23 décembre 2022 5 23 /12 /décembre /2022 15:16

Calendrier du matrimoine poétique 2022 & N°12 | Poémusique des femmes & genre | Dossier mineur | Articles & témoignages

 

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​​​​​Quelques lignes sur les notions de

 

« Matripoétique » & « Patripoétique »

 

de mon dictionnaire en construction

 

 

 

 

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Dina Sahyouni

 

Poéticienne, éditrice, fondatrice de la SIÉFÉGP

& de ses périodiques

 

 

 

Crédit photo : "Mother Goddess" Madhya Pradesh or Rajasthan, India, 6th-7th cents, National Museum of Korea, Seoul, domaine public via Wikipédia.

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La « Matripoétique »/« Matripoetic » et le « Patripoétique »/ « Patripoetic » sont deux nouveaux néologismes issus du suffixe -Poétique et des préfixes Matri- et Patr(i)- des termes latins « Mater », « Pater » et par extension « Patrimonium » et « Matrimonium »). Ces deux concepts du Poéféminisme tentent de déterminer avec précision plusieurs problématiques liées aux concepts du Patriarcat et du Matriarcat, du Patrimoine et du Matrimoine ainsi que tout ce qui relève du père et de la mère, du masculin et du féminin*, des hommes et des femmes**, des masculinités, des virilités et des féminités, de la maternité et de la paternité, de la généalogie, (etc.) et à toutes leurs expressions dans la poésie, la poétique, la réception de la poésie et par expansion dans la littérature et les arts, voire à tout ce qui est considéré comme poétique.

 

Ces notions théoriques nomment ce qui existe déjà. Les « matripoétique » et « patripoétique » appartiennent au « Poéféminisme »/«Poefeminism » et ont été créées par moi (sic Dina Sahyouni) pour nommer, définir et analyser des pratiques et théories poétiques dans l'histoire de la poésie, dans la littérature et dans la poétique en général. Les traces du Pater et Mater comme du Matriarcat et du Patriarcat, du patrimoine et du matrimoine, du masculin et du féminin sont bien visibles dans la poésie, dans la poétique voire même dans le poétique et dans les études, l'histoire de la poésie et de sa réception. L'histoire de la poétique et celle de la poésie n'échappent pas au genre mais bien au contraire, elles en témoignent. Ces traces apparaissent aussi dans les représentations, les processus de la création et dans la genèse d'une œuvre poétique (cf. Le numéro spécial paru en 2014 du périodique Le Pan poétique des Muses ou les nombreuses publications sur la question du genre, de l'anglais gender, en poésie ou dans la littérature).

 

Prenons par exemple la thématique de la mer qui renvoie souvent à la mère chez les poètes ou les poèmes et écrits poétiques qui ont pour thème les pères et mères des poètes ou bien les parents d'autres personnes voire en parlant du matriarcat et de la Déesse mère (la matrice, la vie) ou de la poésie elle-même (voir plusieurs publications de la revue Le Pan poétique des Muses ainsi que le numéro 5 et la Lettre Mers/Mères). En outre, on peut penser aux poètes qui déjouent les féminins et les masculins dans leurs ouvrages...

 

Certaines œuvres poétiques sont ainsi marquées par une matripoétique telles celles de Marceline Desbordes-Valmore, Françoise Urban-Menninger, Camille Aubaude ou de Conceiçã Evaristo… Or, cela fabrique un lien commun ou un fil rouge entre des pratiques poétiques bien différentes tout en  ouvrant de nouvelles possibilités de penser leurs ouvrages et les manières d'en parler.

Bien sûr, la « Matripoétique »/« Matripoetic » et le « Patripoétique »/ « Patripoetic » sont deux concepts pluridisciplinaires et auront de nombreuses utilisations possibles dans les études poétiques, littéraires, artistiques et dans maintes autres disciplines...

