14 avril 2021 3 14 /04 /avril /2021 10:44

 

Événements poétiques | Megalesia 2021 | Chroniques de Camillæ | Revue culturelle d'Europe 

 

 

 

 

 

 

Adieu Philippine

 

 

 

(film de 1962) 

 

 

 

 

 

 

 

 

Camille Aubaude

 

Site & blog officiels :

www.lamaisondespages.com/

 

https://camilleaubaude.wordpress.com/

 

 

 

 

C’est magique de voir enfin Adieu Philippine (1962), une merveille de délicatesse et d’intelligence sur ce qu’on appelé à la génération suivante les « rapports homme-femme ». Le rythme des plans, l’emploi de certaines musiques m’ont ravie. Ce film que les enseignants de cinéma de La Sorbonne citaient souvent avec admiration est resté dans les mémoires parce qu’il expose l’avant de l’abominable guerre d’Algérie, le départ d’un jeune homme, chair à canon, qui est amoureux de deux femmes. 1958. Les critiques Serge Daney et Serge Toubiana dont je suivais les cours pour mon diplôme de cinéma à Censier en 1977 construisaient leur théorie de la Nouvelle Vague. Puis Jean Doucet à Jussieu. Des séminaires très à la mode… Et pourtant sans youtube, je n’aurais jamais vu Adieu Philippine, cette construction d’émotions autour du nom d’une femme, aussi vrai qu’inventé. Sans la Toile mondiale, personne ne retrouverait la vision subtile, naturelle et aimante de Jacques Rozier. La liberté et la gratuité se disent de la même façon au pays de Lady Gaga et Mister Google. Mais ne soyons pas dupes, les films « à petits budgets » du cinéma français vont rapporter des abonnés. 

 

 

 

Du côté d’Orouët de Jacques Rozier (1973), tourné en Bretagne bien après Adieu Philippine, est une suite de saynètes, comme une suite de pièces de musique dans la même tonalité. Pas de sketchs, pas d’emphase, pas de numéros d’acteurs chauffés à blanc, mais beaucoup de tendresse mêlée à cette nostalgie au sens littéral de « retour ». J’ai éclaté de rire à certaines scènes qui touchent en fait les esprits éduqués à l’analyse de film. Les trois jeunes femmes qui rient pour un rien et orchestrent une variation de sons sur le mot « orouët » sont inoubliables, parfaites, fraîches, aux antipodes de la lourde artillerie des « big » et autres « méga show » qui ont prouvé leur incapacité à affiner le goût. La mièvrerie, les coups de poings à l’estomac de la production culturelle invasive incitent à réfléchir au constat d’E. A. Poe, traduit par Baudelaire : « Autrefois vivaient des êtres harmonieux, mais maintenant, on voit de grandes formes discordantes à travers les fenêtres et une hideuse multitude se rue éternellement, qui va éclatant de rire ne pouvant plus sourire ».  (La Chute de la Maison Usher, je cite de mémoire).

 

Or-rouët, orouuuu-ëtte nous mène en riant à la ferme du Groët, et j’ai encore éclaté de rire au plan de la scène suivante : l’écran noir ( le « schwartz ») avec la lampe torche au milieu braquée sur la caméra. Enfin quelqu’un qui sait ce qu’est le cinéma, et le pratique sans se plier au formatage des circuits commerciaux, même si c’est eux qui gagnent par la force.  

 

J’ai éclaté de rire, hélas, parce que mon indépendance d’esprit est noyée dans ce qu’on nomma au XIXe siècle « le flot de merde industriel », et à présent « l’ère du vide », aux conflits d’intérêts qui encouragent la vulgarité et la médiocrité. J’ai donc une telle béance, qui me fait dériver sur la Toile universelle, que je ne sais plus qu’empiler sans délicatesse les objets culturels, au lieu de m’en nourrir pour être utile. Le fait de bénéficier de mes cours de cinéma à Censier, donc d’un diplôme de cinéma, est un filet de sauvetage, alors que la grande épuisette maniée par les trois femmes du film de Rozier pour pêcher d’inexistantes crevettes sert à prendre l’homme dans ses filets, lui procurant un stress énorme. Après l’ennui, près d’une plage vide, les filets de l’épuisette prônent une injustice ahurissante. Ils dévient les meilleures intentions de l’être humain. Bernard Menez cuisine pour rien, le frigo est vide, et comme nous, spectateurs de youtube, il sait qu’il « est pris pour un imbécile ».

