Mlle Yvonne Laeufer n'est certainement pas une inconnue pour nos lecteurs. Établie déjà depuis quelques années en Égypte, elle a collaboré à maints journaux et revues de langue française de la capitale. Ses contes et nouvelles, d'inspiration locale, plaisent au lecteur par la finesse d'observation, la robustesse du style, la force de la pensée et la profonde connaissance des mœurs et coutumes du pays...
Elle nous avait déjà donné « Les Stigmatisés » qui eurent leur heure de gloire. Aujourd'hui, son nouveau recueil de contes arabes « Oeil pour Oeil » consacre définitivement sa carrière littéraire.
Mlle Laeufer n'est pas seulement un écrivain. Elle possède le don, bien rare de nos jours, de ne parler que de sujets qu'elle a étudiés à fond. Elle ne voit pas l'Égypte à travers un mirage comme l'ont fait, hélas, pas mal d'écrivains étrangers.
Non. Elle a pénétré l'âme égyptienne, elle l'a comprise, elle l'a disséquée, elle s'est imprégnée de l'atmosphère du pays, elle en a découvert tous les dessous, tous les replis. Enfin elle en a parlé avec une connaissance approfondie des gens et des choses...
Citerons-nous quelques passages des contes arabes de Mlle Laeufer ?
Lisez les quelques lignes qui suivent, détachées d'une page de « Œil pour Œil » et coûtez-en le mystère tout oriental :
Oppressée, Aleya Hanem se pencha et s'absorba dans la féerie ambiante. Le palais, bâti sur la route des Pyramides, surplombait le Nil et faisait face à la perspective la plus captivante de la ville, massée au pied du Mokattam glabre. Dominant l'élancement prodigieux des mosquée du Vieux-Caire, les ruines de l'ancienne Fostat, l'étendue morne des cimetières où reposent, séparées par d'infimes distances, toutes les races* qui composent l'âme de l'Égypte moderne, la citadelle s'élève, altière. Habituellement baignée d'or fluide, ses fins minarets enchâssés dans l'azur d'un ciel éclatant, la citadelle revêtait par ce jour de pluie, un aspect mélancolique, étrange, d'une richesse imprévue de demi-teintes. Les nuages, un instant éparpillés, fuirent vers le nord. Un rais de soleil éclaboussa la ville bleuâtre et le Nil sembla charrier du sang.
__ Regarde, Dada Khéra, on dirait que le soleil s'est noyé dans le fleuve...
*Le terme "race" qui signifie "gens, tribu, ethnie, etc." selon la définition traditionnelle donnée par les dictionnaires diffère bien sûr des visions racialistes du XIXème siècle... Ici, le terme est employé au pluriel par la conteuse orientaliste et il renvoie aux différentes populations qui composent l'Égypte (pays cosmopolite alors...), il s'agit donc d'un usage usuel sans aucune autre valeur. Je vous donnerai prochainement des extraits des contes de l'écrivaine voyageuse méconnue Yvonne Laeufer...
La chronique ci-dessus provient du périodique Images, hebdomadaire égyptien paraissant le Dimanche, NO 40, 22 Juin 1930, p. 5. Cette presse écrite appartient au domaine public.
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Pour citer ce texte journalistique d'autrefois
Images, « "Œil pour Œil" (Contes Arabes) », extrait du périodique égyptien Images (No 40, 1930), choisi & transcrit avec une note par Dina Sahyouni pour Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels & fictifs », n°2, volume 1 & Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre », mis en ligne le 11 août 2022. URL :
Poème choisi & transcrit avec une note par Dina Sahyouni
Crédit photo : "Cèdre du Liban du lac Supérieur du bois de Boulogne", domaine public, Wikimedia.
À Madame Amy Kher
Dans le bois où repose une fadeur d'église
Les cèdres de la Bible exhalent leur encens
Et leur silence a de long soupirs angoissants
Où de leur souvenir l'âme se cristallise.
Leur feuillage s'étale en vivantes assises,
Et dans les cieux du soir tout maculés de sang,
Palpite en disques bleus autour des fûts, puissants,
Et la céleste paix des nuits le divinise.
