31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 

  Dans tes yeux, Le mur

 

&


Elle comme la feuille au limbe d'or

 

 

Christophe Carrère

 

 

 

Dans tes yeux


 

Un nuage de feu vêtu de cendre brune

Y nage comme un cygne au fond d’un soleil noir ;

Le vent gorgé de neige a passé sur la dune,

Et la campagne en deuil étend son long mouchoir.

 

Le ciel en est la dalle et la mer en est l’urne.

Aucun navire, aucun refuge, nul espoir.

On y entend des cris d’agonisants ; Saturne

Est un plaisir auprès de ce qu’on y peut voir …

 

Le rouge à l’oranger en frange se délie ;

L’émeraude au torrent des larmes s’est polie,

Et l’orbe du miroir est brisé de rayons ;

 

Si bien que l’on dirait, quand la nuit diminue,

Le ventre d’un vitrail devant des papillons

S’énervant de toucher, sans l’atteindre, la nue.

 

 

  

Le mur

 

 

 

Comme triste est la nuit ! Comme le jour est pur !

Il semble qu’un oiseau de son aile de marbre

Ait frappé le soleil et fendu l’air d’azur :

La vague au ciel d’hiver se lève comme un arbre !

 

Sous une lune d’or qui tranche de son sabre

La lumière encor noire et sanglante est le mur

Où fut gravé son nom sous la date macabre …

Comme triste est la nuit ! Comme le jour est pur !

 

Lèvres, rappelez-vous comme elle vous baisait !

Et quand vous l’embrassiez comme elle se taisait !

Son cœur battait si fort qu’on l’eût dit son langage ;

 

Ses bras serraient si fort qu’on les eût dits les miens !

Nous étions l’un de l’autre et l’empreinte et l’image,

Et sa main dans ma main et mes yeux dans les siens.

 

 

   

Elle comme la feuille au limbe d'or

 

 

 

Depuis la source mince et jusqu’au lac énorme

Que boivent à longs traits les chênes précieux,

La feuille au limbe d’or, telle un astre difforme,

Chavire et se promène à la porte des cieux.

 

Ni des grèves le sable où brûle le soleil,

Ni des fraîches forêts les gerbes métalliques,

Ni l’herbe, ni la fleur, ni le bouquet vermeil

Ne troublent son sillage aux charmes italiques.

 

Dans la courbe neigeuse et douce de ses flancs,

Que berce mollement le vent de ses bras blancs,

Reste un peu de rosée ardente et parfumée ;

 

Et l’on dirait ainsi la gorge d’un flamant,

Muette au bord des eaux comme du firmament,

L’étoile paresseuse et la verte fumée.

 

 

 

Pour citer ces poèmes

 

Christophe Carrère, « Dans tes yeux  », « Le mur »  & « Elle comme la feuille au limbe d'or », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques: Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni, textes mis en ligne le 31 octobre 2012.

Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-dans-tes-yeux-le-mur-elle-comme-111541707.html/Url. http://0z.fr/vpffg


Pour visiter les pages/sites de l'auteur(e) ou qui en parlent

 

http://crp19.org/members/carrere

 

http://www.amazon.fr/Leconte-Lisle-passion-Christophe-Carrère/dp/2213634513/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1350906545&sr=1-2


Auteur(e)


 

 Christophe Carrère  est enseignant certifié de classe normale et chercheur associé aux Centres de recherche sur les poétiques du XIXe siècle (Paris III), sur la littérature française du XIXe au XXIe siècle (Paris IV) et au sein de l’équipe Zola (ITEM-CNRS) . Ses recherches actuelles sont circonscrites à la littérature française de la seconde moitié du XIXe siècle, le Parnasse, son histoire, son idéologie, ses relations avec le christianisme, le socialisme, le romantisme et ses prolongements dans le symbolisme. Elles gravitent autour de trois figures : Leconte de Lisle, Albert Samain et Poulet-Malassis, derrière lesquelles se profilent les ombres de Baudelaire et d’Ernest Renan.

