la violence mentale (lire Laurène Daycard, Nos absentes). Le slogan « quand on touche à une femme, on touche à toutes les femmes », assure l’unité, sans uniformité.

Plus on monte dans la hiérarchie sociale, moins les femmes portent plainte pour maltraitance. La professeure Laure Helms est une survivante alors que la maîtresse de conférence Cécile Poisson* est décédée. 

 

© Crédit photo :  Capture d'écran du site Babilo de la page dédiée à Laure Helms. Image fournie par la l'autrice.

 

Dernier fait exemplaire de cette société qui a déployé tous ses rets pour arnaquer les femmes, le tribunal a aussi condamné Laure Helms ! Ancienne élève de l'ENS (Ulm), agrégée de Lettres modernes, docteure en littérature, professeure en classes préparatoires littéraires au lycée de Fustel de Coulanges, à Strasbourg, publiant comme moi chez Armand Colin un essai sur la présence des femmes en littérature... Tout s’éclaircit :  Monsieur Tout le monde l’accusait sans doute de ne pas être assez gentille avec lui (lire « pas assez pute »). Le grand poète ne s’évanouit plus dans l’égoïsme mais dans le despotisme…

 

 

© Crédit photo :  Portrait de Cecile Poisson. Image fournie par la l'autrice.

 

Dans la France d’aujourd’hui, les violences conjugales et les viols sont des délits pénaux ce qui n’était pas ainsi dans le passé, et ne l’est toujours pas dans d’autres pays. Pourtant la société a du mal a en parler, et les femmes opprimées se taisent, ne vont pas jusqu’à la révolte et encore moins au commissariat. Esclaves de cette longue suite d’actions dévalorisantes, heurtées, destructrices, il est vital pour elles de ne pas aller au-devant de plus de souffrances et de se protéger des violence psychologiques. C’est ce qu’illustre une sanction mi-figue mi-raisin (cas de Laure Helms), ou dans le mien, un jugement rendu inopérant après des années d’embarras juridiques qui massacrent la création. Bien qu’elles aient besoin de la plus grande attention, les femmes agressées sont jugées castratrices. Leur sensibilité, leurs vapeurs, leur sensualité sont les caisses de résonnance des mauvais traitements et des traumatismes qui accroissent le risque de développer une pathologie mentale. L’agresseur de mon bureau d’écrivaine m’a lancé dans la rue : « sorcière, pas encore suicidée ». Tout trahit le désordre et la haine. Le spectre de la violence que les femmes subissent commence enfin à être analysé par les néo-féministes, qui œuvrent à une prise de conscience dans l’espérance d’être plus humains.   

Ce qui reste encore peu intelligible, ce sont les doctrines sans doute pérennes que j’ai étudiées dans Le Mythe d’Isis pour une société sans radicalité (cf. La Thréicie de Quintus Aucler, l’initiation aux Mystères d’Isis…). Le sentiment d’infériorité implanté notamment par l’École Normale Supérieure produit une culture d’automates qui, entre antagonisme et mimétisme, interdit l’épanouissement des femmes dans la création. Que France-Culture énonce des écrivains pour le bac, ou désigne des poètes, il n’y a que des hommes. Nec plus ultra, les désirs de propriété, de gloire et de puissance qui s’érigent en modèles creusent la tombe à larges pelletées, dessèchent le cœur et ne rendent jamais heureux.

« Une révolution est en marche ». « La peur change de camp », « c’est à l’agresseur d’avoir peur » (slogans…), pour qu’une voix s’élève, claire, inespérée, portant une vérité constante, ferme et paisible.

 

 

 

© Crédit photo :  « Plus une en plus », capture d'écran du slogan espagnol luttant pour l'élimination des feminicides. Image fournie par la l'autrice.

 

 

 

Sangre mía,

de alba,

de luna partida,

del silencio.

de roca muerta,

de mujer en cama,

saltando al vacío,

Abierta a la locura.

