N°15 | Poétiques automnales | Dossier mineur | Articles & témoignages | Poéticiennes ou théoriciennes de la poésie
Avant-Propos
Augustine-Malvina Blanchecotte (1830-1897)
Texte choisi & transcrit par
Dina Sahyouni
Crédit photo : Jacek Malczewski, « In Autumn », peinture tombée dans le domaine public, capture d'écran du site Commons.
Parler de poésie en ce temps de prose effrénée ! parler d'un doux poète amoureux de sa flûte tranquille et d'une pauvre haridelle qui n'a rien à voir au concours hippique ! ah, madame ! Que d'archéologie, êtes-vous donc antédiluvienne ?
Non, chers inconnus de qui suis si profondément ignorée, je n'ai rien du tout d'excentrique et je suis une contemporaine. La poésie est la chose éternelle : c'est l'actualité de chaque heure et de toute minute. Vous qui en toute conscience vous croyez épris de naturalisme, eh, bien, au rebours de Mr.. Jourdain qui sans le savoir pratiquait la prose, sans le savoir, davantage vous pratiquez-vous , la divine, l'impérissable, l'inéluctable poésie !
Pourquoi, ô foule anonyme, vous pressez-vous chaque dimanche aux superbes orchestres des grands concerts ?
Pourquoi, dès le premier rayon d'Avril, vous précipitez-vous vers les gares ? Pourquoi battez-vous des mains au récit héroïque d'un beau dévouement, d'un fier sauvetage accompli dans l'angoisse du flot qui gronde, de l'incendie qui monte ?
Pourquoi choisissez-vous pour compagne terrestre l'ange aux yeux bleus qui d'une main offre un lys, de l'autre porte une coupe de miel ? Pourquoi couronnez-vous des rosières ? Pourquoi, aux grands mots d'honneur, de patriotisme, de courage, faites-vous si allègrement le sacrifice de votre vie ? Pourquoi enfin rendez-vous à Victor Hugo les honneurs divins du génie ?
Poésie, poésie, poésie !
C'est-à-dire cette chose sublime, essentielle, vitale qui vous met chaque jour au-dessus de vous-même, au-dessus des instincts vulgaires. Avec cet étendard du Bien et du Beau, la poésie n'a qu'à dire, oui, même en ce temps de positivisme : « qui m'aime me suive, » il y aura derrière elle des multitudes. Ombres de Lamartine, de Béranger, du délicat et poétique Ste Beuve, n'en savez-vous point quelque chose ?
Et voilà qu'en ces lignes rapides je n'aurai rien dit d'Olivier Goldsmith : aussi bien, le rare et célèbre écrivain n'a point besoin d'introducteur. Il va dans cette esquisse se présenter suffisamment lui-même. L'Hermit, le Traveller repose avec sérénité en compagnie des rois ; et de ce Poet's Corner de l'abbaye de West-minister son clair regard sourit aux autres et semble dire à tous ses frères :
Ô doux poète errant,
Épris de songerie,
Dans ce monde si grand
Tu n'as point de patrie ;
Mais que te fait d'ailleurs
La gloire ou sa fumée ?
Tu gardes sous les fleurs
Ta flûte bien-aimée.
Paris, ce 1er Mai 1882.
A. M. BLANCHECOTTE*
*BLANCHECOTTE, Augustine-Malvina (1830-1897), Olivier Goldsmith [par A.-M. Blanchecotte], Paris, Imprimerie BÉCUS et PYOT (124 bis, Boulevard de Vaugirard), 1882, pp.V-VIII/5-8. Cet ouvrage appartient au domaine public et on peut le télécharger par l'intermédiaire du site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.
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Pour citer ce texte de l'aïeule
Augustine-Malvina Blanchecotte, « Avant-Propos », texte choisi & transcrit par Dina Sahyouni de BLANCHECOTTE, Augustine-Malvina (1830-1897), Olivier Goldsmith (1882), Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 15 | AUTOMNE 2023 « Poétiques automnales », volume 1, mis en ligne le 1er décembte 2023. URL.
http://www.pandesmuses.fr/no15/amb-oliviergoldsmith-ap
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