Poèmes
|
Calliope,
Conversation en l'absence,
Enriqueta, Je dis,
Les roches noires & Ton nom
|
Astrid Shriqui Garain
|
Callioppe
Défouraillée de la matrice profonde,
j’ai repoussé la force souterraine,
démembré ses mâchoires
et j’ai planté mes poings dans les parois du gouffre noir.
J’ai,
à mon cou un torque de cristal
dans ma chair l’éclat du silex
et à mes lèvres l’envol d’un aigle.
J’ai traversé le Dédale,
passé l’Arche primal
et bu le souffre de la Sève.
À mes reins,
je porte la senne du fleuve,
à mes yeux,
les élytres du globe,
et dans mon ventre,
la gangue du destin.
J’ai passé le chantoir des ombres,
entendu les tambours de l’Onde,
et transpercé d’un éclair le mystère des sables.
ma langue est de peau,
mes cuisses sont des arbres,
mon sexe est de liane,
mes bras sont des flammes,
et mes mots sont des sabots.
Je suis l’humaine.
Et sur la Terre
devant l’Océan du Ciel,
Je me tiens debout
pour donner espérance à mes jours.
Poème écrit en novembre 2014
Conversation en l'absence
Femme ,
je suis née par l’infinité
d’une douleur qui me traverse.
Je suis femme
devenue par un ordre inverse à moi même.
Je vis
femme
par cette infinie tendresse que je nous porte.
Je choisis
femme
de la seule force du regard que tu m’offres.
Je dis Femme
comme enfin le seul nom que je forme.
Poème écrit en janvier 2015
Enriqueta
Ville de puits, de passage, de briques, et d’ennui.
Une ville au travers de leur vie.
Phalène mémoire prise dans les glaises du mépris.
Murs parole dans leurs chairs – Contre parloir ouvert .
Prêtresse du Cri ,
Elle guette, hèle et appelle,
son autre, enseveli.
La main signe le nom au delà du sang de leur prison.
Elle déportera la nuit en offrande au temple de l’horizon.
Un corps gisant apôtre son cœur à la montagne de leurs pierres.
Les doigts touchent le ciel où la paupière de son autre se tend.
Partage de l’absent,
syllabe d’oiseau blanc.
Les portes des tombeaux restent closes sous l’éternité de l’instant.
Une femme à ses cheveux de blanc
arrache ses saisons à la chape du temps.
Ville de pluie, de néons et de cendres
Bouche fanal , femme centrale,
message au gris de leurs blancs.
Elle guette appelle et se déplie.
Ville canal, piège muraille,
Un terrain vague,
mais, il te parle.
Il te dit cet océan.
Poème écrit en avril 2014
Je dis
Je dis ventre à cette bouche dans le silence de la vie.
Je dis pouce à ce parfum qui court sur la grève de ton cou.
Je dis main à cette lumière qui bague tes genoux.
Je dis joie, plaisir et folie,
Je dis tout ce qui me passe par le cœur et qui marche dans la nuit
Je dis lande à ton sexe,
Je dis jungle à tes mains
je dis rubis à ton front,
je dis Bengale à tes lèvres,
Je dis tes yeux à l’amulette,
je dis crue au Tigre de tes bras,
je dis Amazone aux seins de tes draps
Okavango aux reins de ton delta.
Je dis tambour à ma peau,
comme je dirais flûte à mes mots
et puis je crie merde
à ceux qui ne voient pas.
Poème écrit en novembre 2014
Les roches noires
Un bruit de porte prononce sa phrase.
La phrase vous pousse sur la plage.
Elle vous porte à ne plus revenir, à entendre,
à accepter son bruit , à oublier votre venue.
Mais oublier est impossible.
La porte claque. Vous êtes sur le sable.
Cette plage n’est plus comme vous l’avez connue.
Elle vous est absente parce que vous n’y êtes plus.
La porte claque.
Vous étiez déjà partie. En partance, en dehors de vous-même toujours.
À l’écrit de nous. Depuis ce jour.
La rue ne vous reconnaît pas. La mer vous tait.
Vous êtes une autre. Celle qui ne reviendra pas.
Vous êtes à l’adresse même de votre départ.
Vous êtes perdue entre ces deux espaces.
Sur une plage muette, cette langue de terre recouverte par les sables.
La mer se retourne vers l’hôtel. Une autre marche.
Le bruit n’est plus.
La plage est à présent nue.
C’est la pluie qui vous l’annonce.
La porte ne bouge pas.
Vous ne reviendrez plus.
Poème écrit en mars 2014
Ton nom
(aux femmes de la Commune de Paris)
« Quel est ton nom ? »
Je m’appelle.
Voici mon nom!
Éternelle et sentinelle.
Je suis.
Au pied de la muraille.
Faims et grenaille
Justice et barricades
Je m’appelle et me dresse
Souviens toi :
Je m’appelle.
Du bruit de leurs canons.
Du fracas de leurs chaînes,
Des nuits de ma relégation.
« Quel est ton nom ? »
Je m’appelle.
Au nom du premier soir,
D’un chœur éperdu d’espoir.
En moi même.
Je m’appelle
Et me nomme
Du même nom que toi!
Je m’appelle
Au nom d’une commune ôtée.
Faims et grenaille
Justice et barricades
Je suis tête, je suis ventre,
je suis gorge,je suis mains.
je suis la langue de l’humain.
Je suis le rire de ce village
le gout de ses faubourgs,
et tous les chants de son retour.
« Quel est ton nom ? »
Je m’appelle
Souviens toi !
Je me rappelle
depuis le silence de leurs crimes,
depuis les rafales du mépris
Je m’appelle !
Depuis un voile tombal
et de cette pierre,
ici,
je déchire les entrailles
je ruisselle,
je traverse et je passe
Faims et grenaille
justice et barricades
Regarde moi !
Voici mon nom !
Souviens toi
Je m’appelle seule
et vers toi
Ici, par ce miroir
Tu te rappelles en moi
« Quel est ton nom ? »
Je suis celle
Que rien n’effacera
Que rien ne taira
Que rien n’étouffera
Que rien ne supprimera
Que tout écrira
Que tout chantera
Et depuis toutes leurs offenses,
Je suis en un mot ton unique pluriel.
« Quel est ton nom ? »
Depuis le sang de cette muraille
Je suis.
Guerrière et éternelle
Femelle et sentinelle
En mille âmes, souveraine.
« Ton nom ? »
Je m’appelle du nom de la fraternité
et, contre le lierre de leurs pierres
Je suis femme à jamais éprise de libertés.
Poème écrit en mai 2014
Pour citer ces poèmes
|
Astrid Shriqui Garain, « Calliope », « Conversation en l'absence », « Enriqueta », « Je dis », « Les roches noires », « Ton nom », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°6 [En ligne], mis en ligne le 11 novembre 2015.
Url : http://www.pandesmuses.fr/2015/11/calliope-conversation-absence.html/Url :
|