20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 16:28

 

Lettre 12 | Hors-série 2017 | Entretien poétique

 

LPpdm a rencontré

 

 

 

Entretien avec Frédérique Guétat-Liviani

 

 

 

à l’occasion de la parution de son recueil

 

 

espèce aux éditions le Temps des cerises

 


 

 

 

© Crédit photo : 1ère de couverture du recueil espèce.

 

 

D’abord Le Pan Poétique des Muses vous remercie de nous accorder cette brève discussion autour de la parution de votre ouvrage espèce, pourriez-vous nous parler de la genèse du recueil ?

 

FGL – Au commencement d’espèce il y a comme pour tout début d’écriture un moment d’absence. Ce moment où l’on n’écrit plus, ce moment où l’on écoute le monde, où l’on va chercher dans le moindre recoin de la parole recroquevillée, quelque chose qui peut nous relier au globe dont on s’est absenté. Pour qu’un livre débute, il ne faut pas de première pierre comme pour bâtir une maison solide, durable, sur laquelle on pourra investir. Non, pour qu’un livre débute, il faut un tout petit caillou, un gravier, une brisure minérale imperceptible, qui s’introduit dans la chaussure et rend la marche impossible. Il faut s’arrêter, retirer le soulier, prendre le temps de chercher dans l’obscur, ce fragment de montagne. La semelle tournée vers le haut, la miette tombe dans la main, et le chemin qu’on allait prendre, nous paraît dérisoire. Ce ne sont pas les rochers qui ont interrompu nos pas, c’est cette petite chose pâle, insignifiante.

Le petit caillou qui a donné vie à espèce, c’est d’abord une histoire entendue à la radio. Celle d’un jeune alsacien enrôlé de force dans l’armée du Reich pendant la deuxième guerre mondiale. La guerre prend fin, il revient. Aux autres, il ne peut raconter ce qu’il a vu. Il ne parle pas, demande seulement à changer de nom. Pas son patronyme, seulement son prénom. Un tout petit changement, un e en plus, à la fin. Ainsi, il devient femme.

Et puis, c’est une photographie de Timur Kacharava, jeune homme de vingt ans, militant antifasciste assassiné à Pétersbourg par des néonazis dont le procès n’a pas eu lieu. Il revenait d’une distribution de repas vegans qu’il préparait chaque semaine avec ses camarades, pour les indigents de la ville.

 

 

Les poèmes en prose d'espèce sont répertoriés sous sept gestes, pourquoi le chiffre sept ? Cela fait-il référence aux sept jours de la création du monde selon la bible ?


 

FGL – Le 3 et le 7 sont des chiffres auxquels je me sens liée.

Bien sûr, le 7 nous fait tout de suite penser aux 7 jours de Béréchit, au récit de la création. D’autant plus que le livre s’ouvre sur les tohus-bohus, ces objets du monde réel, comme le cœur ou la neige, réfractaires au calcul de la géométrie euclidienne.

Ce qui me fascine, c’est qu’on retrouve ce chiffre, dans pratiquement tous les récits de création du monde, des Dogons aux Tatars en passant par les indiens Pueblo ! Mais on a tendance à l’associer trop souvent avec l’idée d’un parfait accomplissement. Le 7, en effet, est bien la fin d’un cycle, cependant le 7 est un grand anxieux, il ne se repose jamais vraiment car c’est lui, le véhicule de la vie. Après un cycle accompli, il faut qu’un autre vienne… le 7 ne sait jamais de quoi demain sera fait, le 7 c’est l’intranquille.

Et puis pour moi, il reste largement attaché à des œuvres que j’ai aimé et que j’aime toujours : Blanche Neige et les 7 nains, les 7 boules de cristal et aussi, un de mes films culte

7 ans de réflexion !

 

Votre ouvrage relève de la poéthique, il est composé de chroniques poétiques de la généalogie du cosmos et des faits du quotidien, comment peut-on comprendre votre engagement poétique à rendre ce qui est « évident » et de ce qui est « presque invisible » ? s'agit-il d'une pensée philosophique du monde et/ou d'une description de ses coulisses ?