 

 

* J'ai déjà consulté le peu de textes disponibles en anglais et utilisant les préfixes latins « Gyno- » et « Andro- » pour former les termes « Gynopoetic » et « Andropoetic » pour désigner entre autres le féminin et le masculin dans la poétique. Je les traduis par « Gynopoétique » et « Andropoétique » tout en me référant au « Matri- » et « Patri- » pour formuler la « Matripoétique »/« Matripoetic » et le « Patripoétique »/« Patripoetic » qui permettent non seulement de renvoyer au féminin et au masculin mais aussi aux systèmes qui en découlent et même aux origines mythiques ou non de la poésie.

** Ibidem.

 

 

© Dina Sahyouni.

 

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Pour citer ce texte inédit du matrimoine poétique

 

Dina Sahyouni, « Quelques lignes sur les notions de « Matripoétique » & « Patripoétique » de mon dictionnaire en construction »Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poéféministes 2022 | « Calendrier du matrimoine poétique 2022 » & N°12 | HIVER 2022-23 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 23 décembre  2022. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no12/matrimoinepoetique22/ds-matripoetique 

 

 

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22 décembre 2022 4 22 /12 /décembre /2022 14:48

Calendrier du matrimoine poétique 2022 & N°12 | Poémusique des femmes & genre | Dossier majeur | Florilège 

 

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​​​​​j’ai une voix en moi

 

 

 

 

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Françoise Urban-Menninger

 

Blog officiel : L'heure du poème

 

 

 

 

Crédit photo : John Singer Sargent, Carnation, Lily, Lily, Rose", Wikipédia, domaine public.

 


 

j’ai une voix en moi

qui m’invite à passer

de l’autre côté des mots

 

 

chaque fois que j’écris

je franchis cette lisière invisible

qui me sépare de moi et de moi-même

 

 

les mots s’y perdent

ma raison s’y égare

mon âme s’y fourvoie

 

 

mais le ciel sur ma tête

m’invite à danser

dans le bleu des songes

 

 

où plus rien n’a d’importance

si ce n’est cette musique

qui me porte et m’emporte

 

 

plus rien n’est essentiel

si ce n’est cette nuit qui s’éclaire

quand le poème surgit

 

 

 

© Françoise Urban-Menninger, 2022.

 

 

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Pour citer ce poème inédit du matrimoine poétique

 

Françoise Urban-Menninger, « j’ai une voix en moi »Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poéféministes 2022 | « Calendrier du matrimoine poétique 2022 » & N°12 | HIVER 2022-23 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 22 décembre  2022. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no12/matrimoinepoetique22/fum-voix

 

 

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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 11:29

 

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​​​​​Petit éclairage de l’œuvre de Maximine

 

 

 

 

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Présentation & photographies  de

Françoise Urban-Menninger

 

Blog officiel : L'heure du poème

 

 

 

Photographie des auteures par

 

Claude Menninger

 

 

 

 

© Crédit photo : Claude Menninger respectivement de gauche à droite : Françoise Urban-Menninger avec Maximine lors de l'une des lectures  de Maximine à Strasbourg.

 

 

Contexte dans lequel cette étude a été réalisée :

 

J'ai lu cette étude consacrée à Maximine (une merveilleuse poète !) à l'Université de Clermont-Ferrand en 2011 dans le cadre du colloque Poésie au féminin organisé par Patricia Godi.

 

​​​​​​La revue Résonances parue tardivement et qui regroupe de très nombreuses interventions réparties sur plusieurs années contient seulement mes poèmes, cet éclairage de l'œuvre d'une très grande dame de la poésie est inédit. Il comporte des extraits de ses recueils et des couvertures de ses ouvrages ainsi qu'une photo prise par le photographe Claude Menninger où nous apparaissons toutes les deux lors de l'une de ses lectures à Strasbourg.

 

 

© Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil de Maximine "Au front des sapins".

 

 


 

Le titre de mon intervention : Maximine, une poésie jubilatoire qui fait chanter l’âme et le corps au féminin dans une parfaite symbiose avec la nature et les quatre éléments résume à lui tout seul une poésie inclassable qui a été saluée par Georges Mounin, puis plus tard par Henri Thomas.