Nul rêve ne fleurit au pied des troncs rugueux,
Et l'on sent, malgré soi, se renfermer ses yeux,
Et doucement monter un mystique vertige.
Ainsi, parmi les rocs et l'immortalité.
Debouts et dédaigneux de leur antiquité.
Les Géants du Seigneur dans les siècles se figent.*
* Le poète Édouard Gemayel (1???-????) célèbre dans ce poème élogieux le pays dont l'écrivaine Amy Kher est originaire ; le parfum des cèdres est celui du Liban. Amy Kher a vécu en Égypte et fut conteuse, romancière, poète (ou poétesse) du XXème siècle.
Le poème ci-haut provient du périodique Images, hebdomadaire égyptien paraissant le Dimanche, N°19, Égypte, Le Caire 26 janvier 1930, p. 19. Cette presse écrite appartient au domaine public.
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Pour citer ce poème élogieux d'un aïeul
Édouard Gemayel, « Les Cèdres », extrait du périodique égyptien Images (N°19, 1930), choisi, transcrit avec une note par Dina Sahyouni pour Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels & fictifs », n°2 & Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre », mis en ligne le 2 août 2022. URL :
Hanen Marouani, « La nouvelle collection printemps-été 2022 de la styliste Tuniso-canadienne Sarah Manai ; Femme-Fleur : des poèmes visuels et olfactifs », photographies de Majdi Agrebi de Ichrak Cofflard (Mannequin), Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels & fictifs », n°2, volume 1 & Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°11 | ÉTÉ 2022 « Parfums, Poésie & Genre », mis en ligne le 19 juillet 2022. URL :
Artiste peintre et ingénieure, elle cherche à guérir l'âme du monde, et non uniquement à exprimer les névroses et l’absurdité de la condition humaine.
Ingénieure de formation, elle a toujours été passionnée par la peinture, et habitée par l'Art sous toutes ses formes.
« À 18 ans, je reçois une bourse de l'État Tunisien pour poursuivre des études d'ingénieur à Paris. Et là, j'arrive pour la première fois à la ville des lumières, je tombe sous son charme, et je décide de suivre des cours d'art (peinture, expression artistique, miniature persane, danse, théâtre, piano, jazz) , en parallèle avec mon travail d'ingénieure.
Un long chemin semé d'embûches, d'incompréhensions et de déceptions, mais aussi de fiertés et d'accomplissements.
J'avais participé à plusieurs expositions, à la publication d'un recueil de poésie avec un collectif d'artistes Maghrébines ''Les cinq saisons au féminin'', et récemment, à la publication de Lalla Samra, la sainte soufie de Sfax, qui fait partie de la série Safat Hikayet. »
Bibliographie
Livres/recueils
Recueil de poésie Les cinq saisons au féminin 2021.
Lalla Samra de la série Safat Hikayet 2022.
Expositions
Exposition Femmes Maghrébines médiatrices de la paix, fondation maison de Tunisie, 30 Octobre 2021.
Exposition avec Les amis du salon de l'automne, Galerie Etienne de Causans, Paris Saint Germain 2021 14 septembre-2 octobre 2021.
Grand Salon d'art Abordable 24ème édition, La Bellevilloise Paris 11-13 Mai 2018.
Exposition à l’Hôtel des Arts et Métiers, Iéna Février 2018.
Exposition au Cercle Du Rire, Paris 19ème30Mai 2018.
Je suis Fatma, prénom choisi par mes parents, et le fruit d'une culture millénaire, d'une mémoire collective tunisienne, africaine, méditerranéenne …humaine.
Je suis également Fatmina, un prénom composé de Fatma et Fatina (qui signifie petite fée en dialecte vénitien).
J'aime bien les deux ; ce qu'on m'a choisi et ce que j'avais choisi, être une goutte d'eau dans l'océan et être l'océan, être Fatma et Fatmina.
Et vous, vous préférez m'appeler Fatma et/ou Fatmina ?
H.M – J’aime les deux puisque vous êtes les deux (sourire). Quelle est la vraie matière de votre art ?
F.G – L'Amour est ma religion et ma foi :
Je ne cherche pas uniquement à imiter la "réalité" visible aux yeux, mais à transmettre et à servir dignement l’humanité, tout humain, quel qu’il soit, et à garder cette lumière d'amour vivante.
