« Partir, c'est mourir un peu ; C'est mourir à ce qu'on aime : On laisse un peu de soi-même En toute heure et dans tout lieu. » Edmond Haraucourt.
C’est s’accommoder d’une nouvelle vie, s’adapter à un nouvel univers, de nouveaux principes. Il y a un avant et un après qui entrent en confrontation.
L’exil est un chemin qui entraîne l’individu hors de sa terre natale, le chemin qu’emprunte celui qui a choisi de vivre car la plus grande responsabilité que l’homme puisse s’assigner c’est d’accepter de vivre.
Le recueil commence par un poème intitulé « Au départ », cette locution prépositive qui signifie « au commencement », revient par trois fois en tête de strophes :
« Au départ…
Ce n’était qu’un mécontentement, un mouvement d’humeur, un ras-le-bol … »
« Au départ :
Ce n’était qu’une grève, une protestation, une revendication… »
« Au départ :
Ce n’était qu’un cri, une réclamation, un droit… »
La rhétorique du poète consiste à mettre l’accent sur la genèse d’un massacre injustifié comme l’ont toujours été tant d’autres.
La scène d’horreur est tellement paralysante que le poète demeure figé . Aussi continue-t-il de se perdre en anaphores, l’heure étant grave :
« Je n’ai pas bougé d’un pouce… »
« Je n’ai pas bougé d’un pas… »
« Je n’ai pas pu pleurer ni prier …
La poésie est pour le poète source d’inspiration à puissance cathartique. Mais quel est son rôle en temps de guerre ? Les métaphores suffiraient-elles pour documenter des scènes d’horreurs insoutenables aux yeux du poète. D’où la question de l’utilité du poète ? Cioran n’eut-il pas raison de dire : « Les poètes ne sont pas utiles mais indispensables. » ?
« Les poètes ne vont pas à la guerre », lit-on sous la plume de Theombogü.
La vie de chacun est suspendue à un fil car les humains tombent sous les balles assassines comme des mouches :
« Personne ne pèsera le poids de ce que nous avons vu.
Personne ne mesurera la taille de ce que nous avons vécu.
Personne. »
Ce théâtre lugubre est peuplé de silences, corolaire de la peur, peur de la mort. Le silence se révèle aussi un besoin pour honorer la mémoire de ceux qui sont dans la traversée du désert dans le vrai sens du terme et ceux qui sont engloutis par les vagues méditerranéennes.
En dépit de toute l’immigration même mal vécue serait un antidote contre le chômage à perpétuité dans le pays natal où la corruption est une promesse.
Le vœu du poète serait de trouver une alternative à l’exil car :
« Il n’y a pas d’exilé heureux ».
Écartelé entre vivre dans le pays d’accueil et rentrer au pays natal, il avance :
« Le retour n’est pas un lieu familier que l’on retrouve, c’est un autre là-bas. »
Donc des deux côtés le mal est infini. Il demeure l’éternel incompris.
Et pour cause :
« L’exil est un masque lourd à porter. »
« Le retour et le départ sont les deux faces de l’exil »
La poésie sert à évoquer ce dilemme mais ne dira sans doute pas comment en sortir.
© Maggy DE COSTER
* Collection dirigée par Arnaud Le Vac.
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Pour citer ce texte inédit
Maggy De Coster, « Theombogü, « Un refuge autre que l’exil », Éditions du Cygne, 2023, 59 pages, 10€ », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événements poétiques | Festival International Megalesia 2023 « Étrangères », « Frontières du vivant », « Lyres printanières », mis en ligne le 19 avril 2023. URL :
http://www.pandesmuses.fr/megalesia23/mdc-theombogu-refuge
Mise en page par David
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