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Portrait & entretien de
Myriam Soufy : Belle et Re...Belle
Propos recueillis par
Entrevue avec
Portrait de Myriam SOUFY : Belle et Re...Belle
© Crédit photo : Portrait de Myriam Soufy.
Myriam Soufy, auteure de Re…Belle recueil de poésies paru aux éditions Arabesques à Tunis en octobre 2019. Elle est principalement et juriste en droit des affaires et a entamé une carrière d’avocate avant de se diriger vers l’enseignement et la recherche. Après une expérience politique en tant que membre élu du bureau des jeunes démocrates en Tunisie puis responsable des conventions dans la campagne présidentielle de Ahmed Néjib Chebbi en 2014, elle a essayé de retrouver sa vocation première, son environnement naturel : l’art. Elle est diplômée du Teatro Studio et participe à plusieurs pièces de théâtre en tant que comédienne, dont la dernière, un solo de danse-théâtre qui s’intitule Tanfissa, dirigé par Marwen Errouine. En tant que plasticienne aussi, elle a participé à plusieurs expositions de groupes avant de prendre le pari de préparer son exposition personnelle « Attrape-rêves » à l’espace Aire-Libre à El Teatro dans la ville de Tunis sans oublier de mentionner qu’elle était aussi active dans plusieurs résidences artistiques. Éprise de voyages, de couleurs et de mots, elle est actuellement en formation en Art-thérapie à l’AFRATAPEM.
Son livre Re…Belle retrace le chemin d’une femme : ses rêves, ses aspirations, ses amours, ses déceptions, ses désirs et ses regrets. Les émotions éprouvées face aux épreuves de la vie mais aussi face à la beauté, la complexité de l’humain et de l’univers. C’est également un appel à la réflexion, au questionnement perpétuel, à la tolérance, à la résilience... Une ode à la vie, une vie débarrassée des diktats et des aliénations sociales.
Re…Belle a été écrit dans plusieurs coins du Monde mais toujours dans l'intimité des sentiments, des espaces et des lieux. Il a été aussi présenté dans plusieurs webinaires organisés notamment par l’Institut français de Tunis, Médina Book Club, à la maison d’édition Arabesques, à l’occasion de la foire du livre tunisien et à la Fnac à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. En 2021, Re…Belle a été présenté dans le cadre d’un festival de poésie Portugais Ronda Leiria Poetry Festival et autour d’une table ronde virtuelle « Migra » qui a été organisée par Léonardo Tonus dans le cadre d’une rencontre entre des écrivains, des artistes et des chercheurs de tous les horizons issus de la société civile et dans une initiative de travailler sur les nouvelles configurations de la migration.
Plusieurs textes de Re…Belle ont été lus dans des festivals notamment à l’occasion de La Nuit de la Poésie : événement organisé par l’Institut français de Tunis avec la coopération de l’Institut du Monde Arabe.
Une autre séance dédicace du recueil Re…Belle au stand des éditions Arabesques a eu lieu à la Foire Nationale du Livre Tunisien à la Cité de la Culture à Tunis du 17 au 27 juin (de 9h à 19h) et les autres dates seront communiquées sur ses réseaux sociaux. Et pour commander Re…Belle, vous pouvez consulter ce lien : https://www.ceresbookshop.com/fr/?fbclid=IwAR0qI1fj7bAWRi_nY_oGcgSKjqA22liRVdDyOLBkx1Imgx_dz-VNkefcFVo.
Pour découvrir ses créations artistiques, ses collages, ses photos, ses textes… voici son compte Instagram :
Myriam.Soufy
Entretien
1 – Bonjour Myriam Soufy, je suis très ravie de vous rencontrer dans le cadre de cet entretien ! Comment peut-on présenter un parcours aussi riche et inspirant d’une jeune et belle femme comme vous à nos lecteurs ?
MS – C’est loin d’être un parcours typique je l’avoue, il porte plus les notes d’une errance existentielle, que d’un chemin tracé dès le départ avec une ligne d’arrivée. C'est plutôt une quête, une quête d’inspiration, de création. Une curiosité insatiable de la vie dans toutes ses dimensions scientifiques, humaines, politiques, sociales, spirituelles et artistiques. Un choix d’échapper au déterminisme, d’ouvrir l’espace de mon cœur à mes passions, de me laisser porter par toute expérience pouvant se présenter à moi et de prendre le risque ou peut-être le bonheur de la vivre pleinement.
2 – Y-a-t-il une divergence ou une convergence entre la poésie d’aujourd’hui et d’autrefois partout dans le monde et particulièrement en Tunisie ? Selon vous, quelle filiation et quelle innovation ? Peut-on parler d’une rupture ou d’une continuité ?