 

Mais avant d’aller plus loin, intéressons-nous à l’auteure

 

Maximine est née le 25 septembre 1952 à Saint-Claude dans le Jura. Maximine, son nom de plume, est aussi son prénom comme il fut celui de sa mère et de sa grand-mère.

Après son baccalauréat en 1970, elle poursuit des études de lettres et obtient son agrégation en 1975, sa vie professionnelle sera par la suite consacrée à l’enseignement, puis aux bibliothèques, principalement à l’Institut National de Recherches Pédagogiques et actuellement à la bibliothèque municipale de Moret-sur-Loire où elle s'enthousiasme, d'après ses propres termes, pour les contes destinés aux enfants.

Mariée au philosophe André Comte-Sponville de 1978 à 1996, elle aura quatre enfants et accueillera une petite fille chinoise. Elle effectuera plusieurs séjours en Chine où ses poèmes sont édités en deux magnifiques livres d’art. Dans les années 90, Maximine donne une nouvelle traduction des grands recueils de Rilke : Les Élégies de Duino, les Sonnets à Orphée et Le livre de la Pauvreté et de la Mort.


 

L'écriture de Maximine

 

Ce qui frappe le lecteur d'emblée dans les recueils de Maximine et qui le ravit tout à la fois, c'est l'usage de la même forme régulière qui parcourt toute l'œuvre et l'irrigue d'un même souffle mais toujours renouvelé. Ainsi dans L'ombre la neige , Quotidienne à son amour , Au front des sapins, Un cahier de Pivoines ou Somme d'amour, l'auteur décline sa rime en douzains et le plus souvent en quatrains d'octosyllabes. Naît ainsi un refrain presque familier qui nous renvoie à la poésie des troubadours et qui nous revient aujourd'hui comme une musique intemporelle tissée de joie et de douleur mêlées qui traverse l'œuvre de Maximine.  Georges Mounin nous le disait dans l'un de ses ouvrages Avez-vous lu Char ?, « La pénétration du poème se fait au hasard des émotions, loin de la logique des ouvrages ».

 

Dans L'ombre la neige, Maximine évoque la mort de sa petite fille et Christian Bobin dans une lettre postface lui écrit : « Votre écriture est un jardin... », et plus loin, « Il y a aussi dans votre livre cette présence simultanée du beau et du terrible, de la voix et du râle. C'est ce qui donne à vos poèmes une joie profonde, une joie réelle, une joie qui n'oublie rien de la douleur comme un fleuve lumineux, toujours inquiet de sa source, toujours s'en souvenant ».

 

Cette joie dans la douleur est proche de celle de l'enfantement et renvoie bien évidemment au travail de l'écriture où vie et mort n'ont de cesse de se côtoyer dans un poème dansé, irrigué par les battements de cœur de l'auteur qui lui donne vie en parfaite symbiose avec les éléments cosmiques.


 

 

 

© Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil de Maximine "L'ombre la neige".

 

 

Les quatre éléments et les quatre saisons

 

Ces quatre éléments nous parlent des quatre saisons de la vie: naissance, adolescence, maturité, vieillesse et font écho bien entendu au printemps, à l'été, à l'automne et à l'hiver et nous parlent de l'eau, du feu, de la terre et de l'air. Car dans les poèmes de Maximine, les quatre éléments cosmiques sont toujours présents, ils fusionnent dans le fond et dans la forme pour se transmuter et libérer une énergie que je qualifierai « d'ivresse jubilatoire qui fait chanter l'âme et le corps au féminin ». Chaque quatrain composé de rimes embrassées est un tout qui contient les quatre âges, les quatre éléments, les quatre saisons. Le philosophe Nicolas Berdiaeff suggérait déjà cette osmose entre la femme et les éléments : « La femme est plus que l'homme liée à l'âme du monde, aux premières forces élémentaires... Les femmes sont prédestinées à être, comme dans Les Évangiles, les porteuses d'aromates ».