Sangre clara y definida,

fértil y semilla,

Sangre incomprensible gira,

Sangre liberación de sí misma,

Sangre río de mis cantos,

Mar de mis abismos.

Sangre instante donde nazco adolorida,

Nutrida de mi última presencia.

 

 

La poétesse, psychologue et activiste mexicaine Susana Chávez a été violée et asphyxiée à 36 ans, le 6 janvier 2011 ; ses trois agresseurs ont coupé la main avec laquelle elle écrivait. Voir la série de France-Culture, Féminicides.

 

 

*https://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/sa-mort-nous-regarde-un-an-apres-le-feminicide-de-luniversitaire-cecile-poisson-un-emouvant-hommage-lui-est-rendu-a-lens-20240320_2ZK5Y32X7FFWNJFOS6VCMSRGTM/)

 

 

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Pour citer ce texte féministe, inédit & engagé 

 

Camillæ (Camille Aubaude), « "PAS UNE DE PLUS" », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2024 « Amies », « Elles », mis en ligne le 28 avril 2024. URL :

http://www.pandesmuses.fr/megalesia24/camillae-pasunedeplus

 

 

 

 

 

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13 mars 2024 3 13 /03 /mars /2024 10:59

N° I | HIVER 2024 | Seules, seulettes : des poésies de nos solitudes / 1er Volet| Réflexions féministes sur l'actualité | S’indigner, soutenir, lettres ouvertes & hommages

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La vidéo salasse d’un

 

 

pizzaïolo strasbourgeois

 

 

 

 

 

 

 

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Françoise Urban-Menninger

 

Blog officiel : L'heure du poème

 

 

 

 

© Crédit photo : Capture d'écran via Instagram d’après la publication de la vidéo salasse d’un pizzaïolo strasbourgeois Giancarlo Mazzei a reçu des milliers de critiques sur les réseaux sociaux.

 

 

                

La journée des femmes du 8 mars a été ternie dès le lendemain par la vidéo répugnante d’un pizzaïolo à Strasbourg qui, loin de se contenter de créer une « pizza vulve » dégoulinante de sauce tomate, expliquait avec force gestes obscènes et propos grivois, voire insultants pour les toutes jeunes filles, comment les « déflorer ».

 

L’association féministe « Dis bonjour sale pute » s’est très justement empressée de dénoncer « une ode à la pédocriminalité, aux violences obstétriques et une sacralisation de la virginité » !

Le pizzaïolo a refusé de présenter ses excuses aux internautes et à la gent féminine, bien au contraire, il s’en est pris aux animaux en déclarant qu’il avait évoqué « des sexes d’éléphantes et non de femmes »... On ne sait pas pour l’heure ce qu’en pensent les sociétés protectrices des animaux ni les éléphantes qui ne doivent éprouver que mépris et indifférence pour ce pauvre hère dépourvu d’imagination qui se dit en mal de reconnaissance, ses plaisanteries graveleuses n’ayant pas rencontré le succès escompté...

 

 

© Françoise Urban-Menninger, 12 mars 2024.

 

 

 

Avis de la revue LE PAN POÉTIQUE DES MUSES

 

Cette vidéo témoigne de la montée des virilisme et masculinisme et qui ne sont qu’une misogynie déguisée en humour dans la vidéo en question et, qui touche les femmes, les filles et même les femelles des mammifères. En 2024, les féministes continuent de lutter activement pour l'élimination des sexisme, misogynie, masculinisme, virilisme et maltraitance animale dans nos sociétés.