MS – Il faudrait que je sois un peu plus outillée pour répondre à cette question ou du moins d’avoir une vue holistique des courants poétiques dans le Monde ou même en Tunisie. Mais je pense que ce qui caractérise la poésie c’est cette nécessité de dire, de se révolter, de brandir ses mots comme une arme de construction, de questionnement, de ré-enchantement. C’est peut-être en cela que la poésie s’inscrit dans la continuité. Quant à l’aspect innovant, il se situe à mon humble avis au niveau stylistique, en cette forme plus libre, plus imagée, une forme qui est en rupture avec la poésie classique tout en gardant un certain rythme, une certaine musicalité.
3 – Naviguer entre la poésie, le théâtre, l’art, la peinture, la recherche scientifique dans le domaine juridique, l’engagement dans la société civile… ; qu’est-ce que tout cela peut encore nous dire sur le rôle des femmes dans la société par l’art et la culture ?
MS – Je pense que la femme doit occuper l’espace publique sans attendre qu’on daigne lui offrir une place et je suis, aujourd’hui, fière et heureuse de voir tout ce chemin parcouru par les femmes dans mon pays, que ce soit dans le domaine scientifique, politique, artistique ou sportif, même s’il reste encore beaucoup à faire au niveau de certaines mentalités patriarches mais également au niveau des textes de lois où certaines inégalités persistent, je pense notamment à la liberté de choisir son conjoint ou à l’égalité successorale sans oublier évidemment la situation précaire des femmes rurales.
4 – Comment pouvez-vous nous décrire ce passage de l’écriture intime à l’édition pour être lue et dévoilée par la foule ?
MS – Quant à mon parcours, disons qu’il découle de la volonté de passer de l’étude des textes de lois, de leur philosophie, de leur genèse à leur application dans mon quotidien. Tout mon parcours s’articule autour d’une pierre angulaire qui est l’égalité, la liberté et la dignité. Ma formation juridique m’a permis d’acquérir les bases légales, la rigueur, le souffle. Mon expérience politique m’a appris à forger mes armes, à apprendre à recevoir des coups, à défendre mes positions, à débattre, à échanger, à accepter les avis contraires. L’art m’a permis de m’affranchir, de faire bouger les lignes, de dire les choses avec finesse et subtilité.
5 – Qu’est-ce qui a changé en vous après la publication de votre premier recueil et après cette expérience qui n’a pas été facile pour une femme hypersensible et timide comme vous ?
MS – Je décrirais ce passage comme celui d’un passage d’une vie de jeune fille timide, réservée, introvertie à celui d’une femme qui s’affirme dans sa sensibilité, ses choix, son émotivité… Tout un processus de murissement.
C’est une merveilleuse expérience que celle de pouvoir partager ses hésitations, ses peurs, ses appréhensions, mais aussi sa vision du monde, de la vie, de la mort, de la haine, de l’amour avec son lectorat. De recevoir des messages d’encouragements, de sympathie. De se rendre compte qu’on peut inspirer d’autres personnes. On en sort plus forte, plus confiante, moins seule. S’il y a une leçon que mes expériences de la scène ou de l’écriture m’ont appris c’est qu’on a le droit d’être timide, émotif, introverti mais que cela ne doit pas être un handicap pour avancer, pour créer bien au contraire c’est le signe d’une belle sensibilité et d’une authenticité qui gagnent à être dévoilées.
© Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil de Myriam Soufy.
6 – Pourquoi le choix de Re…Belle comme titre avec la segmentation, l’accentuation et la suspension ? Cette toile qui a servi de couverture est à vous aussi ? S'agit-il d’une interrogation socio-politique sur la condition des femmes dans le monde arabo-musulman et sur la manière de ne pas céder aux clichés et préjugés peu importe les temps et les lieux ?
MS – Franchement, je n’ai pas cherché à donner à ce titre toute cette ampleur ou signification. Re…Belle est venu à moi en toute spontanéité alors que mon éditeur me demandait de titrer mon recueil. Il traduit peut-être le sentiment que j’ai eu à cet instant précis, un sentiment de m’être sentie belle à nouveau grâce à la rébellion de mes mots... Une sorte de renaissance de la petite fille rêveuse en moi que j’avais abandonnée quelque part, un jour sans me retourner. Quant à la couverture, oui elle est de moi, elle traduit cet assemblage de couleurs, d’images, de mots, de choses improbables auxquelles j’aime redonner vie sous une autre forme, une sorte de pied de nez au déterminisme et à la finitude qu’on retrouve également dans ma poésie
7 – La poésie a-t-elle la possibilité de créer une conception plus libre des mots et des liens avec le monde et avec les autres ? Permet-elle de s’épanouir en ayant les yeux ouverts sur les réalités ou de s’évanouir pour mieux rêver, s’évader et s'éloigner ?
MS – La poésie est pour moi un trait d'union entre la réalité et le rêve. Un poète c’est avant tout un être sensible à son environnement, à la société dans laquelle il évolue, au monde qui l’entoure avec tous ses aléas. La poésie est une sublimation de son ressenti, un écho à la réalité qui l’écorche, une porte ouverte sur le rêve, l’ailleurs, le merveilleux, l’utopie ? Un cri du cœur pour dire qu'une autre voie existe, il suffit d’ouvrir les yeux.
