Critique & réception
Jeanne Guizard
Un homme au cœur. Un souvenir vif, d’une rencontre
inoubliable, dans les années 1968 : Christian Bobin
Thebookédition, 2016, 203 p., 6,63€
Site personnel : www.maggydecoster.fr/
Site du Manoir des Poètes : www.lemanoirdespoetes.fr/
Après nous avoir livré sa bouleversante autofiction dans L’amour au fond du puits, Jeanne Guizard nous revient, avec ce livre de souvenirs, entre autres.
Il est des souvenirs qui persistent dans la mémoire jusqu’au dernier soupir. C’est d’autant plus vraisemblable que cela relève de l’affectif, du sentiment amoureux et plus particulièrement chez les femmes, non pas par sensiblerie, mais bien au contraire, tout simplement parce que la maturité affective est plus précoce chez la femme et de ce fait l’élan amoureux peut être plus percutant chez elle. Dans Un homme au cœur, Jeanne Guizard évoque dans les moindres détails ses souvenirs de jeunesse estudiantine dans les années 60 avec Christian Bobin dont elle était éperdument amoureuse alors que ce dernier semblait vouloir prendre le temps de grandir. C’est un témoignage d’affection à un homme qui jadis se cherchait.
Un livre empreint de générosité et de bienveillance. En nous faisant partager son vécu d’étudiante et de femme amoureuse, elle nous transporte dans l’univers de Christian Bobin qu’elle veut nous faire aimer aussi pour ce qu’il est, pour sa grandeur d’âme. Elle nous confesse sa passion charnelle inégalable pour lui, qui paradoxalement, lui paraissait si inaccessible : « Il était près de moi. Son corps me hantait. Jamais aucun corps n’avait ainsi pesé sur moi. Je rêvais que nous roulions dans un tourbillon d’étincelles, pris dans la ronde d’une fête éternelle. » La femme qui souffrait du manque d’amour de son père semblait se languir de l’amour concret de son camarade de Fac qui, ne voulant pas grandir, se réfugiait dans l’enfance, puis dans les livres.
« Il m’avait dit ''je t’aime bien'' », comme un enfant aime bien le chocolat. Lui, il a la famille comme rempart mais quant à elle, elle s’est émancipée très tôt et voulait conquérir l’Amour pour y puiser la force de vivre.
Deux êtres qui s’admiraient, qui avaient des atomes crochus « […] nous rapprochions nos solitudes, nos points de vue, nos regards croisés sur le monde[…] Il voulait toujours se réfugier dans la vie rêvée ».
« Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction », nous enseigne Saint-Exupéry. Chacun d’eux regardait dans la même direction mais ne semblait pas voir les choses de la même manière, ils aimaient être ensemble parce que c’était plus fort qu’eux mais ils s’aiment tous les deux différemment.
Lui, c’est un homme loyal qui aime avec prudence peut-être pour ne pas se laisser déborder et surtout contrarier dans ses visées spirituelles. Elle, c’est une femme sensible dont le désamour du père portait à chercher ailleurs la pièce manquante.
« Tu n’as pas changé, tu es resté fidèle à toi même et tu me donnes toujours la même émotion joyeuse », concède l’auteure.*
* (Ndlr) : Jeanne Guizard est professeure d’arts plastiques après avoir été comédienne, professeure de philosophie et institutrice, elle est romancière et poète également.
***
Maggy de Coster, « Jeanne Guizard, Un homme au cœur. Un souvenir vif, d’une rencontre inoubliable, dans les années 1968 : Christian Bobin, Thebookédition, 2016, 203 p., 6,63€ », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°10, mis en ligne le 23 février 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/guizard.html
© Tous droits réservés Retour au sommaire ▼