 

Voici un extrait de L'ombre la neige :

 

« Si radieuse elle venait

Route bleue nuée d'aubépine

Un bel amour on le devine

Au ciel dedans les yeux qu'il met »

 

Ce « elle », c'est bien évidemment Maximine mais ce « elle » renvoie également à toutes les femmes dont l'auteur semble brandir l'étendard. Ce « elle » qui sonne comme un défi, c'est aussi la femme et l'écriture qui ne finissent par ne faire plus qu'une comme on le verra plus loin. Mais revenons à ce petit quatrain où l'adjectif « radieuse » donne à entendre ou à voir la jubilation à laquelle je faisais allusion, à cette « joie réelle » dont parlait Bobin. L'aubépine dans ces quatre vers nous dit le printemps au sens propre mais symbolise aussi les prémices de la vie. Terre et ciel s'entremêlent dans cette route bleue où

 

« Bien plus qu' heureuse elle marchait

Comme doivent marcher les anges

Et si de tels mots vous dérangent

En voici d'autres: elle rêvait »

 

Nous sommes ici dans le poème qui n'est autre qu'un rêve éveillé mais la réalité est cette douleur qui transperce le cœur du poète qui finit par briser et les vers et le rêve :

 

« Je rêve et si je le pouvais

Je parlerai si beau du monde

qu'une merveilleuse seconde

La douleur de honte en mourrait »

 

Pas d'amour sans douleur, pas de vie sans la mort. Le poème est son tout et son contraire, c'est à dire ce rien qui abolit le temps ou le suspend dans une grâce tout éphémère. Le poème est tout car il exprime notre nature cosmique, Bachelard auteur de La poétique de la rêverie  aurait apprécié sans conteste les poèmes de Maximine et surtout ce vers « Notre sang charrie les étoiles » qui laisse entendre que nous portons en nous l'inconscient du monde minéral, végétal, animal, humain...Nous sommes faits de cette poussière d'étoiles dont nous parle le physicien Hubert Reeves qui nous a appris que notre matière est identique à celle des étoiles mortes. Mais nous sommes également faits de la chair des hommes et des femmes qui nous ont précédés. Tout cela Maximine l'appréhende et nous le chante :

 

« Savoir savoir de quoi l'on parle

Ou de qui parlant de nos morts

Quelle voix nous diffuse encore

L'écho bleui d'astres moins pâles ? »

 

L'interrogation sur notre origine a partie liée avec celle de notre fin. Ainsi chaque vers est une danse où vie et mort se frôlent sans se heurter comme dans le flamenco que Maximine a beaucoup pratiqué et dont on retrouve les accents déchirants dans  Un cahier de pivoines .

Dans ce recueil flamboyant, les pivoines éclatantes de couleur sont filles du désir « Et de la merveille d'être vivant ». Ces pivoines crient l'amour fou, hurlent à la mort, elles sont filles et sœurs de la jouissance et du désespoir.

 

« Chacune chantre d'un amour

Chacune chantier d'une extase

Elles jubilent puis s'écrasent

Le printemps sera de retour »

 

On l'aura à nouveau compris, la jubilation porte en elle l'épine de la désespérance. On songe à Georges Brassens et au poème d' Aragon: Il n' y a pas d'amour heureux .

Mais quand l'amour vibre, alors le poète est au diapason du monde et sa force vive transparaît dans chaque vers. On entend, on voit Maximine danser le flamenco et avec elle le choeur des femmes qui l'ont précédée dans l'écriture. On pense au bel hommage que lui fit l'écrivain Paul de Roux qui écrivit : « De nos jours dans la filiation conjuguée de Louise Labé et d'Edith Piaf, se fait entendre une voix tour à tour passionnée ou plaintive, dont l'un des mérites est de se ficher éperdument des modes littéraires ». Dans Un cahier de pivoines, Maximine écrit comme elle danse jusqu'à l'ivresse, jusqu'au vertige. Une majuscule en plein vers et on l'entend frapper le sol de son talon comme on le fait pour marquer le rythme dans le flamenco car elle nous le dit, elle nous le confie, il faut faire vite, l'amour n'a qu'un temps....

