Lettre inédite sur l'amour
Lettre à l'être aimé
Sarah Mostrel
Site officiel : www.sarahmostrel.online.fr
Page facebook officielle : www.facebook.com/sarah.mostrel
Mon ami, mon amour
Je ne sais trop ce que nous sommes, mais peu importe finalement les interprétations. Je prendrai, suivant le cas, le registre adéquat : celui d’une relation banale, d’une amitié particulière, d’un amour fou... N’aie crainte, mon ami, si je t’écris, c’est parce que le jour où je t’ai rencontré est l’un des plus beaux de ma vie. Le croiras-tu ? Cela t’effraie-t-il ? Je ne voudrais pas… Mais pourquoi dénier à l’amour ce qu’il fait ressentir ? La vie est un long chemin parsemé d’escales, pas toujours simples. Des étapes voulues ou subies, des cadeaux empoisonnés, des aléas heureux ou tristes. Jusqu’à ce qu’un être vous ébranle, change la donne. Jusqu’à ce présent offert, une fleur qui devient rosée.
Te parler à cœur ouvert, te découvrir a été une joie. Un mélange de saveurs qui m’ont immédiatement séduite, quand d’autres m’interpellaient. J’ai parfois encore du mal à te cerner, toi l’homme aux boucles blondes caché derrière des lunettes noires, avec cet air de rien n’y faire tout en en n’ayant pas l’air. Je t’observais en ce jour d’avant l’été dans cet hôtel à Monaco. J’identifiais un homme d’affaires, un quadra qui avait un je ne sais quoi d’inhabituel. Était-ce le masque qui dissimulait le visage ou le visage qui avait peine à émerger et crever le déguisement ? J’engageai la conversation sans trop savoir à quoi je m’attendais. Tu as immédiatement été disponible pour moi, généreux. Tu t’es joliment prêté au jeu, tu m’as dévisagée. C’est toi soudain qui voulais en savoir plus. La conversation s’est emballée. Et tu m’as emmenée dans ce musée près de la mer. Tu m’as expliqué les secrets de tes maîtres. Ton engouement, ton enthousiasme étaient profondément émouvants. Après la visite, nous sommes allés déjeuner dans un restaurant que tu connaissais bien. Tu m’as embrassée. Était-ce une illusion ? Les nuages avaient disparu, le ciel se faisait translucide, l’attirance était perceptible. J’oubliais ce qui m’avait laissée perplexe. Tes contradictions m’intéressaient au contraire. Je discernais un panache de sensibilité, de vieilles idées, un certain conservatisme mêlé d’un progressisme quelque peu paradoxal, mais tu me convainquais de leur possible alliance. Tu évoquais l’art dont tu étais épris et me narrais comment tu l’avais savamment introduit dans le monde de l’entreprise. J’étais attentive à chacun de tes arguments. Ta passion, tes intonations te dotaient d’un charme irrésistible. Quelle agréable surprise que ton être avec qui se créait une connivence avant l’heure, une entente au-delà du commun !
Je t’ai pris la main et tu m’as enlacée. J’étais follement attirée par toi. La soirée s’est terminée aux chandelles, dans ta maison. Je m’y sentais bien. Notre première nuit d’amour a été fulgurante. J’ai aimé être dans tes bras, j’ai aimé ta douceur, j’hésitais sur ta retenue première, j’avais peur de te brusquer, je ne savais pas trop comment réagir, mais le contact avec ton corps m’a rassurée. Puis tu m’as prise dans tes bras, langoureusement, fougueusement, alternant les manières, et tu m’as mise à l’aise, attentif à mon plaisir… qui a vite explosé. J’étais heureuse, joyeuse de tes sourires. Nous avons fait l’amour encore trois fois. Tu étais un vrai mercenaire, un guerrier enchanteur, et en même temps, tu avais l’air d’un ange. Je me suis ensuite endormie, épuisée mais sereine, comblée de jouissance. Comment as-tu toi passé la nuit ? Si l’on pouvait savoir ce que l’autre ressent au moment où l’on tombe amoureux, on serait soulagé. Tout cela est allé si vite ! En un instant, mon monde a basculé. L’élan était si fort, ta peau était si en écho avec la mienne que je n’aspirais qu’à ce qu’elle me colle de nouveau. Assemblé, le morceau de puzzle manquant avait en un instant annihilé la déchirure… d’antan.