 

FGL – L’écriture est un geste alors peut-être qu’espèce est un geste que je tente vers le monde pour me le rendre moins insupportable.

espèce c’est un poème qui accompagne le cheminement de ceux qui refusent l’adhésion à l’exploitation de formes de vie dites inférieures au profit d’autres, considérées comme supérieures. Les formes animales, végétales, minérales sont concernées par l’exploitation, tout autant que les formes humaines.

 

Quand j’écris espèce, je suis accompagnée par l’impérialisme du même sur l’autre de Lévinas*. Tout ce processus de la connaissance qui consiste à ramener l’inconnu au connu, le différent au même. Et ce qui résiste au même, l’animal en nous, doit à tout prix céder à la domestication. Il faut contenir ce qui ne peut l’être, le classer, le trier, en genres et espèces. Certes Lévinas nous parle du rapport à l’Autre-humain. Je franchis cette frontière-là, j’écris aussi pour l’Autre caillou, l’Autre cochon, l’Autre vague scélérate, l’Autre patate… J’écris ce passage incessant entre le visible et l’invisible, le mystère de cet évident-évidant qui ne nous livrera jamais qu’une part infime de l’invisibilité des liens qui nous lient au reste de l’univers sous toutes ses formes, de la masse noire au sombre coléoptère.

Oui je pense que l’écriture est une petite entreprise, pas cotée en bourse, sans siège social, qui travaille à démurer. Elle rentre dans les murs, les retourne, ils deviennent le support de ce qu’ils avaient pour mission d’empêcher.


 

Êtes-vous antispéciste ? espèce est-il une poésie antispéciste ?


 

FGL – L’idée de la séparation des espèces a été fondée par un système de domination d’un groupe sur un autre. La domestication animale, la société patriarcale et l’oppression des femmes sont apparues en même temps. Je conçois l’antispécisme comme une pensée du monde, issue de courants anarchistes du 19e siècle, qui ont beaucoup œuvré pour la libération des femmes mais aussi pour la libération animale. Élisée Reclus était légumiste et dénonçait l’exploitation capitaliste du sol et du sous-sol. Louise Michel ne militait pas que pour les droits humains, elle a lutté activement contre la corrida et les expérimentations sur le corps animal. On a totalement occulté ces combats liés à l’histoire du mouvement ouvrier et à l’histoire de la Commune. Ces combats internationalistes et universalistes qui œuvraient pour l’abolition de toutes les frontières. En cela, je me sens proche de l’antispécisme et du post-humanisme.

Par contre, en ce qui concerne mon écriture, elle n’est ni blanche, ni noire, ni mâle, ni femelle… Elle n’est pas plus antispéciste.

 

© Crédit photo : 4ème de couverture du recueil espèce.

 

L'absence des marques hiérarchiques et de la ponctuation dans votre écriture exprime-t-elle une manière d'interroger les assignations et les frontières normatives imposées par la langue et de s'en défaire ?

 

FGL – espèce ne comporte pas de majuscules, pas de points non plus pour fermer les frontières. Entre les propres et les communs, les rapports de force sont abolis. La langue agit de façon minuscule. espèce n’obéit pas à la voix de ses maîtres mais assemble des voix multiples. Des voix de femmes et d’hommes mais aussi des voix de bras morts, de carottes, de vieux chiens marrons…

Comme l’affirme Peter Szendy dans son essai sur la ponctuation, le point est une meurtrissure. Le texte est découpé selon une logique, mais pourquoi cette logique serait-elle la mienne ? Pourquoi me livrer à ce découpage, ces meurtrissures sur le texte ? Je préfère rendre visible sa discontinuité, par des blancs, des trous que seul le lecteur, dans sa singularité, est apte à combler ou laisser vide. Le point a pour fonction de diviser, de mettre des cloisons, des séparations. La ponctuation est un fléchage dans le couloir du langage, pour nous empêcher littéralement de nous égarer. Mais moi au contraire je tiens à cette perte, cet égarement dans le blanc. Je ne tiens pas à signaler au lecteur quand il devra s’exclamer, se questionner, quand il devra commencer ou finir. Le poème est un lieu de liberté, pas d’asservissement. La ponctuation, moi je la fais en clignant des yeux, et en respirant. Mais chacun respire et cligne des yeux à sa manière.