Publications

Leconte de Lisle ou la passion du beau, Paris, Fayard, 2009. 688 p. Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre. Il s’agit d’une version abrégée et légèrement remaniée de sa thèse de doctorat ; « Leconte de Lisle et Zola », Les Cahiers naturalistes, Paris, Société littéraire des Amis d’Émile Zola et Éditions Grasset, n° 83, septembre 2009, p. 101 à 110; Auguste Poulet-Malassis, Lettres à Charles Asselineau (1854-1873), édition établie, présentée et annotée par Christophe Carrère, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque des correspondances », 2013; Albert Samain, Œuvres, édition présentée, établie et annotée par Christophe Carrère, Paris, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque du XIXe siècle », 2013-2015. 2 vol. En préparation.


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Le Pan poétique des muses - dans n°2|Automne 2012
31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 

Critique & réception

 

L’amour servi avec des œufs

 

une approche multiple du texte 

 

« Les poules aux œufs d’or »

de

 

Françoise Urban–Menninger

 

 

 

Khalifa Baba Houari

 

 

 

 

 

 

En référence : le texte original reproduit (texte souligné, mis partiellement en italique et en gras, lignes numérotées, etc.) à des fins démonstratives avec l'aimable autorisation de Françoise Urban-Menninger :


1- C’était devenu un rituel qui semblait immuable. Presque chaque week-end, nous allions mon mari, les enfants et moi, rendre visite à mes parents qui vivaient dans leur maison située dans un village alsacien à proximité du Rhin et de l’Allemagne.

2- Le jardinage, quelques poules, une dizaine de lapins, la pêche au bord du canal ou de l’étang « Sans Souci », parfois, alimentaient, au propre comme au figuré, leur ordinaire.

3- Ma mère, soucieuse de notre bien-être, m’incitait à ramener, à chacun de nos passages, des boîtes à œufs vides afin qu’elle puisse à nouveau les remplir avec de « vrais œufs », ceux de ses poules qu’elle nourrissait au grain et avec des restes de salade et autres douceurs pour les bienheureuses gallinacées qui menaient la belle vie, vaquant insouciantes, entre la cour et le jardin jusqu’au jour où on les retrouvait rôties dans le plat vermeil sur la table endimanchée des grands jours.

4- Ma mère avait coutume de nous narrer une infinitude d’anecdotes qui avaient trait à ses poules et au coq à crête furibonde dont la psychologie particulière n’avait plus de secret pour elle. Les poules dormaient et pondaient dans l’ancienne écurie où elles avaient à leur disposition de vieux paniers garnis de paille où un leurre, un œuf en plâtre blanc, était disposé.

5- Ainsi les poules savaient-elles ce qu’on attendait d’elles…

6- Il est vrai que leurs œufs au jaune d’or éblouissant dû à l’ingestion de pissenlits au printemps n’avaient rien de comparable avec les œufs « industriels» des grandes surfaces, ce que ma mère n’oubliait jamais de nous faire remarquer.

7- Les œufs des poules de ma mère jouissaient dans la famille d’une réputation inégalée, on en parlait jusque dans le midi chez ses frères et ses sœurs qui élevaient les mêmes volatiles !

8- Pour ma part, je me remémorais parfois les poules de grand-mère qui, serrées dans le petit poulailler construit par grand-père près de la cuisine, picoraient des coquilles d’œufs pilées, ce qui ne manquait pas de m’interpeller et de me renvoyer à la fameuse question, à savoir qui de l’œuf ou de la poule avait précédé l’autre… Petite, j’observais avec tendresse les minuscules poussins, boules jaunes de plumes duveteuses, que grand-mère installait au soleil dans un petit parc grillagé, sans imaginer, jamais, que ces adorables peluches finiraient dans notre assiette !

9- Chercher les œufs avec un petit panier à anse était à cette époque-là un réel bonheur, déguster un œuf à la coque en était un autre, contempler grand-mère battre les œufs pour réaliser un de ces fameux flans au caramel dépassait le simple contentement, je dévorais littéralement la scène des yeux, appréciant par avance l’un de mes desserts préférés.

10- Aussi lorsque ma mère disparut une nuit, emportée par une embolie pulmonaire fulgurante, ce fut d’un seul coup et dans le même temps la fin de l’histoire des poules aux œufs d’or de mon enfance.