Avec mes tableaux et sculptures, j'ai un regard tourné vers une humanité fragmentée, qui se mine, se détruit, et se mutile en permanence.
Avec mes miniatures, j'ai le regard/cœur tourné vers l'invisible. Mon art signale la présence d'un paradis spirituel ; et ce paradis, s'il n'est pas la Réalité dernière, est tout de même une étape d'un pèlerinage et un degré dans l'échelle de la transcendance.
Comme a dit Saint Saint-Exupéry : « On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible aux yeux ».
H.M – Merci pour cette belle citation de Saint Saint-Exupéry et merci pour cette belle photographie. Quelle est alors votre « méthode » pour un art poétique et « féministe » efficace et distingué ou comment s’émancipe-t-on d’un schéma dominant ?
F.G – Je n'ai jamais aimé tout ce qui se termine par "isme" : comme féminisme, sexisme, salafisme, machisme... Je parlerais plutôt d'un art humaniste, atemporel et intérieur ; un art qui reflète fidèlement la lumière (et les ombres) de ce monde, un art qui soit également une fenêtre vers de nouveaux horizons, et surtout, un art qui se veut être Vrai.
Comment y arriver ? Ce n'est pas via une méthode, mais c'est tout un cheminement intellectuel et spirituel, que j'ai commencé à suivre, et qui prendra l'espace d'une vie.
H.M – La magie et le mystérieux portés à votre création artistique et poétique sont-ils un don ou un travail assidu et continu ? Peut-on vraiment s’y identifier ?
F.G – Thomas Edison avait dit « Le génie est fait d'1% d'inspiration, et de 99% de transpiration. »
J'estime que le don ne suffit pas à lui seul : il n'est que l'étincelle qui te fait travailler ardemment et sans relâche pour cette passion qui t'anime. Tu ne sens alors pas le temps, ni la douleur.
Même si tu tombes et tu retombes maintes fois, tu auras toujours la force de te relever et de réessayer. La force du don n'est pas uniquement une inspiration, mais c'est surtout l'amour de faire ce que tu fais.
H.M – Vous explorez les désordres de l’âme humaine depuis que vous avez commencé votre traversée artistique. D’après votre expérience spirituelle, qui est le plus puissant les lumières ou les ombres ?
F.G – La profondeur des émotions humaines a toujours été une source d'inspiration fascinante pour moi. La question des ombres et des lumières est au cœur de ma recherche spirituelle, et de mon introspection.
Je crois que tout Humain est à la fois ombre et lumière, ange et démon, haine et amour ; l'un ne se définit qu'avec son opposé.
H.M – Dans ce cas la bipolarité est de plus en plus détectée dans nos sociétés modernes et elle est mal comprise pourtant c’est aussi une source de créativité ? Quel est votre avis à propos de cela ?
F.G – Cette bipolarité existe depuis toujours et existera et elle est primordiale pour moi.
Nous vivons aujourd'hui dans un monde en crise, crise veut dire aujourd'hui système grippé qui ne saurait trouver en lui-même les ressources et moyens de sa réadaptation.
L'homme est devenu désorienté au sens propre du mot : il a en effet perdu son orientation, son cap. Il vit dans une peur individuelle et collective, qui le hante, et se transforme en angoisse permanente.
« Ils éprouvaient la souffrance profonde de tous les prisonniers et tous les exilés, qui est de vivre avec une mémoire qui ne sert à rien. » (Albert Camus, La peste)
Nous nous replions de plus en plus sur nous-mêmes, nous n'arrivons pas à retirer ce voile qui nous empêche de Regarder la beauté derrière. Pourtant cette dernière est partout.
Mon rôle en tant que femme, artiste est de parler de cette beauté, de cette unité.
En fait, en dépit de leur pluralité, toutes les cultures constituent autant de réponses distinctes aux mêmes questions essentielles posées par la biologie et l’ensemble de la situation humaine.
L'Homme, cet être singulier conscient de sa propre mort, confronté à la première pandémie du monde globalisée, se trouve face à des interactions sans cesse croissantes entre les différentes régions du globe.