 

 

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Pour citer ce billet écoféministe

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Françoise Urban-Menninger, « La vidéo salasse d’un pizzaïolo strasbourgeois », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° I | HIVER 2024 | « Seules, seulettes : des poésies de nos solitudes », 1er Volet, mis en ligne le 13 mars 2024. URL :

http://www.pandesmuses.fr/noi/fum-lavideosalasse

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N° I | HIVER 2024

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17 février 2024 6 17 /02 /février /2024 17:59

N° I | HIVER 2024 | Seules, seulettes : des poésies de nos solitudes / 1er Volet | Revue des métiers du livre / S'indigner, soutenir, lettres ouvertes & hommages

 

 

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Lutte des bouquinistes parisiens. Épilogue

 

 

 

 

Tribune 4 par

 

Mustapha Saha

 

Sociologue, poète & artiste

 

Photographie par

 

Élisabeth Bouillot-Saha

 

Photographe

 

 

 

© Crédit photo : Mustapha Saha chez les bouquinistes des quais de Seine,  image par Élisabeth Bouillot-Saha, septembre 2023.

 

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Mardi, 13 février 2024. Coup de théâtre. J’apprends l’annulation du déplacement des bouquinistes par la présidence. Une dépêche de l’AFP annonce la décision élyséenne : « Constatant qu'aucune solution consensuelle et rassurante n'a pu être identifiée avec ces acteurs, le président de la République a demandé au ministre de l'Intérieur et au préfet de police de Paris que l'ensemble des bouquinistes soient préservés, et qu'aucun d'entre eux ne soit contraint d'être déplacé ».

 

La presse étrangère se réjouit du rétropédalage du pouvoir. Des médias européens, américains, asiatiques ont réalisé des reportages sur place tout au long des sept mois de lutte. Le soir du simulacre du test de démontage, des télévisions japonaise et sud-coréenne étaient présentes. Le journal bavarois Süddeutsche Zeitung écrit « Bonne nouvelle. À la surprise générale, le président français décide le maintien des boîtes de bouquinistes, authentiques monuments culturels,  sur leurs parapets. L’art et la manière de gagner des points de popularité à bon compte. L’opinion publique est largement acquise aux bouquinistes. Une pétition de soutien a réuni 184 000 signatures. Des voix nombreuses se sont indignées contre la liquidation de l’âme de la Seine ».

 

La résistance a payé. Dès juillet 2023, nous nous sommes mobilisés, avec Élisabeth, pour les bouquinistes des quais de Seine. J'ai publié une douzaine de chroniques. Je prépare un livre sur cette question sous le titre Les Bouquinistes parisiens, Ad vitam aeternam. Je reçois plusieurs messages jubilatoires de bouquinistes. Prochaine étape, immortaliser le témoignage.

 

© Mustapha Saha

 

 

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Pour citer ce texte inédit

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Mustapha Saha, « Lutte des bouquinistes parisiens. Épilogue  », photographie par Élisabeth Bouillot-SahaLe Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° I | HIVER 2024 | « Seules, seulettes : des poésies de nos solitudes », 1er Volet, mis en ligne le 17 février 2024. URL :

http://www.pandesmuses.fr/noi/ms-bouquinistesparisiens4

 

 

 

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N° I | HIVER 2024

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17 février 2024 6 17 /02 /février /2024 17:53

N° I | HIVER 2024 | Seules, seulettes : des poésies de nos solitudes / 1er Volet | Revue des métiers du livre / S'indigner, soutenir, lettres ouvertes & hommages

 

 

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Fétichisme olympique & folie des grandeurs

 

 

 

 

Tribune 3 par

 

Mustapha Saha

 

Sociologue, poète & artiste

 

Photographie par

 

Élisabeth Bouillot-Saha

 

Photographe

 

 

 

© Crédit photo : Mustapha Saha chez les bouquinistes des quais de Seine,  image par Élisabeth Bouillot-Saha, septembre 2023.