11- L’annonce du décès de ma mère en pleine nuit m’apparut tout d’abord telle une abstraction totalement déconnectée de toute réalité jusqu’à ce que, dans le magasin où je fis mes courses très tôt le lendemain matin, mon regard fut arrêté par un empilement vertigineux de boîtes d’œufs.

12- C’est à ce moment précis que mon cœur se rompit et que je revis un bref instant ma mère courir après ses poules, égrenant dans la lumière un épi de maïs, écartant d’une main le coq agressif et empressé qui se jetait sur les grains comme sur autant de pièces d’or.

13- Une douleur fulgurante et muette me cloua sur place, me coupant le souffle. Et mes yeux ne furent plus que deux ogives emplies de larmes.

14- Depuis lors, je ne peux voir des boîtes d’œufs sans qu’il émerge de ma mémoire l’image intemporelle de ma mère qui découpe l’horizon, me préparant, sur les bords de l’infini, une douzaine d’œufs frais, pondus du jour, à emporter dans l’une de ces fameuses boîtes à œufs qui renferment pour l’éternité la part belle de son âme. 

 

********

 


Un poète/une poétesse pourrait-il/elle se soustraire à son destin/souffle de poète/poétesse, quand il/elle métamorphose sa plume pour écrire de la prose, avec ses différents genres et styles ? Un poète/une poétesse est-il /elle plus ou moins libre qu’un « prosateur » face à ses choix littéraires (choix de sujet, de style, de traitement de son sujet…) ?

Ces questions posent un double problème : d’abord, celui de l’écriture et du degré du conscient et d’inconscient dans sa réalisation; ensuite celui de l’influence exercée sur les créateurs littéraires par ce qu’ils doivent être pendant la réalisation de leur destinée ! La plupart du temps, on n'est pas écrivain/poète parce qu’on le désire...

Ces questions sont aussi motivées par notre lecture du texte de Françoise Urban–Menninger, « Les poules  aux œufs  d’or ». Rappelant un texte ancien, celui de La Fontaine, ce texte nous a offert l’occasion de voir comment son intertextualité augmente sa charge interprétative. Et n’étant pas marqué génériquement, pour des raisons de présentation et de support de publication, il nous a poussé à faire des spéculations génériques en vue de le classer et de le comprendre dans sa profondeur en mettant en rapport la forme et le contenu.

Nous lui avons aussi appliqué la théorie des isotopies, ce qui nous a aidé à voir son fonctionnement interne, à continuer nos spéculations sur son appartenance générique, toujours dans le but de lui soustraire le maximum de sens, dans la poursuite de notre quête interprétative, et de revoir les réseaux de significations qu’il développe en traitant d’un sujet (celui de la mère) tout en prétextant de travailler sur un autre (celui des poules et de leurs œufs d’or).

 


Les résonances intertextuelles

 

 

Le choix du titre est d’une fonctionnalité de plus en plus intéressante dans la littérature, d’autant plus qu’il constitue une clef de lecture et d’approche du texte qu’il « présente » tel un couvre-chef distinctif (et qui s’était développé dans le temps pour prendre dans le journalisme une autre forme mais un nom synonyme qui est « le chapeau »). Le titre est aussi un élément d’interprétation qui cherche, motivé par l’auteur, à guider le lecteur dans une direction plutôt que dans une autre. Le titre est encore une invitation à la lecture, et dans ce cadre il est la première étiquette constitutive du paratexte (comme Gérard Genette en parle dans ses Seuils1).

Le titre aura une importance immanente que lui lègue son statut paratextuel; il aura une autre extrinsèque quand il est « lié », comme c’est le cas avec le texte de Françoise Urban–Menninger, avec une autre notion littéraire de la valeur de l’intertextualité.

« Les poules aux œufs d’or » renvoie directement à la fable de la Fontaine « La poule aux œufs d’or » ; mais, et bien sûr avec une variation qui doit nous interpeller non seulement pour le titre mais aussi pour le reste du texte comme on le verra plus loin. On passe du singulier au pluriel en gardant tous les éléments du titre de la fable. Cette « pluralisation » joue un double rôle :

  • elle montre que la « dose » du message (il est sentimental, nous y reviendrons) est en quelque sorte multipliée, amplifiée, pluralisée.