Une interdépendance qui le contraint à collaborer pour faire face à ce tsunami mental qui submerge l'humanité toute entière, à vivre ce paradoxe entre le repli sur soi et la solidarité et à admettre qu'il fait partie d'un grand tout.
La beauté, selon moi, réside dans nos différences et dans cette bipolarité mondialisée.
H.M – Le mélange des deux est constant chez vous. S’agit-il de ressources inattendues et imprévues qui invitent à combiner colères et émerveillements, élans et peines ou autre ?
F.G – Je suis à la fois miroir et fenêtre, peintre, sculptrice, et miniaturiste :
Dans la peinture, la rédemption de la matière et du monde des phénomènes s'accomplit par leur accession à la forme. J'étais alors un miroir qui reflétait la lumière, mais surtout l'ombre, la douleur et les abysses où notre monde est plongé. J'ai eu la chance d'être accueilli à l'atelier Artistik avec mon maître Manhal Issa, et Pako Khoury pour peindre fidèlement ces tempêtes et ouragans qui me traversaient.
Mais, il y a 5 ans, j'ai fait une rencontre : une rencontre exceptionnelle avec un grand Homme ; mon maître de miniature persane, le regretté, très cher Abbas Moayeri.
"Ostad" (maître en persan), était un très grand miniaturiste persan, peintre, sculpteur, musicien et acteur.
Il m'avait initiée à l'art de la miniature persane. Un univers où l'artiste transforme la matière en couleurs de lumière. La poudre d'or, d'argent, de lapis-lazuli, d'émeraude et d'autres pierres précieuses subliment la matérialité pour qu'elle ne soit plus que réflexion de lumière.
Les choses dépouillées de leur part obscure, du poids, du volume et de l'ombre apparaissent comme dans un miroir magique, qui ne réfléchit pas, à sa ressemblance, ce qui est devant lui, mais l'éclaire par une autre lumière et le porte dans un autre lieu, pour le métamorphoser en images d'ailleurs.
Le somptueux caractérise cette apparition et le merveilleux en est l'effet et la tonalité.
H.M – L’intensité de l’émotion est juste une réaction instantanée ou une vérité qui permet d’ouvrir l’âme, le cœur et les yeux et d’aller au fond ?
F.G – L'intensité de l'émotion n'est que l'étincelle qui ouvre une brèche dans le cœur, et permet de voir en profondeur ce qu'il y a derrière les voiles du monde visible.
"La blessure est l'endroit par lequel la lumière entre en nous." Rûmi
لا تجزع من جرحك و إلا فكيف للنور أن يتسلل الى داخلك" مولانا جلال الدين رومي
H.M – Vous proposez aussi d’en finir avec le soufisme, c’est-à-dire ?
F.G – Qu'est-ce que le soufisme ; « c'est éprouver de la joie dans le cœur lorsque vient le chagrin » Rûmi
Le soufisme est la spiritualité musulmane, considérée, par les savants musulmans, comme une des sciences de la religion musulmane.
Ses principes sont la quête de la vérité et de la bonne direction, et reposent sur le renoncement au monde, à l'abandon des richesses, des plaisirs, des honneurs, des vanités superflues, tout en s'attachant à la stricte pratique des vertus qui élèvent l'âme vers l'Amour de Dieu.
« Mon cœur est devenu capable
D’accueillir toute forme
Il est pâturage pour gazelles
Et abbaye pour moines !
Il est temple pour idoles
Et la Ka’ba pour qui en fait le tour
Il est les Tables de la Thora
Et aussi les feuillets du Coran !
La religion que je professe
Est celle de l’amour
Partout où ses montures se tournent
L’Amour est ma religion et ma foi ! »
(Ibn Arabi)
H.M – Comment former les plus jeunes, surexposés au numérique et à la consommation, à la méditation et à l’art ?
F.G – Je pense que c'est notre rôle, en tant qu'artistes, penseurs et philosophes de proposer une alternative à cet environnement toxique où nos jeunes baignent : un monde où la seule constante est le changement, où le matérialisme devient roi, où les influenceurs remplacent les penseurs, et où les valeurs se perdent.