 

« Pivoines affolées d'extase

Il faut faire vite Le temps

N'a qu'une lampée de printemps

À consacrer à leur grivoi-

series de filles éperdues

Rosies rougies de leur audace


 

Audace de la pivoine ou de la femme désirante mais également audace de l'auteur qui coupe un mot en deux à la fin d'un quatrain pour en lancer un autre avec le reste du mot, Maximine saute d'un quatrain à l'autre, d'un pied sur l'autre au sens propre et au sens figuré et rougit de son audace comme une pivoine...

 

 

© Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil de Maximine "Un Cahier de pivoines"

 

Le corps de la femme poète qui danse et l'écriture s'interpénètrent dans un ballet nuptial où les pivoines n'en sont que le prétexte au sens littéral du terme et Maximine d'avouer dans un vers où les mots dans le fond et la forme fusionnent dans une belle allitération : « – C'est mon amour qu'elles me nomment ». Ainsi les mots se mettent à danser sur le papier, la calligraphie, la ponctuation, les majuscules au milieu d'un vers participent au rythme qui est tout à la fois visuel et auditif. Le vers est scandé tel un corps en mouvement perpétuel car, et Maximine, nous donne la réponse dans un quatrain de  Somme d'amour, sa poésie et elle ne font qu'un :

 

« Vous vous demandez qui elle est

Cette femme criant Je t'aime

Mais elle est la poésie même

son désespoir et ses secrets »

 

Dans  Somme d'amour, toujours,son dernier recueil, Maximine écrit, et dans le même temps, chante le temps d'écrire car encore une fois l'amour et l'écriture participent d'un même élan et disent ce même bonheur d'être au monde en phase avec le cosmos.

 

« Elle est à soi-même son bouquet

Couronnée d'un été qui chante

Elle va tout désir allante

Et le poème ainsi se fait


 

Les mains pleines de ton attente

Elle n'a rien à t'apporter

Cœurs et pas mêmement légers

Que ces mots de femme vivante


 

Elle n'a rien la bienvenante

Qu'à toi cette joie de venir

D'autres baisers et dire

Ce chant d'un matin d'une amante »

 

Dans Un cahier de pivoines, Maximine exulte et s'écrie :

 

« Balafres faites aux jardins

Par une faux rouge démente

– Je suis fière d'être une amante

– Je suis fière de n'être rien »

 

Le mot est prononcé, Maximine est une éternelle amante et son écriture est celle d'une femme désirante qui danse sur cette lisière où vie et mort se côtoient. Femme incendiaire et incendiée, elle se brûle aux feux des mots et de l'amour, elle renaît sous la cendre en hiver quand elle évoque son Jura natal dans son recueil Au front des sapins et qu'elle s'écrie que la neige est son écritoire, elle ira même jusqu'à employer le mot de « parenté » quand elle parle des sapins.

 

« Sapins comme mon écriture

Songes en lignes rangés fous

D'azur d'azur et d'hivers où

La neige et le silence durent


 

Fous de droiture et de beauté

De rectitude et de mystère

J'ai vécu sous verte bannière

Fière de notre parenté


 

Sapins quand je ne serai plus

Qu'une pierre dans la vallée

A mes fils au temps vous direz

Le songe en vous que je vécus...

 

Ainsi Maximine confirme sa parenté avec les sapins, les pivoines, elle est bien en symbiose avec cette nature qu'elle affectionne et dont elle nous confie qu'elle est faite. L'hiver, le printemps, l'automne, l'été la transportent tout entière dans une fête des mots où naît le poème et dans  lequel, elle s'incarne corps et âme.