Au petit matin, le désir nous a repris. Et nous avons joui encore. Je me réveillais d’un sommeil paisible. Un flux de pensées m’avait projetée hors contrôle. Dans un espace qui était notre antre. J’étais ta petite femme. Et je me mouvais dans tous les sens. Nous vivions ensemble désormais. Conjointement, nous assouvissions notre passion artistique. Tu dessinais les plans de la ville en suspens, je décrivais les mondes qui l’habitaient. Tu illustrais de lumière les pans et les fenêtres des appartements que tu concevais, tandis que j’étudiais de près les ressentis de leurs habitants pour mieux cerner les âmes, ouvrant les volets de la conscience. Nous étions proches. Tes enfants venaient nous rendre visite à chaque vacance scolaire. Je les avais adoptés immédiatement, j’étais heureuse de les recevoir, je les chouchoutais, éblouie par votre ressemblance. Tout ce qui est issu de toi me touche terriblement…
Je chérissais le temps, je savourais tes baisers, j’aimais quand tu me surprenais à mon bureau et que tu m’embrassais au détour d’un regard. Ta chaleur m’était bonne. La créativité ne me quittait plus. Je ne cessais de composer. Ainsi s’écoulaient les jours, pleins et magnifiques, tandis que nous nous laissions porter par la vie belle, qui en retour, nous emportait, impatiente, fougueuse, tissant ce lien qui devenait indéfectible. Le bonheur nous réussissait. Nous voyagions souvent, nous retrouvant ici et là, sous notre bonne étoile, à la belle étoile. Te souviens-tu cet hôtel où tu m’avais emmenée une fois ? Le groom nous avait, par sa préciosité, tant fait pouffer de rire ! Le fou rire nous avait terrassés. J’étais emplie de toi.
Le quotidien était riche, tu alimentais ma fantaisie, tu étais l’acteur de mes mots, ton amour me portait loin dans l’expression du monde. Mes écrits, enfin, prenaient sens. Le passé n’était plus que trace, il s’estompait sensiblement, il n’était plus qu’expérience, celle qui précède à la maturité.
Le sentiment gagne nos âmes, épanouit nos corps, réjouit nos esprits. Quand il s’emplit de la vérité, n’est-ce pas cela, mon ange aux cheveux d’or, l’amour fou ? Tout retourne à sa place. La vie est un chemin le long duquel les embûches nous avaient figés, mais le philosophe, le poète, l’architecte, savent gérer les obstacles. Il suffit d’un hasard finalement pour tout changer. Se trouver au bon endroit, au bon moment, dans la bonne posture, dans la même phase. Je ne m’y attendais pas. Toi non plus. Mais ainsi orienté, l’amour ne demande qu’à faire son œuvre…
L’ascension personnelle, intellectuelle et spirituelle dépassent de loin la réussite matérielle. Elle s’édifie au rythme du cœur qui bat la chamade. Le reste n’est plus que paraître, convention sociale ou autre diversion. La vie sans complicité, considération, confiance, écoute, est un ensemble vide que seul le bonheur peut colorer. Qu’est-il sans cette relation essentielle que des bras éphémères ne peuvent assouvir ? Lui seul freine la course éperdue et lui donne sens lorsqu’elle n’est plus…
Je m’avance, quitte à rêver, fantasmer, perdre. Je m'écarte de l’intermittence, j’oublie les rendez-vous fugaces, dépourvus de magie, absents de l’intensité que solidifie le sentiment. Tu es le plus inestimable trésor que la terre ait engendré sur ma route. Alors je t’attends, mon amour, pour la vie chérie, honorée. Je t’attends dans tes détours, dans ton silence, dans tes velléités complexes. Je t’attends parce qu’il n’y a pas de fin, il n’y a pas d’étapes, il n’y a que la sincérité des émotions. Je t’attends, loin de la peine, loin des chimères, loin de l’impossibilité. Renoncer serait céder à l'absence, la banalisation, la dérision. Fuir, c’est s’aliéner, me priver de ta joie, celle de t’avoir rencontré. Si l’homme était fini, s’il avait tout réglé, ce serait triste. Alors je choisis définitivement le registre de l’amour… fou.
© Sarah Mostrel
***
Pour citer ce poème en prose
Sarah Mostrel, « Lettre à l'être aimé », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°10, mis en ligne le 2 mars 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/lettre.html
© Tous droits réservés Retour au sommaire ▼