J'ai choisi, avec une belle équipe motivée et dévouée (Mondher Khanfir, Ahmed Nabli, Houcem Ben Jemaa) de créer une série de contes intemporels, “Hikayat” en arabe, qui parlent d'amour, de beauté et de sagesse, et qui sont illustrées avec des miniatures.
Le concept de Hikayat est à mi-chemin entre le récit et le conte, dont l'élément narratif est annoncé et énoncé, qui est de la fiction, sans être de la pure fantaisie comme le sont les Mille et Une Nuits, tout en ayant une sorte de prégnance comme une entité suffisante et brillante par elle-même, indépendamment du sens ésotérique, moral ou mystique qui s'y attache.
Nous racontons l'histoire des héros, qui ont réellement vécu, et qui ont aidé, protégé et aimé. Il ne s'agit pas de héros qui viennent d'une autre planète ou qui aient été piqués par des fourmis ou des araignées, mais il s’agit bel et bien de Vrais Héros. Il s'agit des saintes et des saints qui existent, un peu partout dans le monde.
L’édition sous format d'une App, avec une animation et des lectures possibles en plusieurs langues et dialectes (avec ma voix), remet chaque Hikaya dans sa dimension universelle. Ce qui rend les personnages clefs encore plus proches….
Notre objectif est de participer à la création d'une nouvelle vision du monde, et d'accompagner tous ceux qui sont avec nous dans une quête de sens.
H.M – Qui inspire vos toiles et vos écrits : avant et actuellement ?
F.G – Il faut commencer dans le noir pour trouver la lumière.
Au début, mes peintures me permettaient de canaliser mes épouvantables tempêtes internes. Il s'agissait de mon refuge, de mon radeau, de ma lumière, sans laquelle je pourrais être plongée dans cette obscurité infinie. Par la suite, les ombres ont cédé la place aux miniatures : un étonnement contemplatif devant les mondes cachés et devant tout ce que le cœur peut en connaître. Je regarde alors le monde, mais pas avec mes yeux, avec mon cœur, tout en essayant de fendre les voiles qui cachent le paradis spirituel derrière. Cette peinture n'est pas véritablement le lieu d'une action mise en scène : en dehors du sentiment d'émerveillement, devant la beauté de l'image qui reflète un monde dans sa perfection, il n'existe aucune autre expression d'idée ou de sentiment quelconque.
Le drame, le pathétique, l'émotion sont absents : les combats sanguinaires n'inspirent ni terreur, ni pitié, ni dégoût, et les ruines ne diminuent en rien la splendeur et la beauté du tout.
(H.M) « Lalla Samra » est votre nouveau livre autour d’une femme. Qui est-elle réellement ?
F.G – Lalla Samra est une sainte soufie, qui a vécu à Sfax au 16ème siècle, et qui a combattu la peste noire, malgré toutes les douleurs et chagrins. Elle s'est donnée corps et âme pour aider les malades, les pauvres et les démunis…
Le fait d’avoir été en contact avec les pestiférés sans attraper le mal était interprété comme une bénédiction divine de Lalla Samra.
Jusqu’à nos jours, sa mémoire est célébrée chaque début de printemps, avec une procession conduite par une femme entourée de deux chèvres noires, sous le son de percussion « Stambali », rappelant les cortèges de la mort de l’époque.
H.M – Vous pensez que la nouvelle génération manque d’assez de connaissances et de savoirs autour de l’Histoire ? Ces histoires merveilleuses surtout autour des femmes se considèrent-elles comme lueur d’espoir, de chercher encore les vérités cachées dans nos médinas à Sfax ou dans d’autres villes ou pays ?
F.G – Hegel avait dit "on apprend de l'histoire que personne n'apprend de l'histoire"
Je ne partage pas complètement cette thèse : je pense qu'on ne peut pas avancer sans avoir une connaissance de l'histoire.
Cependant, dans le contexte actuel de mondialisation, de progrès technologique, et de disponibilité instantanée de quantités faramineuses d'informations, les nouvelles générations, et en particulier dans les pays du tiers monde dont la Tunisie (mon pays d'origine), subissent encore un système éducatif dangereux qui ne cesse de "débiliser", "aplatir" les connaissances avec des programmes mous, manipulés et réducteurs, et détruire la pensée critique des élèves (ça a commencé avec les dictatures successives et a continué après la révolution avec l'extrémisme).