 

 

Qu’est-ce que la poésie ? Et que peut la poésie dans notre vie ?

 

FGL – « Je ne sais pas du tout ce qu’est la poésie mais assez bien ce qu’est une figue. » disait Francis Ponge.

Voici un poème (une variante du poème) que j’avais envoyé à Nadine Agostini pour le numéro 0 de la revue Bébé consacré à cette belle question :

 

 

Déplacée parmi les déplacés  depuis            tout le temps                    indocile

indomiciliée          elle s’étire         sort des bouches humaines         bête noire

de la somme des mots         langue chargée       on suspecte           la contagion

elle se rebiffe     refuse les soins      protège les enfants       de l’œil malveillant

des adultes      humiliant celui                fatigué par sa journée d’école         qui

pour jouer                       prononce                          les sons sens dessus dessous

on apprendra à se taire               à tourner sept fois              le morceau de carne

maté           domestiqué                    pour ne dire plus         que des termes utiles

jusqu’à ce que la cavité       se remplisse       de mots négligés           mal formés

mal prononcés           dévêtus            vacants                                 en fin de droits

dans cet obscur là                          la langue                                                œuvre

entraîne le troupeau      l’aide à s’égarer          maintenant            elle va s’écrire

l’enfant se tait         sait où ses mains         ne doivent se poser    où      sa langue

doit cesser                           jusqu’à ce que           la mâchoire                      bâille

laissant libre        le passage      aux vocables parasites                inusités clandos

de toutes sortes                            maintenant elle s’écrit                           ça y est

pas forcément dans le livre      souvent à ses côtés      sur le corps     d’une lettre

d’une image    d’un son            d’une          performance      d’une pellicule d’un

mur                                    en tout cas pas là                       où on croyait la serrer

 

Quant à ce qu’elle peut, eh bien, simplement déposer du gravier dans nos pompes. Nous empêcher d’accepter la mise au pas, la marche forcée. Et ainsi, dans l’accueil inédit des débris du monde, nous disjoindre de l’acceptation muette et de la collaboration distraite.

 

 

 

* Voir Emmanuel Levinas, Totalité et infini, sous-titré « essai sur l'extériorité », Nijhoff, La Haye, 1961.

 

***

 

Pour citer cet entretien

 

Le Pan Poétique des Muses (LPpdm), « Entretien avec Frédérique Guétat-Liviani à l’occasion de la parution de son recueil espèce aux éditions le Temps des cerises », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°12 & Hors-série 2017, mis en ligne le 20 octobre 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/10/entretien-guetat-liviani.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans La Lettre de la revue LPpdm Numéros
19 octobre 2017 4 19 /10 /octobre /2017 13:30

 

N °7 | Entretiens artistiques

 

LPpdm a rencontré

 

 

 

 

Interview avec

 

 

l’artiste peintre Isabelle Venet

 

 

 


 

 

 

Propos recueillis par

Maggy de Coster

Site personnel : www.maggydecoster.fr/

Site du Manoir des Poètes : www.lemanoirdespoetes.fr/

 

 

Avec deux images de la photographe

 

Françoise Ducène-Lasvigne

 

 

***

 

 

Présentation de l’artiste peintre

 

   

© Crédit photo : au salon d’automne, de gauche à droite ; la photographe Françoise Ducène-Lasvigne et l'artiste peintre Isabelle Vernet devant son tableau.

 

 

 

Isabelle Vernet, vogue de l’abstrait au figuratif au gré des couleurs et par l’aval de ses pinceaux. Elle expose tant en France qu’à l’étranger mais l’on comprendra vite qu’elle a dû se battre pour s’imposer aux côtés de l’autre sexe. Lors du vernissage du Salon d’Automne qui a eu lieu du 12 au 15 octobre 2017 aux Champs Élysées, nous avons rencontré la peintre par l’entremise de notre amie commune, la photographe d’art Françoise Ducène Lasvigne.