 

Je reprends ici le bel hommage de Paul de Roux qui écrivait encore à propos de Maximine que « son écriture est aussi virtuose et élégante que celle de Louise Labé, aussi puissante et émouvante que la voix d'Edith Piaf ». C'est dire  encore une fois que la voix de Maximine porte en elle d'autres voix, celles des femmes poètes qui l'ont précédée mais également celles de sa mère et de sa grand-mère qui ont toujours rêvé d'écrire et dont  elle porte le prénom saluant ainsi ces femmes du silence qui vivent en elles et à travers elles. Le poème devient ainsi le lieu où la « féminitude » de Maximine peut tout entière s'exprimer sans fard, c'est le lieu intemporel d'une liberté revendiquée dans le texte même où l'écriture se plie à sa joie, sa colère, sa peur jusqu'à devenir une peau vivante qui frémit sous les mots.


 

Si Maximine conjugue toutes les voix de femmes dans ses vers, elle est elle-même toutes ces femmes qu'elle chante et fête. Elle a été la petite fille aux « sapins hantés » ou « aux sapins de capes et d'épées » qui ont crénelé le ciel de son enfance ou encore l' « écolière d'un horizon/ Découpé dans du coton vert », c'est vers eux qu'elles se tournent pour évoquer sa mort car de son enfance « elle a gardé les cailloux en poche » :

 

« C'est Noël une fois encore

Combien m'en reste-t-il à vivre? »

(Au front des sapins)

 

Et quand vient l'adolescence, puis la maturité, l'Amour avec un grand A est décliné sur tous les tons: celui de la provocation, de la revendication, de l'unique raison de vivre. Cette aspiration à l'Amour sous-tend tous les textes. L'amour est à la fois l'aspiration et l'inspiration qui donnent sens, si l'on peut dire, à l'éternelle amante de la vie. Voilà comment on peut entendre la musique de Maximine qui déclare elle-même qu'elle est une chanson :

 

« Ils diront c'était une femme

Et moi j'étais une chanson

Comptant à mes doigts les saisons

Et mes amours dans les étoiles ».

(Somme d'amour)

 

Le doute n'est plus permis, Maximine traverse la vie avec une rage de vivre et d'aimer qui implosent dans  sa poésie. Le titre de l'un de ses recueils Quotidienne à son amour éclaire  cette oeuvre qui fait fusionner l'âme le corps et l'écriture dans une exaltation sensuelle où la couleur rouge de la pivoine renvoie à celle du flamenco, à celle du sang, de la peur, de la colère ou de la folie. Mais la chute n'est jamais loin, l'écho de sa propre mort hante chaque vers de Maximine, le bonheur est un vain mot, il n'y a que le désir éperdu d'amour jamais assouvi que seul le poème peut prolonger dans un cri infini et qu'elle qualifie de « parcelle d'incendie » dans Un cahier de pivoines.

 

« Voici mars et moi j'attends mai

Pour voir les pivoines fleurir

Je ne veux pas avant mourir

D'en avoir fait d'autres bouquets


 

Les pousses sont déjà sorties

Bordeaux comme les vins de fêtes

Ah pivoines ce que vous êtes

Est reflet de ce que je suis


 

Pas grand chose une joie de vivre

Et de s'ébouriffer au vent

Une rouge peur en sachant

Qu'aucun amour ne vous va suivre »

 

Pour conclure cette modeste approche de l'œuvre de Maximine qui mérite bien plus que ce petit éclairage mais qui, je l'espère, aura su  retenir votre intérêt, je terminerai par la lecture d'un poème de Maximine tiré de Somme d'amour qui contient toute l'essence et la fragrance de sa poésie. J'ajouterai avant cette lecture la remarque de George Mounin qui a aimé la poésie de Maximine  et qui a écrit « Ce n'est pas parce que tel langage est éternel qu'il y a poésie, c'est parce qu'il y a poésie qu'il devient éternel ». C'est bien l'émotion qu'il faut éterniser et non la matière linguistique et de donner une définition du poème que je reprends ici : « Langue de la grâce comme il est celle de l'amour, et parce qu'il est celle de l'émotion, tout poème n'est peut-être au fond qu'un bonheur décrit dans sa propre langue ».