Avec Safat Hikayet, nous partageons un rêve : celui de raviver des histoires oubliées de héros et héroïnes qui ont vraiment vécus, et qui ont participé à créer un monde meilleur, à transmettre des valeurs humanistes, et à communiquer un message d'amour, de tolérance et de sagesse.
Cette recherche historique, qui a commencé par Sfax mais qui continuera dans plusieurs villes et pays, est alors un moyen d'attiser la curiosité des lecteurs pour une histoire délaissée et ignorée, de donner l'exemple aux générations à venir, et d'inspirer un monde qui se mine en se divisant.
H.M – Fatmina, votre formation est principalement scientifique mais votre passion est purement artistique et spirituelle. C’est rare de trouver des profils qui réunissent les deux et qui excellent aussi dans les deux comme votre cas. Comme un mot de fin, quel est le message à transmettre pour ces jeunes qui ne voient l’avenir que dans la formation scientifique surtout que vous avez montré votre intérêt vis-à-vis de la jeunesse dès le début de notre entretien ?
F.G – Je vais répondre à votre question en deux temps :
D'abord, je suis à la fois artiste et ingénieur : parcours atypique et interdisciplinaire, mais qui a toujours existé avec de grandes figures comme Perret, De Vinci…
Je n'y vois pas une incohérence, mais plutôt une richesse. L’art donne un sens à l’inexplicable et à l’invisible, la science réduit nos ignorances en cernant de façon critique l’inexpliqué et l’inconnu.
Cette bipolarité essaie de rendre l'invisible visible, et d'unir ces deux mondes pour en créer un meilleur. J'ai choisi de suivre ce chemin sinueux, pleins d'embûches, d'incompréhensions, de douleurs et de défaites, mais aussi de réussites, d'accomplissements et surtout de sens (direction, signification, sensation), le plus important étant le chemin, non pas la destination.
J'ai fait un choix : c'était difficile au début mais le jeu vaut la chandelle.
Comme a dit Steve Jobs : Have the courage to follow your heart and intuition.”
Le travail ne doit pas être une torture (comme son origine latine tripalium), mais une source d'épanouissement et d'accomplissement.
Donc, selon moi, il ne faut pas que tu choisisses ta voie en fonction du gain pécuniaire potentiel, mais en fonction de ce que tu aimes, de ce qui te passionne et te fais vibrer.
Socrate a dit « La vie est trop courte et trop précieuse pour la passer à nous distraire et à accumuler un trésor périssable. Cherchons plutôt à en comprendre le sens véritable et à enrichir notre âme. »
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Pour citer ces voyages poétiques (œuvres & entretien) inédits
Hanen Marouani,« Les vertiges du mystérieux et du merveilleux : l’art poétique de Fatma Gadhoumi » avec des œuvres de Fatma Gadhoumi et deux photos de Luca Tiozzo Pezzoli,Revue Orientales, « Les voyageuses & leurs voyages réels & fictifs », n°2 volume 1 & Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2022 « Les merveilleux féeriques féministe & au féminin », mis en ligne le 30 juin 2022. Url :
LE SITE « PANDESMUSES.FR » DEVRA BASCULER EN HTTPS DÈS LA FIN DE SA MAINTENANCE ET LE COMPTAGE DE SES PAGES À ACTUALISER. CELA PRENDRA DES MOIS VOIRE UN AN. NOTRE SITE AURA AUSSI UN THÈME GRAPHIQUE UN PEU DIFFÉRENT DU THÈME ACTUEL. POUR UNE MAINTENANCE À COMPTER DU 20 OCTOBRE 2023. CETTE OPÉRATION POURRAIT PERTURBER VOIRE RALENTIR LA MISE EN PAGE DE NOUVEAUX DOCUMENTS. MERCI BIEN DE VOTRE COMPRÉHENSION !
Cette section n'a pas été mise à jour depuis longtemps, elle est en travaux. Veuillez patienter et merci de consulter la page Accueil de ce périodique.
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