 

 

***

 

 

Maggy De Coster – Isabelle Venet, que pouvez-vous nous dire de vous en tant que femme peintre tant sur votre parcours que sur le plan de votre technique picturale ?

 

Isabelle Venet – En tant que femme, je trouve le parcours artistique plus long et plus combattant que celui de l’homme. La crédibilité se fait davantage par le temps et la reconnaissance s’est faite à partir de l’argent ! (tant mieux pour moi, j’ai vite gagné ma vie avec la vente de mes tableaux ce qui m’a rendue rapidement professionnelle).

La vie des femmes peintres en unité avec la femme mère, active, épouse, amante est plus complexe et difficile. La place de la création, de la concentration et de la réflexion est un parcours de combattant entre la vie quotidienne et la vie nourricière pour nous les mères. Une autre question, maintenant avons-nous le même ego que les hommes ? C’est aussi un débat.

 

MDC – Mais quelle place occupez-vous sur le marché de l’art par rapport à vos collègues masculins ?

 

IV – Sur le marché de l’art je ressens également beaucoup de machisme.

 

MDC – Sentez-vous qu’il y a une différence de traitement, de perception et d’appréciation entre les femmes et les hommes peintres ?

 

IV – Oui, je l’ai ressentie très fort cette différence de traitement. Je la ressens moins aujourd’hui avec mon âge plus mature et mon expérience mais je la ressens encore fort dans certains pays.

 

 

© Crédit photo : au salon d’automne, portait de l'artiste peintre Isabelle Vernet devant son tableau par la photographe Françoise Ducène-Lasvigne

 

 

MDC – Pensez-vous qu’il y a une évolution de la place des femmes dans le monde de l’art ?

 

IV – Oui, je trouve qu’il y a une évolution de la place des femmes dans le monde de l’art et il est temps.

 

MDC – Auriez-vous a priori un message à faire passer quant aux sujets que vous traitez dans votre peinture ?

 

IV – Dans ma peinture, je traite l’humanité, l’actualité, mes émotions etc. et j’ai eu besoin de traiter la féminité, la maternité, la protection, les cycles de la femme qui nous différencient biologiquement indéniablement et qui font de nous ce que nous sommes, c’est- à-dire recommencer éternellement sans début ni fin.

 

MDC – Vous utilisez pas mal d’images de femmes dans votre peinture, cela a-t-il une signification particulière pour vous ?

 

IV – J’en exprime l’admiration, la pudeur, l’intimité, la force et la continuité !

 

MDC – Y a-t-il des peintres qui vous ont particulièrement marquée ou influencée ?

 

IV – Les peintres qui m'ont marquée : les artistes du Bauhaus (ndlr, Bauhaus est le nom que prendra l’Institut des arts décoratifs et industriels en Allemagne en 1919 sous la direction de Staatliches Bauhaus), Kandinsky, Klee, (les expressionnistes américains,) Frida Kahlo, Antoni Tàpies i Puig, dont j’ai lu les livres avec passion et bien d’autres.

 

MDC – Depuis combien de temps participez-vous au Salon d’Automne ?

 

IV – Le salon d'automne, j’y ai participé une première fois il y a une dizaine d'années, et j’y participe régulièrement depuis trois ans.

 

MDC – À quelle fréquence exposez-vous en général ?

 

IV – J’expose plusieurs fois par an, bien entendu, en groupe, en France et à l’étranger. Là, je fais une rétrospective importante et expo « femmes particulière » avec un sculpteur et me suis concentrée sans exposer pendant un an.

 

© Crédit photo : au salon d’automne, une toile de l'artiste peintre Isabelle Vernet par la photographe Françoise Ducène-Lasvigne

 

 

MDC – Vous sentez-vous comblée en tant que femme peintre ?

 

IV – Oui, je me sens comblée en tant que peintre. J’aime cette vie de montagnes russes !

 

MDC – Vous exposez aussi à l’étranger comment votre peinture y est-elle accueillie ?