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Paris. Vendredi, 9 février 2024. Pérégrination rituelle sur les quais de Seine. Discussion avec Jean-Pierre Mathias, ancien professeur de philosophie, bouquiniste depuis trente cinq ans sur le quai Conti. Bouquiniste n’est pas uniquement un métier, un gardien de la tradition médiévale de la boutique permanente dans la rue, c’est une vocation. Pour être un honnête bouquiniste, il faut avoir une culture éclectique, une insatiable curiosité intellectuelle, une prédilection pour la communication et surtout une santé à toute épreuve. Au bord du fleuve, les éléments s’apaisent ou se déchaînent. L’hiver est toujours rude. Le vent fouette les arbres et les présentoirs. Les bourrasques malmènent les livres. Le printemps apporte les brises consolatrices. L’été attire les flâneurs et les fureteurs.

 

Le programme sécuritaire des Jeux Olympiques, prévoyant le déplacement des bouquinistes,  draine les rumeurs et les contre-rumeurs. Mercredi 31 janvier 2024, réunion à l’Élysée pour examiner des alternatives si la cérémonie d’ouverture devait être empêchée. La Maire de Paris rêvait d’une fiesta nautique avec un million de personnes. La façade de l’Hôtel de Ville exhibe des panneaux promotionnels tapageurs, aberrants, risibles. Les Jeux camelotés comme une foire du trône. Le design et le marketing sans signification imposent leur post-vérité, leur cancel culturel. Sur les boîtes des bouquinistes de nouveaux slogans en langue anglaise, War on culture, Culture kills

Les bouquinistes des quais de Seine, en attendant, sont ballotés entre fausses promesses et vrais menaces. Les réunions avec les autorités municipales et préfectorales, auxquelles ils se prêtent à contrecœur, exaspèrent  la mésentente. Le pouvoir ne démord pas de sa volonté de  déloger les bouquinistes coûte que coûte. La rencontre du lundi 15 janvier 2024 s’est soldée par un désaccord total. Vendredi 19 janvier 2024, les bouquinistes décident de saisir le tribunal administratif. Ils demandent le maintien de leurs boîtes ou, en ultime recours, une indemnisation qui compense leur manque à gagner et sauvegarde leur dignité.

Mardi, 6 février 2024. Conseil de Paris. L’intervention du représentant écologiste relève de l’accrobatie rhétorique. « Les écologistes estiment que la Ville devrait accompagner les bouquinistes dans leurs contentieux avec les instances étatiques. Nous pensons qu’il ne faut pas déplacer les boîtes. Nous sommes dans l’incertitude. Y aura-t-il finalement une cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques sur la Seine ? On se retrouverait dans une situation paradoxale si on annule l’événement à la dernière minute après avoir évacué les caisses. Nous trouvons que les questions de sécurité sont un prétexte pour se débarrasser des bouquinistes. La Ville de Paris met trop d’argent dans les Jeux Olympiques. Le financement devrait être intégralement pris en charge par le Comité d’Organisation. Par rapport aux bouquinistes et leur déplacement éventuel, comment on va financer cette opération ? » Comprenne qui pourra le soutien sans soutien. Pour Aristote, la sophistique est une sagesse superficielle,  trompeuse. La sophistique élude les questions essentielles. Elle ne s’attache qu’aux effets oratoires. Elle escompte les rentabilités matérielles. Sous apparence de vérité, le mensonge sème ses nocivités.

Les Jeux olympiques bouleversent de fond en combe la vie sociale, économique, culturelle. Les compétitions sont prévues au cœur de la ville, aux abords des monuments historiques, Louvre, Pont de la Concorde, Tour Eiffel, Grand Palais… Circulations  bloquées. Accès interdits. Contrôles drastiques. La navigation sur la Seine sera prohibée une semaine avant la cérémonie d’ouverture du 26 juillet 2024 et interrompue pendant les épreuves de nage. Seule la sécurité prime. Les pollutions passent sous silence. La filière céréalière redoute un été catastrophique. Le fret fluvial assure 20% des transports de marchandises. Pendant les moissons, 25 péniches sont chargées de 1 500 tonnes de grains, l’équivalent de 1 250 camions. 4 400 exploitations agricoles d’Île-de-France seront impactées. 800 000 tonnes de céréales risquent la destruction faute d’être acheminées.

