Poème intédit
Les Porteuses exilées
Angèle Bassolé-Ouédraogo
Il est des portes qui s’ouvrent
Il est des portes qui se ferment
Les portes de l’exil s’ouvrent et se ferment
S’ouvrent et se ferment
Pour des Porteuses en quête d’Afrique
Des Porteuses en quête d’humanisme
L’Humanité a perdu le Nord
Une fois le Cap de Bonne Espérance franchi
Ici
Les cœurs sont froids
Comme l’hiver
Les mains ne se tendent pas
Même pas pour le salut de Paix du Christ
Non !
L’autre est une menace
Menace perpétuelle
Menace permanente
Partout
Au travail
Dans la rue
Dans les églises
Peur
Peur de l’autre
Peur de ce que l’on ignore
Peur de ce que l’on n’est pas
Ne saurait être
On parle d’Amour
On parle de Charité
On parle de Fraternité
Paroles
Paroles dans mon cœur en exil
Mon cœur et mon âme
Hors de mon corps
Mon être désintégré
Ma Lune et mon Soleil
Brillent et se lèvent au vent du sud
Le nord a épuisé mes réserves
Car le soleil y brille inutilement
Il brille et me fait manquer de
Vitamine D
Ce soleil de décor
Que poursuivent des âmes désespérées
Désespérées et prêtes à mourir sur les côtes de Lampedusa
Pour un soleil
Qui ne se lèvera jamais au-dessus de leurs yeux fermés
Les Porteuses sont là
Tenaces
Tenaces et fermes
Fermes et déterminées
Déterminées
Comme une armée rangée en bataille
Les Porteuses restent Debout
Les Porteuses restent braves
Parce que telle est leur destinée
Rester Debout
Debout toujours
Même couchées
Les Porteuses sont à jamais
Debout
Debout
Pour garder le flambeau allumé
Allumé
Pour les générations de Porteuses
À venir
Gardiennes du feu sacré
Elles ne renoncent pas
Ne renoncent jamais
Grande est l’adversité
Forte est leur résistance
Debout
Est leur devise
Debout toujours
Debout à jamais!
Comme Yennenga
Comme Abla-Pokou
Comme Ndette Yalla
Comme Nzingha
Comme Wêemba
Debout
Salut,
Mères!
Les Porteuses regardent
Altières et fières
L’horizon plein d’incertitudes
Les Porteuses écrivent Demain
Avec Aujourd’hui
Car Hier N’existe plus
Demain est bleu
Bleu indigo
Comme l’horizon
L’horizon que dessine ma grand-mère sur ses batiks
Il est de portes qui s’ouvrent
Il est des portes qui se ferment
Se ferment et se referment
Mais l’Espérance des Porteuses
Demeure
Intacte !
Intacte
Comme leur Foi
En Demain
Demain
Qui ne saurait ressembler à Hier
Hier est passé avec sa boue
Sa boue de hontes
Sa boue d’humiliations
Sa boue de railleries
Hier est passé
Avec sa horde d’errances
J’ai planté ma tente
Dans un pays nommé
Exil
Être et ne pas être
Dans une île
Exister
Dans l’ailleurs
Être ici
Être ailleurs
Être nulle part
Nulle part ailleurs
Nulle part au monde
Car les Sans Pays
Ont pour citoyenneté
Nulle Part
Ni d’ici
Ni d’ailleurs
Jamais de Nulle Part
Les Étoiles sont nos compatriotes
Car nous avons toujours les yeux fixés au Firmament
Là où se dessinent nos rêves
Là où s’écrivent nos poèmes
Je suis née là
Depuis des lunes
Je viens de là depuis des pluies
Je vis ici depuis
Des printemps
Automnes
Étés et
Hivers
Mais toujours de Nulle Part
Nulle Part ailleurs
Est mon Pays
Mon Pays
Mon Pays
N’est plus de là
Ne sera jamais d’ici
L’exil est empreint
Dans mes paumes
Comme un stigmate
Un stigmate précieux
En moi
Précieux en mon cœur
Précieux en mon âme
Je lis et écris l’exil
Dans ma paume
L’exil
Dans mon cœur en miettes
L’exil
Dans mon âme désorientée
L’exil de mes rêves
Rêves de Liberté
Rêves d’Égalité
Rêves de Fraternité
J’ai chanté être
À tous les temps
Je suis de là et d’ailleurs
Je suis d’ici et de là
Je serai toujours
L’Exil
Les Porteuses exilées
Chantent des Cantates
Pour des Soleils Libres
Exilées pour rêver
Rêver la Liberté
La Liberté enfouie dans nos déserts sans noms
Nos déserts sans limites
Nos déserts sans frontières
Les Porteuses exilées
Vous saluent !
Les Porteuses exilées
Vous disent
Mères,
Merci !
Pour citer ce poème
Angèle Bassolé-Ouédraogo, « Les Porteuses exilées », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : « Poésie, Danse & Genre » [En ligne], n°1|Printemps 2012, mis en ligne en Mai 2012.
URL. http://www.pandesmuses.fr/article-porteuses-exilees-103740903.html ou URL. http://0z.fr/8629m
Pour visiter les pages/sites de l'auteur(e) ou qui en parlent,
http://www.cief.org/nouvelles/2004/index.html
http://www.cief.org/congres/2004/ecrivains/bassole.html
http://www.africultures.com/php/index.php?nav=livre&no=2763
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ang%C3%A8le_Bassol%C3%A9-Ou%C3%A9draogo
Avertissement
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Article de la revue AMINA, n°454, 2008 du livre Les porteuses d'Afrique (Angèle Bassolé-Ouédraogo
Auteur(e)
Angèle Bassolé-Ouédraogo
Née en 1967 à Abidjan en Côte d'Ivoire, Angèle Bassolé est chercheuse associée à l'Institut d'études des femmes de l'Université d'Ottawa. Elle est aussi écrivaine et éditrice.
Journaliste de formation et de profession, critique littéraire, elle est détentrice d’un Doctorat en Lettres françaises. Spécialiste de poésie (sociocritique) et des études de femmes (EFH : Égalité femmes/hommes), sa thèse a porté sur la poésie des femmes d’Afrique francophone.
En 2004, elle remportait le Prix Trillium de poésie pour son recueil Avec tes mots. Son 5erecueil,Yennenga est sorti en librairie au mois de février 2012. Elle anime une chronique socio-politique et culturelle dans le bi-hebdomadaire L’Événementipublié au Burkina Faso.
Note
i L’Événement, bi-hebdomadaire d’informations publié au Burkina Faso est spécialisé dans le journalisme d’enquête (url. www.evenement-bf.net)