 

IV – À l’étranger, je n’ai jamais senti ma place en Chine probablement parce que je suis une femme ou alors c’est ma peinture, il est vrai que je travaille dans la construction et la déconstruction et moins dans l’unité, pas dans l’unique trait ! Je me sens à l’aise dans les pays du Nord au niveau de ma peinture qui est plus intérieure.

 

MDC – Quelle sont vos attentes ? Auriez-vous un souhait à vous exprimer ?

 

IV – Garder la santé, l’énergie et l’inspiration pour voyager et peindre le plus longtemps possible !

 

***

 

Cliquez sur ce lien pour visiter le site de Isabelle Vanet

 

 

***

 

Pour citer cet entretien

 

Maggy de Coster, « Interview avec l’artiste peintre Isabelle Venet » avec deux images de la photographe Françoise Ducène-Lasvigne, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°7 | Automne 2017 « Femmes, poésie & peinture » sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 19 octobre 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/10/isabelle-vanet.html

 

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Le Pan poétique des muses - dans Numéro 7
16 octobre 2017 1 16 /10 /octobre /2017 14:04

 

N °7 | Dossier majeur | Articles & témoignages

 

 

 

 

La peinture de Louise Cara ou

 

 

 

l'espace du monde en son féminin

 

 

 

 

Nicole Barrière

 

Illustration de

 

 

Louise Cara

 

   

 

© Crédit photo : Toile "Trames" (157 x 150 cm,  TM,  2013) de de l'artiste peintre Louise Cara.

 

 

 

 

La musique ancienne de la ville

 

 

C’est une ville intense, c’est une ville de profondes blessures, d’ouragans dévastateurs, d’attaques terribles, d’expéditions lointaines. Peu à peu on remonte le fleuve et on se souvient.

Les tableaux de Louise Cara sont comme des vaisseaux qui remontent le fleuve. On largue les amarres, sur le quai, parmi les portefaix, les départs et les adieux, remonte une musique ancienne d’expéditions, de mauvais garçons et de filles de joie, de bals par delà les remparts où des esclaves noirs dansaient avec des masques indiens. Retrouvailles dans le même rythme sinon la même peau dans le berceau originel de la ville, digues, rambardes entourant la pauvreté et la tristesse. Lenteur de la ville, lenteur à lever son damier jusqu’à la verticale, à cette levée il faut un rythme, trompette d’Amstrong ou danse zoulou, le courage danse avec le rythme.

 

 

Et l’angoisse au fond des rues à gratte-ciel

Levant des yeux de chouette parmi l’éclipse du soleil.

Sulfureuse ta lumière et les fûts livides, dont les têtes foudroient le ciel

Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles d’acier et leur peau patinée de pierres.1

 

 

Nous voilà sans repères comme le premier habitant découvrant son espace et tentant d’établir un lien intime avec lui. Ville minérale, dure, traversée de lumière rauque, détourée de son profil esclave jusqu'à cet instant :

 

 

C’est l’heure pure où dans les rues, Dieu fait germer la vie d’avant mémoire

-----

Écoute au loin battre ton cœur nocturne, rythme et sang du tam-tam, tam-tam sang et tam-tam.

-----

Voici revenir les temps très anciens, l’unité retrouvée, la réconciliation du Lion, du Taureau et de l’Arbre.

L’idée liée à l'acte, l’oreille au cœur le signe au sens.

 

 

La ville rêve, de ce rêve immense des villes, depuis la dalle horizontale jusqu’à l’élan vertical de son ambition. Elle étend son rêve jusqu’aux lointains des trains et des banlieues. Elle ouvre ses coins secrets, ses déserts à l’odeur humble des matins. Des pas pressés et la nonchalance du regard sur un square au fond d’une rue, le soleil levant sur une maison improbable, peuplée d’errants et de chats sauvages !

Louise Cara ne met pas en ordre la ville, elle ne la préserve pas, elle s’efforce d’en creuser la faille, d’en ouvrir le flanc jusqu’à faire apparaître l’espace du labyrinthe.

 

 

J’ai trouvé que la terre était fragile, et la mer, légère ; j’ai appris que la langue et la métaphore ne suffisent point pour fournir un lieu au lieu.