  • elle assure la valeur moralisante ou même moralisatrice du texte en le liant à une fable, et nous savons que la fable sans sa morale n’en est pas une.

Cette deuxième remarque se justifie par le système temporel employé dans la fable et dans le texte de Françoise Urban–Menninger : la fable de la Fontaine commence par le présent et se développe à l’imparfait et au passé simple pour se conclure au présent. Le texte des « poules aux œufs d’or » commence au passé, utilisant surtout l’imparfait, et se termine au présent dans un retour à la fois au temps de la narration et au moment présent de la réalité qui semble justifier la narration. Le fait de terminer au présent est significatif pour les deux textes : on sait que le fable a besoin du présent de vérité générale pour assurer la pérennité de la morale. Le présent dans le dernier paragraphe du texte d’Urban–Menninger aide à maintenir une idée d’intemporalité : « depuis lors, je ne peux voir des boîtes d’œufs sans qu’il émerge de ma mémoire l’image intemporelle de ma mère qui découpe l’horizon ».

Cette intertextualité, avec sa « pluralisation », joue un autre rôle que nous pouvons qualifier de perturbateur pour l’opération de l’interprétation (elle s’ajoute dans cette perspective à la question générique que nous traiterons de façon répétitive dans les autres points de cette approche). Le titre, avec sa force intertextuelle, semble mettre l’accent sur « les poules » alors que plusieurs indices textuelles et pragmatiques montrent qu’il n’en est pas ainsi. Nous revenons ici à la valeur de la titrologie comme elle a été adoptée dans le journalisme. Et comme nous l’avons dit plus haut que le titre est aussi un élément d’interprétation qui cherche, motivé par l’auteur, à guider le lecteur dans une direction plutôt que dans une autre, le titre a voulu jouer ce jeu de mener vers une première voie interprétative qui n’est pas la voix de l’auteure dans sa visée finale. Le texte vise-t-il vraiment à valoriser les poules et leurs œufs sachant que depuis le début du texte nous sommes sûrs qu’il ne s’agira nullement d’œufs en or ?

 

 

La question générique



Classer son texte, lui donner une étiquette générique, est une façon de le juger, d’une part, et de lui proposer une voie interprétative, d’autre part. Lui reconnaître une identité « tribale » qui le lie à d’autres textes pour lui procurer une reconnaissance « sociale ». Mais, puisque la question du genre est une affaire de convention, elle a connu dans les deux siècles écoulés diverses remises en cause motivées par l’idée de liberté plus qu’aucune autre !

On cherche à se libérer des contraintes pour retrouver des étendues expressives plus malléables. Ainsi trouve-t-on Baudelaire qui dit : « Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? »2

Françoise Urban–Menninger, poétesse qu’elle est, nous livre ici un texte narratif d’une longueur moyenne. Elle ne précise pas son genre. Le support de publication peut être responsabilisé dans ce cas : sur internet, beaucoup de facteurs se conjuguent pour priver le texte de son étiquette générique. Ceci nous donne alors l’occasion de faire le chemin inverse de la présentation classique allant du genre vers le texte. Nous questionnerons le texte pour qu’il puisse nous divulguer son appartenance générique. Si le titre nous renvoie à une fable, et si la structure intertextuelle nous a donné quelque ressemblance, surtout au niveau du système temporel et de l’arrêt de la narration pour introduire une réflexion dans la dernière partie de chacun des deux textes, d’autres structures nous empêchent de dire qu’il s’agit d’une fable : le réalisme de l’histoire, la stature des personnages et la fin du texte ne donnent pas de morales.

Le récit, puisqu’il s’agit bien d’un récit, nous ne parlons pas ici du genre, mais de l’ensemble des actes de parole basés sur la narration, ou à visée narrative, utilise un souvenir comme point d’encrage et le développe avec un retour en arrière et une projection dans le présent : ce qui l’empêche du point de vu narratologique d’être un « pur » récit ; s’ajoute à cela son image topographique courte. Un récit autobiographique ? On peut en faire l’hypothèse ! Mais la longueur exigée dans le récit autobiographique ne s’offre pas à ce texte, qui peut, le cas échéant, être un extrait ou un passage d’un récit autobiographique. Par ailleurs, le texte s’arrête sur un fait, non sur un événement : la visite de la mère qui se répète, le sentimentalisme que cela donne et qui est psychologiquement lié à un élément récurrent que sont les œufs « naturelles », la comparaison avec les œufs de la grande industrie.