8 – Avez-vous lu ou intégré quelques textes de votre recueil Re...Belle dans des pièces du théâtre comme vous avez fait avec vos tableaux ? Si oui, pensez-vous présenter vos pièces dans le monde francophone puisque vous écrivez en français ? Si non, pensez-vous à le faire ou à écrire en arabe classique ou en Derja ?
M.S – Pour « Tanfissa » qui veut dire « Bouffée d’air » en français de Marwen Errouine (un interprète-chorégraphe et metteur en scène tunisien), par exemple, ce n’est pas tant les textes qui ont été intégrés mais le processus d’écriture, l’histoire de cette femme qui n’arrive pas à réaliser ses rêves parce qu’elle est prise dans le tourbillon d’un éternel recommencement qui l’empêche de dépasser ses peurs et ses angoisses. D’autres textes ont été intégrés dans des pièces de théâtre mais ce sont des textes qui ont été écrits spécialement pour ces pièces notamment en Derja (l’arabe tunisien). Sinon oui, nous espérons que notre pièce prend son envol ici, dans le monde francophone et pourquoi pas ailleurs. Nous sommes en train de travailler sur ça et nous croisons les doigts.
9 – Avant de vous lancer dans l’aventure de l’écriture et de l’édition, quelles étaient vos intentions et ambitions majeures ? Quelle idée avez-vous ou avez-vous construit sur et autour de la poésie tunisienne d’expression française d’avant et d'aujourd'hui ?
MS – J’ai toujours eu beaucoup d’ambitions ça allait de l’humanitaire, au travail dans des ONG à une carrière d’écrivaine, de comédienne. Je n’ai jamais su où donner de la tête et je ne le sais toujours pas. Je suis toujours dépassée par les évènements, je croule sous des multitudes de choses à faire. J’ai fini par accepter. Voilà, mon mode de fonctionnement même si c’est parfois moralement épuisant.
10 – Derrière chaque histoire, il y a une porte et derrière chaque porte une histoire est née ! Chut ! Si on gardait le secret ! Ce sont vos mots extraits de votre recueil !
Myriam Soufy, préférez-vous ouvrir des portes pour raconter et tisser des liens et des histoires ou choisissez-vous parfois ou souvent le silence ? Autrement dit quelle est l’importance d’avoir un secret ou des secrets dans une vie ou dans une poésie ?
MS – J’aime le silence, la solitude… ça me permet de me ressourcer, de réfléchir, de me reconnecter avec la nature et surtout avec moi-même. Ce n’est pas un silence creux mais plutôt méditatif, apaisant mais j’ai aussi besoin de tisser des liens avec les autres, de partager mes idées, d’écouter les leurs. C’est juste une question de dosage. Me taire pour mieux parler. D’ailleurs mon besoin de dire est perceptible à travers ma poésie, mon corps, mes collages tout en gardant non pas le secret comme je l’ai dit dans un de mes textes mais surtout une part de mystère. Un mystère qui donne envie d’aller gratter ce qu’il y a derrière les mots, derrière la démarche artistique. Un mystère qui permet aux autres d’avoir leurs propres lectures, de construire leurs propres idées, de projeter leurs propres interprétations. Je suis d’ailleurs très souvent surprise par le sens que certaines personnes donnent à mes textes ou à mes collages.
© Crédit photo : Quatrième de couverture illustrée du recueil de Myriam Soufy.
11 – Avez-vous un projet en cours sur votre recueil et des événements prochains autour de votre poésie en Tunisie qu’en France ? Si oui, pouvez-vous, svp, nous en toucher quelques mots pour partager l’information avec nos lecteurs ?
MS – Pour Re…Belle une séance de dédicace est prévue pour demain à la foire du livre. Un deuxième recueil de poésie est en cours de relecture. Un de mes textes inédits traduit en portugais sera présenté le 27 juin au Teatro Miguel par Franco à Leiria (Portugal) à l’occasion de la foire du livre aussi et qui sera publié dans la revue de poésie Acanto, un autre texte inédit sera publié dans la revue canadienne Mitra en cet automne. J’ai participé du 1er au 4 juillet avec mes collages au Salon Recycle Arts et Objets, événement organisé par l’Institut français de Tunis et je suis surtout heureuse d’entamer ma première expérience d’écriture dramaturgique d’une pièce de théâtre qui s’intitule « Coiffeuse » et qui sera chorégraphiée et mise en scène par Marwen Errouine qui est un interprète- chorégraphe et metteur en scène tunisien comme je l’ai déjà présenté un peu en haut.
© HM
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Pour citer ce témoignage
Hanen Marouani, « Portrait & entretien de Myriam Soufy : Belle et Re...Belle », texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 10 | Automne 2021 « Célébrations » & Revue Orientales, « Les figures des orientales en arts et poésie », n°1, mis en ligne le 11 septembre 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/periodiques/orientales/no1/no10/hm-myriamsoufy-rebelle
Mise en page par Aude Simon
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