N’ayant pu trouver ma place sur la terre, j’ai tenté de la trouver dans l’Histoire. Et l’Histoire ne peut se réduire à une compensation de la géographie perdue. C’est également un point d’observation des ombres, de soi et de l’Autre, saisis dans un cheminement humain plus complexe. 2

 

 

Il y a une vision en miroir dans les tableaux de Louise Cara, résonances de lieux, passages de grandes histoires et d’événements intimes, expérience humaine collective et expérience spirituelle personnelle, cette vision est métaphore et elle arrime le moment présent aux significations de milliers d’années d’humanité.

On pourrait penser à un bégaiement dans ses tableaux où s’entrecroisent inlassablement des traits de noir et de couleur, croisements de pas, de mémoires, bégaiement de la ville en sa langue, répétition d'oublis, qui creusent en leur évidement une tectonique du temps, creusement du temps dans le sillage des morts.

Ses tableaux n’enferment pas : villes ouvertes sur le sens, Louise Cara observe leur modernité, et le temps s’y enfonce. Dans l’espace de la ville, Louise Cara, dans ses tableaux creuse la profondeur. Le génie de cette peintre est de ne pas proposer une lecture d’un espace-temps géologique, stratifié et immobile mais d’entrer dans le mouvement de la ville, de ne pas retourner vers le passé en luttant à contre-courant, mais de descendre de la ligne verticale de ses villes-totems jusqu’à l’origine d’événements les plus lointains qui communiquent et rattachent aux mêmes racines.

 

 

Un exercice spirituel déternité

 

 

L’exercice spirituel auquel nous convoque Louise Cara est celui de l’éternité ! Elle abolit les distances, traçant les contours d’une ville la nuit jusqu’au labyrinthe serré de Gaza, à celui plus lâche de Bethléem, libère allégrement Thésée et nous tend le fil salvateur de la déesse.

Nous voilà sur le métier à tisser de l’éternel. Ville, tapis, tissage, maille. Louise Cara franchit un pas nouveau dans son exploration de l’espace, à la ville ouverte, à son damier serré, répondent maintenant les tapis Kilim, espace intime de séparation du dehors et du dedans, de la terre et de la couche, du vent et du soleil, du jour et de la nuit, de la vie et de la mort. Résonne là, cette parole de Teilhard de Chardin : « L’énergie représente pour la science la forme la plus primitive de l’étoffe de l’univers. »

En Anatolie, dans une des plus vieilles villes du monde, Catal Hühük dont le niveau le plus ancien date du VIIe millénaire avant J.-C, on a mis au jour des peintures murales représentant des motifs de kilims identiques à ceux que les femmes tissent encore aujourd’hui dans les villages.

À voix basse, on entend le chant des femmes tissant les fils de couleur. Couleur ocre, couleur gris, de ce gris lumineux de nuage d’avant l’orage, le tapis fait face, détourne la terreur de l’orage, couleur rouge, de ce rouge du sang des femmes et de la fertilité, couleur jaune de la terre et du blé, couleur fertilité. Couleurs mêlées entremêlées dans le beige sous-jacent du temps des prières, beige limoneux des tombes.

Tapis de métissage des éléments et tapis de séparation des âges de la vie : tapis pour aimer et naître, tapis pour découvrir et connaître, tapis pour prier et mourir. L’art du tapis est protection du dehors, de la nuit, des éléments, des esprits. L’art du tapis est langage de cette langue ancienne qui fait surgir le motif de la mère, terre-mère des vases anciens, terre fertile et féconde, comme le motif de la femme. Motifs animaux, pas et traces, motifs oiseaux de la métaphore ancienne d’amoureux lançant leur cri jusqu’à la joie du ciel, cri résonnant de son allégresse jusqu’aux Andes.

Tapis de lecture, espace coloré et doux sur lequel l’enfant déchiffre en même temps que l’amour et l’art de la mère, le récit ancien des symboles : silhouettes, représentations du cosmos, rose et épi de blé, fils de lumière tressés avec la nuit. L’oreille contre le tapis, l’enfant retrouve le geste indien d’écoute : il entend la mélodie improvisée qui traverse le songe d’être jusqu’à la rumeur de vivre. Espace intime, le tapis livre le monde et ses différences, la planète et ses habitants, les comptines et les chansons qui vibrent selon la fibre : laine, soie, et on entend le son différent des nœuds tressés, nœuds des contes et des comptes, quipus indiens, nœud symétrique ou jumeau, nœud décalé et dense, nomade dans l’écart.