 

Dimanche, 11 février 2024. Inauguration de la salle polyvalente, modulaire, multisports L’Arena de 8 000 places à la Porte de la Chapelle. Gadgets écologiques : récupération des eaux de pluie, toiture végétalisée, sièges en plastique recyclé. En sous-sol, une usine de production de froid permet le rafraîchissement de la salle. La machinerie sert également à chauffer les habitations du quartier. La Maire supplie les parisiens de ne pas fuir la ville. Elle déclare dans un emportement lyrique : « Cette inauguration, c’est un peu le début du commencement de la magie olympique. Paris va être magnifique. Ne partez pas pendant les Jeux. Ce serait une connerie. On va vibrer ensemble ». Tel est le niveau discursif du langage politique en vigueur. Juste avant l’arrivée de l’édile, une manifestation des sans-papiers, Pas de papiers, pas de Jeux Olympiques sur banderole. Un contrat avec la Mairie autorise l’équipementier allemand Adidas d’accoler son nom sur l’édifice pendant cinq ans. Le sport business contamine toute la société. Tout se vend. Tout se marchandise. Tout se privatise. Le patrimoine culturel, les bibliothèques, les musées, les écoles, les squares… Jamais les affaires publiques et capitalistes n’avaient fait aussi bon ménage.  La Porte de la Chapelle demeure un lieu de détresse. Sous le pont traversant le boulevard Ney vivotent sans logis et toxicomanes. Un slogan tagué sur le mur rappelle : La Chapelle, porte de l’enfer. Des réfugiés ignorés par les institutions meurent de faim, de froid. Des crackers se livrent à des trafics misérables. Violences du dénuement. Les migrants affamés, épuisés, malades  sont érythréens, irakiens, afghans, maliens pour la plupart. Certains sont marocains.

La folie des grandeurs bute sur la faisabilité. La jauge de spectateurs est d’ores et déjà rabaissée de 600 000 à 300 000 par le ministère de l’Intérieur. 100 000 personnes ont  payé leur place sur les quais bas pour assister au spectacle fluvial, jusqu’à 2 700 pour les mieux placées. L’interrogation lancinante,  la vulnérabilité des athlètes embarqués sur une centaine de bateaux face à une éventuelle attaque terroriste,  revient obsessionnellement  dans chaque tour de table. La gouvernance technocratique ne comprend toujours pas l’incompatibilité de la fête et de la sécurité. Les principaux dirigeants du Comité olympique sont dans le collimateur de la justice. Le Président de Paris 2024 et trois collaborateurs sont visés par des enquêtes judiciaires pour favoritisme, infractions financières, prises illégales d’intérêts, irrégularités relatives aux marchés publics, recels. Les procédures pénales s’accumulent.

Je ressors une vieille note. La folie des grandeurs est la maladie commune de tous les tyrans, à quelqu'échelle qu'ils sévissent, du despotisme municipal au césarisme mondial. L'autocrate se place d'emblée au-dessus des lois pour imposer sa seule et unique volonté. Le monde n'existe que parce qu'il s’en proclame le maître. Il accapare tous les pouvoirs. il persécute les détenteurs du savoir. Il traite ses alliés comme des corsaires, ses amis comme des adversaires. Et quand il est gavé d'omnipotence, il dégorge ses déboires sur ses derniers serviteurs, creuse sa propre tombe et, par avance, édifie un mausolée à sa gloire.

 

 

© Mustapha Saha

 

 

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Pour citer ce texte inédit

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Mustapha Saha, « Fétichisme olympique et folie des grandeurs  », photographie par Élisabeth Bouillot-SahaLe Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° I | HIVER 2024 | « Seules, seulettes : des poésies de nos solitudes », 1er Volet, mis en ligne le 17 février 2024. URL :

http://www.pandesmuses.fr/noi/ms-bouquinistesparisiens3

 

 

 

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