 

 

 

© Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil de Maximine "Somme d'amour".

 

 

Voici pour clore cette présentation, ce dernier poème :

 

« Semeuse au panier d'étoiles

Elle va jetant gaiement

Dans l'oubli la nuit le vent

Ses mots d'astre et de cigale


 

Oublieuse être une femme

Elle voudrait ne rester

Que ces pages étoilées

D'encre bleue C'était son âme


 

Peut-être même elle veut

Elle qui aimait danser-

Qu'on brûle tout ce papier

Qu'elle en reste que le feu »

 

 

 

 

© Françoise Urban-Menninger

 

 

Bibliographie

 

I. Ouvrages écrits par Maximine

 

Poésie

 

Alphabètes, Quintette, 1986

Fablier, Quintette, 1987

L'ombre la neige, Arfuyen, 1991

Poèmes Nue, Tétras Lyre, 1995

Quotidienne à son amour, Paroles d'Aube, 1998

Un cahier de Pivoines, Arfuyen, 2002

Les Visiteuses, suivi de Quelques Lilas, Maison de Poésie, 2003

Au front des sapins, Arfuyen, 2005

Somme d'amour, Arfuyen, 2010

 

Livres d'art

 

Les yeux précieux, suivi de Litanies du Feu en 1996

Dits de la Folie des Pivoines, 300 exemplaires avec 39 reproductions d'aquarelles différentes

Ces deux ouvrages réalisés dans des coffrets de soie ont des attaches d'os à la façon chinoise et sont illustrés par Chen Jin He et Toulet Miziamuk

 

Traductions

 

Les Élégies de Duino, de Rainer Maria Rilke, Actes Sud, 1991

Les Sonnets à Orphée, de Rainer Maria Rilke, à paraître aux Éditions Arfuyen

 

Revues : Paroles d'Aube, Arpa, Critique, Poème 93, Caravanes, Le Coin de Table, Les Heures, Florilège, Casse, La Revue Alsacienne de Littérature

 

Sitographie

 

Site du Printemps des Poètes

Site d'Arfuyen

Site de Poezibao


 

II. Ouvrages de référence

 

Gaston BACHELARD, La poétique de la rêverie de, Presses Universitaires de France, 1978

Nicolas BERDIAEFF, La signification de l'acte créateur, 1920

Christian BOBIN (postface de) dans L'ombre la neige de Maximine, Éditions Arfuyen, 1991

Dossiers de presse sur les sites des Éditions Arfuyen et Poezibao avec des références à Georges MOUNIN, Henri THOMAS et des appréciations de Paul de ROUX

Georges MOUNIN, La communication poétique, précédé de Avez-vous lu Char ?, Éditions Gallimard, 1969

 

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Pour citer cet article inédit du matrimoine poétique
 

 

Françoise Urban-Menninger, « Petit éclairage de l’œuvre de Maximine »Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poéféministes 2022 | « Calendrier du matrimoine poétique 2022 » & N°12 | AUTOMNE-HIVER 2022-2023 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 13 décembre  2022. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no12/matrimoinepoetique22/fum-sur-maximine

 

 

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5 décembre 2022 1 05 /12 /décembre /2022 17:05

N°12 | Poémusique des femmes & genre | Bémols artistiques | Revue culturelle d'Europe


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Elisabeth Fréring présente ses

 

 « Contes d'automne » à la galerie

 

 Bertrand Gillig à Strasbourg

 

 

 

 

 

 

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Françoise Urban-Menninger

 

Blog officiel : L'heure du poème

 

 

 

 

 

© Crédit photo : Elisabeth Fréring, exposition « Contes d'automne » à la galerie Bertrand Gillig à Strasbourg, image no 1.

 

 

 

Née le jour de Noël en 1955 à Argenteuil, l'artiste est diplômée de l'école Arts Aplicadas y  Officios Artisticos de Valence en Espagne.