Dans ses tableaux, Louise Cara recherche le mouvement de la vie, fait naître de l’immobile des figures rupestres enchâssées sur les parois de la grotte, la femme d’Oppède, le Christ dansant sa passion depuis la terre de Palestine, le jazz de New-York depuis la terre d’Afrique.

 

 

Du tapis au mythe, l'espace-temps du tableau

 

 

L’étoffe de l’univers forme un tout depuis la racine d’arbre jusqu’au tremblant de la feuille. Ses tableaux remuent comme remue le passé : hommes et bêtes, bruits de la nuit et de la forêt, vent sur la lande et le rocher, rythmes, rythmes, rythmes des pas, fils de la chaîne et de la trame, duels : jour/ nuit, travail/repos, haut/ bas, l’énergie du monde à sa verticale, principe transcendant et solaire, l’énergie du monde à l’horizontal, rumeur humaine du labyrinthe des villes, cohérence qui se faufile, méridienne du dessous et du dessus. Le tissage ondule sous les doigts du peintre, elle unit et différencie chaque élément, les croise, inspire, expire, joue la partition en ses modes, majeur, mineur jusqu’à la synthèse intelligible. Dans le tissage du tapis, elle témoigne des liens humains distendus, et tandis qu’apparaît le fil, le mythe, elle interroge la création.

Ariane, elle tend le fil, fil rhizome des villes, rues bruyantes où s’affrontent les plaques du temps : temps vertical du présent, l’éphémère, temps horizontal de l’histoire soulevé jusqu’à notre hauteur de vue et là, les temps coïncident. Ariane fil conducteur des réseaux, maillage virtuel de l’espace, modernité où se pense le temps dépassé par sa propre vitesse, glissement des images, allégorie en ces fils noués, serrés, distendus, resserrés. Les fils d’Ariane de Louise Cara expriment l’intrication et l’enchevêtrement de strates temporelles non chronologiques mais reliées entre elles par de multiples analogies.

Elle crée une référence qui permet de penser par variations sensibles et fait de ses tableaux des espaces de correspondances, où tout est indépendant et pourtant indispensable, interpelle chaque chose, où chaque élément résonne de cette note centrale sur laquelle elle s’appuie : le trait.

 

 

La profondeur de la peinture de Louise Cara : le trait de l'origine

 

 

Trait, geste premier du peintre, traits serrés comme les arbres de la forêt, d’où s’échappent les traits serrés d’oiseaux prêts à l’envol, traits serrés des humains, captés par la rumeur des villes, traits de l’épure qui retrouve sa conscience d’arbre, ou de la peur de l’oiseau, ou de l’effroi de l’humain dans la grotte. La profondeur de la peinture de Louise Cara s’installe dans cette généalogie depuis le trait jusqu’au tapis et jusqu’au labyrinthe serré des villes. Art de la caresse du pinceau, art de la gravure, art de la marque dans le livre comme autant de traces de plus en plus profondes, elle trace de ce geste laboureur, de ce geste tisserand, de ce geste d’inscription de la mémoire sur la feuille. L’art de Louise Cara est païen, l’art de Louise Cara est urbain, de ce temps où les mémoires du tapis et de la ville se rejoignent, s’enracinent dans la terre, dans le travail sur le métier, métier tisserand ou métiers des réseaux de la vie et de la parole : rues, commerces, fleuves, web. La terre, le travail humain matériel et spirituel, le mouvement de la vie, tels sont les éléments que peint Louise Cara.

La terre, terre de la trame complexe, humus de larges traits comme autant d’écorces décomposées, humus, matière souple et aérée, qui absorbe et retient l’eau, terre brune, noire, à l’odeur forestière, de prairie ou de labour, terre qui livre aux racines l’indispensable à leur grandissement, humus libéré des substances inertes ou toxiques, terre végétale animée du souffle, du vent et de la pluie, terre solaire et lumineuse reposant sur les papiers pour inventer le motif du tapis.