 

Cette veine artistique sans vanité doit maintenant prouver son ancienneté. Je suis tentée de l’appeler « le poème de la femme », initié par les dessins de vulves de la grotte Chauvet (art de moins trente-six mille ans) au « Chant du grillon de Marceline Desbordes-Valmore » (« laissez chanter mon grillon »). Elle crée les films de Jacques Rozier. Sont-ils promis aujourd’hui à un avenir planétaire, dont les mirifiques jeux de miroir dans les écrans représentent aussi bien une braderie qu’un nouveau commerce ?*

 

 

 

 

 

* Les « Chroniques de cinéma de Camillæ » sont publiées par la revue 

Le Pan Poétique des Muses (LPpdm) et La Maison des Pages éditions sous le titre Cinévita (Paris, 2020), ainsi que sur le blog :

https://camilleaubaude.wordpress.com

 

 

Voir aussi :

 

 

 

***

 

 

Pour citer cette chronique 

 

Camille Aubaude, « Adieu Philippine (film de 1962)  », texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'autrice, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques Événement poétique|Megalesia 2021, mis en ligne le 14 avril 2021. Url : 

http://www.pandesmuses.fr/megalesia21/ca-adieuphilippine1962 

 

 

 

 

Mise en page par Aude Simon

 

 

© Tous droits réservés 

 

 

Retour à la Table de Megalesia 2021 

LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Megalesia Cinéma

Bienvenue !

 

LE SITE « PANDESMUSES.FR » DEVRA BASCULER EN HTTPS DÈS LA FIN DE SA MAINTENANCE ET LE COMPTAGE DE SES PAGES À ACTUALISER. CELA PRENDRA DES MOIS VOIRE UN AN. NOTRE SITE AURA AUSSI UN THÈME GRAPHIQUE UN PEU DIFFÉRENT DU THÈME ACTUEL. POUR UNE MAINTENANCE À COMPTER DU 20 OCTOBRE 2023. CETTE OPÉRATION POURRAIT PERTURBER VOIRE RALENTIR LA MISE EN PAGE DE NOUVEAUX DOCUMENTS. MERCI BIEN DE VOTRE COMPRÉHENSION ! 

Rechercher

Publications

Dernière nouveautés en date :

VOUS POUVEZ DÉSORMAIS SUIVRE LE PAN POÉTIQUE DES MUSES  SUR INSTAGRAM

Info du 29 mars 2022.

Cette section n'a pas été mise à jour depuis longtemps, elle est en travaux. Veuillez patienter et merci de consulter la page Accueil de ce périodique.

Numéros réguliers | Numéros spéciaux| Lettre du Ppdm | Hors-Séries | Événements poétiques | Dictionnaires | Périodiques | Encyclopédie | ​​Notre sélection féministe de sites, blogues... à visiter 

 

Logodupanpandesmuses.fr ©Tous droits réservés

 CopyrightFrance.com

  ISSN = 2116-1046. Mentions légales

À La Une

  • AUTOMNE 2024 | NO IV | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941)
    BIENVENUE À NOTRE NOUVELLE DIRECTRICE DE PUBLICATION ( DE L'ENSEMBLE DE NOS PÉRIODIQUES) QUI REMPLACE DINA SAHYOUNI L’ÉDITRICE INDÉPENDANTE SARAH-MARIE DEREZ À QUI NOUS SOUHAITONS UNE BONNE CONTINUATION ! NOS MEILLEURS REMERCIEMENTS À L’ANCIENNE DIRECTRICE...
  • Faïrouz pour l'éternité
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Dossier mineur | Articles & Témoignages | Poésie, Musique & Arts visuels / Poésie visuelle & Revue Orientales | O | N° 4 | Critiques poétiques...
  • Sophie Brassart, « Geste de toile », Éditions du Cygne, Paris 2024, 49 pages, 12€
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Critique & réception | Dossier mineur | Articles & Témoignages Sophie Brassart, « Geste de toile », Éditions du Cygne, Paris 2024, 49 pages,...
  • Vient de paraître le recueil de poèmes « Nos coutures apparentes » par Imèn MOUSSA
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Invitation à lire | Annonces diverses / parutions & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Varia & Actualité Vient de paraître le recueil de poèmes...
  • Maternité éternelle
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Critique & réception / Chroniques cinématographiques de Camillæ | Matrimoine poétique | Poésie audiovisuelle & REVUE ORIENTALES (O) | N°...
  • 2024 | Charmille de Poèmes pour Toutes à l'École et La Journée Internationale des Droits des Filles
    Ce site basculera sous peu en HTTPS et il risque de changer d'apparence graphique, la rédaction optimisera le nouveau thème ou réajustera les couleurs et la présentation si cela s'avère nécessaire. Nous vous remercions pour vos patience & indulgence ! Venez...
  • La vie japonaise
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Florilège | Matrimoine poétique | Astres & animaux /Nature en poésie | Presses, Médias, etc. & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Créations...
  • Concours de poèmes engagés & féministes pour le 25 novembre 2024
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Appels à contributions Concours de poèmes engagés & féministes pour le 25 novembre 2024 Crédit photo : Samuel Woodforde (1763-1817), «...
  • Les pieds ont une pointe
    Événements poétiques | Charmille de Poèmes pour Toutes à l'École & La Journée Internationale des Droits des Filles & N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Florilège | Poésie...
  • Biographie de Monique CHARLES-PICHON
    Biographie & publications disponibles numériquement Monique CHARLES-PICHON Agrégée de philosophie, docteur en psychologie, autrice, romancière & poétesse © Crédit photo : Portrait photographique de l’autrice Monique CHARLES-PICHON. Agrégée de philosophie,...