 

Les œuvres d'Elisabeth Fréring, dessins et  peintures, ont toutes en commun une impression d'inachevé et de fragilité qui, paradoxalement, nous atteint au plus profond de notre inconscient. Le  poète Yves Bonnefoy ne disait pas autre chose quand il écrivait que « le trait est l'indice de ce qui ne se voit pas ». Et d'ajouter que l'artiste perçoit « une temporalité qui plonge dans un fond sans fond ».

 

 

© Crédit photo : Elisabeth Fréring, exposition « Contes d'automne » à la galerie Bertrand Gillig à Strasbourg, "Sucreries", image no 2.

 

 

 

Cet inconscient collectif dans lequel l'artiste puise son inspiration a partie liée avec les contes de fées. On y retrouve les figures symboliques récurrentes du loup ou d'un animal qui s'y apparente et du petit chaperon rouge qui hantent les labyrinthes de notre mémoire depuis l'enfance. Dans sa « Psychanalyse des contes de fées », Bruno Bettelheim expliquait que les contes plongent dans les parties les plus primitives de notre psyché.

 

Sur un fond blanc virginal, apparaît un loup, la petite fille tout en rose l'observe, entre les deux une fleur sanguine se délite, est-elle le symbole d'une défloration annoncée ?

 

 

© Crédit photo : Elisabeth Fréring, exposition « Contes d'automne » à la galerie Bertrand Gillig à Strasbourg, "Sucreries", image no 3.

 

 

Du fantasme au fantomatique, Elisabeth Fréring joue et se joue des apparences, ses toiles deviennent des lieux d'errance, voire de déshérence.

 

Yves Bonnefoy disait de la poésie qu'elle était « de l'ordre de l'inachevé ». Voilà comment l'on pourrait éclairer la quête d'Elisabeth Fréring qui taille des brèches dans le réel en réenchantant la pensée magique de notre enfance qui ne cesse de travailler dans les abysses de notre inconscient en le questionnant.

 

 

 

© Crédit photo : Elisabeth Fréring, exposition « Contes d'automne » à la galerie Bertrand Gillig à Strasbourg, "Sucreries", image no 4.

 

 

 

Son univers onirique nous donne à voir des silhouettes et des formes à peine suggérées qui nous font signe dans un entre-deux où le non-dit, l'irrationnel, l'obscur et la mort jettent le trouble en le mettant parfois crûment en scène. Le regard s'abandonne dans des paysages rêvés, des robes de baptême nous renvoient encore et toujours dans ce bal de l'enfance où dansent derrière le miroir des apparences, les ombres et les terreurs de nos nuits.

 

 

© Crédit photo : Elisabeth Fréring, exposition « Contes d'automne » à la galerie Bertrand Gillig à Strasbourg, "Les dessous.", image no 5.

 

 

Dans les sous-bois de sa  mémoire et de la nôtre, Elisabeth Fréring lève les lièvres, débusque les pièges cachés  de nos peurs pour nous en livrer les traces et les empreintes dans une écriture picturale qui distille une petite mélodie qui s'inscrit subrepticement dans  notre imaginaire.

 

 

© Françoise Urban-Menninger

 

 

Les illustrations sont proposées par la galerie Bertrand Gillig à Strasbourg, URL : https://www.bertrandgillig.fr/

 

 

***

 

Pour citer ce bémol artistique inédit

 

Françoise Urban-Menninger, « Elisabeth Fréring présente ses « Contes d'automne » à la galerie Bertrand Gillig à Strasbourg » avec des photographies inédites des peintures de l'artiste, Le Pan Poétique des Muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques N°12 | HIVER 2022-23 « Poémusique des Femmes & Genre », mis en ligne le 5 décembre 2022. Url :

http://www.pandesmuses.fr/no12/fum-elisabethfreringcontes

 

 

 

 

Mise en page par David

Dernière mise à jour le 7 décembre 2022 (ajout de deux nouvelles peintures inédites)

 

 

© Tous droits réservés

 

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