 

Le tapis, lieu intime et clos comme le jardin ou le tableau. Comme la femme à son métier, Louise Cara a observé les oiseaux, interrogé les nuages, consulté les livres, comme la femme à son métier, elle a voulu le tableau pour lui-même, non pour la forme, l’agrément ou la beauté, mais pour la densité de la matière, de la couleur et du geste. Cette densité c’est l’art, non l’art de l’ennui ou du divertissement, mais l’art comme une parcelle d'éternité qui nous assure qu’une partie de nous-mêmes ne saurait être blessée par ce qui n’est pas elle. Ici point de figuration ni d’utopie vantant la fécondité des arbres ou des femmes, pas de récolte succulente, ni de charme sur le mode des métaphores, mais la terre reculée d’un chemin initiatique qui suppose la rupture avec le familier, le quotidien, le trop humain. Lointain étrange non exempt de douleur, si le monde n’était pas si cruel... Comment loger au creux de cette douleur sans se recroqueviller ? Comment l’ensemencer pour que l’apaisement y gagne la profondeur ?

 

Il existe une même passion orageuse entre le métier du tapis, du jardin ou du peintre, un lien parent les unit de la même clôture, il s’y dérobe, perd de son éclat, sans user de violence, il se met à ressembler à tous les autres, accepte paix et gaîté, multiplie les grâces et les incarnats, se recouvre d’ombres légères, reflète le cours des silences et des astres. Quels hasards ont délégué cette parcelle qui rend dérisoire l’immensité de l’univers, quand se lèvent les étoiles sur l’arrière-pays, et fait battre le cœur à ce songe qui permet d’échapper à la confusion originelle ?

 

 

Lart de la transmutation

 

 

Comme la femme à son métier, Louise Cara vit sur un pied d’égalité avec son art, elle stoppe l’hémorragie du temps, pourtant la matière ne lui appartient pas, elle la travaille, la tourmente, la remue, elle entend la colère et le cri et accorde l’inestimable complicité à son énigme, c’est-à-dire au mouvement de la vie.

La vie qui est et n’est pas, la vie qui déborde du jardin avec de folles frondaisons et des branches foisonnantes, qui déborde du tapis en ses fils qui remontent jusqu’au chant des femmes, qui déborde du cadre et se recentre en lui jusqu’au vide. Voilà l’heure de saisissement de la matière rhizome, Louise Cara en fixe les lignes solides, en organise le territoire stable comme autant de places et de plages, de lieux de naissance et de co-naissance.

Naissance et co-naissance de ces traits serrés les uns contre les autres, comme les ombres de la caverne, le regard aveugle d’hommes. La peinture de Louise Cara est une écriture de la transmutation, un art de la transformation et une lecture du monde en son féminin. Art de la caresse et de la gravure, art de la mémoire, contre la malédiction et la tradition qui pèsent sur la condition des femmes, elle ouvre par sa fécondité de peintre l’imagination d’un monde autre, ancré et projeté vers les étoiles, par la fertilité des motifs , elle permet la réappropriation du féminin du dedans et du dehors depuis le trait, le tapis, le labyrinthe, la ville, elle élève par la hauteur et l’exigence de son travail contre le modèle captif de la malédiction qui enferme les femmes.

 

 

Cliquez sur ce lien pour visualiser les tableaux de Louise Cara

 

 

***

Notes

 

1 Leopold Sédar Senghor,Ethiopiques, A New York

2 La Palestine comme métaphore, Entretiens, Paris, Sindbad/Actes Sud, 1997.

 

***

 

Pour citer ce texte

 

Nicole Barrière, « La peinture de Louise Cara ou l'espace du monde en son féminin », illustration par Louise Cara, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N°7 | Automne 2017 « Femmes, poésie & peinture » sous la direction de Maggy de Coster, mis en ligne le 16 octobre 2017. Url : http://www.pandesmuses.fr/2017/10/cara-son.html

 

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