Critique & réception
Anick Roschi
Le voyage des ombres
Éditions du Cygne, coll. Poésie francophone, 62 p.
Dina Sahyouni
© Crédit photo : 1ère de couverture de l'ouvrage illustrée par Anick Roschi
Le voyage des ombres est un recueil dense à portée historique et politique. Il appartient à la poésie mémorielle. Le poète s'inspire des événements dramatiques qui ont secoué le XXème siècle pour composer un pan mémoriel de poèmes sur lequel il transcrit simultanément sa révolte et sa peine. En rendant ainsi hommage aux victimes et en criant l'horreur de l'humain à l'égard de ses semblables, il se transforme en poète témoin, chroniqueur et historien des violences et des crimes contre l'humanité commis partout sur cette planète. Ce recueil porte donc les stigmates des temps de haine jusqu'à faire disparaître le verbe et se retrouver dans le poème nominal dans « Baisers volés » (décrivant la dictature de 1976 en Argentine).
Les mots dénudés de tout artifice tracent des figures et font jaillir du néant instauré par la haine les mémoires vives des victimes dans plusieurs poèmes tels : « Bouquet » (p. 10), « Immortelle » (p.12), « Boucles » (magnifique poème inspiré des horreurs d'Auschwitz, p. 13), « Présent » (p. 16), « Les oiseaux » (p. 17), « Panthère » (p.22), « Ébène » (p. 23), « Ta fille où est-elle? » (p. 52)...
L’oxymore et la litote sont omniprésents dans cet ouvrage et la douceur des mots dévoile autrement l'horreur des injustices battantes. Le poète Anick Roschi emploie la poésie comme un vecteur de témoignage. Oui, la poésie peut rendre, à l'instar du roman historique et du roman-témoignage, le réel laid de notre humanité à travers la beauté des mots et la grâce de leurs musiques. La poésie n'est sûrement pas une panacée, mais elle est parfois un requiem et une sarabande. Elle est l'arme blanche des non violents révoltés. Ainsi, la douceur et la beauté viennent contrebalancer la haine et enrayer la machine de la loi du talion, de la vengeance et de « la violence qui engendre la violence ».
Ponctué d'illustrations intéressantes et dûment documenté, ce recueil-témoin est un pan mémoriel et un hymne à la non violence et aux victimes de la « banalité du mal » (dont parle Hannah Arendt) ancrée en nous. À lire absolument ! *
* Page du livre aux éditions du Cygne : http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-voyage-des-ombres.html
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Pour citer ce texte
Dina Sahyouni, « Anick Roschi, Le voyage des ombres, Éditions du Cygne, coll. Poésie francophone, 62 p. », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°10, mis en ligne le 28 février 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/voyage.html
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