Nous revenons à la phrase de Baudelaire citée en haut : « Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? », et face au texte d’une poétesse, nous pourrons faire une hypothèse générique qui n’est nullement dénuée de fondement : ce récit n’est-il pas un poème en prose ?

À le comparer avec certains textes de « Petits Poèmes en prose » de Baudelaire, on trouve certaines ressemblances qui nous permettent de justifier notre hypothèse : ainsi, si on s’arrête à la longueur du texte seule, nous pouvons le comparer à « La Chambre double » et au « Mauvais vitrier », si on parle du système temporel, on peut le mettre en parallèle avec « le Désespoir de la vieille » et si on veux insister sur les deux aspects, on peut le mettre en comparaison avec « le Vieux saltimbanque » et « les Tentations ou Éros, Plutus et la gloire ». 

On plus de ces comparaisons, avec les poèmes en prose de Charles Baudelaire, d’autres éléments structurels affirment notre hypothèse :

  • Le souffle donné à la phrase : hormis le premier, le quatrième, le huitième et le treizième paragraphes qui contiennent chacun deux phrases, tous les paragraphes avec des longueurs variées sont composés d’une seule phrase, nous y voyons le travail du souffle poétique. On peut opposer la souplesse poétique ici à la rigueur qu’exige éventuellement un récit en prose. Au huitième paragraphe, les trois points (de suspension) poussent à considérer les deux phrases comme une suite suspendue plutôt que deux moments énonciatifs séparés, le sens des deux phrases permet cette continuité, cette fluidité.

  • Consciemment ou inconsciemment, les paragraphes contenant deux phrases se trouvent à des intervalles presque réguliers : 1→ 4 →8 → 13 ; ce qui semble constituer une rythmique variant à une mesure presque fixe l’alternance « une phrase/deux phrases », avec une « cassure » finale qui irait à l’encontre de l’horizon d’attente : treize au lieu de douze.

  • La tonalité du texte : Françoise Urban–Menninger raconte-t-elle pour informer ou raconte-t-elle pour créer une impression et la faire partager dans une sorte de lyrisme très expressif ? Plus que « le fait », « l’émotion » semble motiver la création du texte. Le jeu qui fait passer de la qualité des œufs à l’importance de la mère participe à mettre en exergue cette intentionnalité poétique que nous avons supposée au texte.

 

 

 

  Le fonctionnement des isotopies

 

 

 

Tout texte est un tissage relationnel qui préfigure une ou plusieurs idées qui naîtront une fois qu’il est lu et interprété. C’est un tissage fait de matériaux différents dont les mots sont les plus importants. Le sens qu’il véhicule se base sur ces derniers, mais il s’arc-boute aussi sur des composants formels et non formels qui constituent le texte : les non-dits, les présupposés, les blancs, le rythme, les suggestions intertextuelles, la ponctuation, la stylisation, la mise en paragraphe, etc. Tous ses éléments participent chacun à sa manière, de son côté et à des degrés différents à produire du sens et à offrir des possibilités d’interprétation, ce que nous pouvons appeler : la surproduction du sens.

L’isotopie est un de ces éléments fonctionnels participant à la fois à la constitution du texte et à l’homogénéisation de ses éléments et de ses structures. « Par isotopie, dit Greimas ; nous entendons un ensemble redondant de  catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme du récit, telle  qu'elle résulte des lectures partielles des énoncés et de la résolution de leurs  ambiguïtés qui est  guidée  par la recherche de la lecture  unique »3.  

PourFrançois Rastier, une isotopie est « toute itération d'une  unité linguistique.  L'isotopie élémentaire comprend donc deux unités de la manifestation linguistique. Cela dit, le nombre des unités constitutives d'une isotopie est  théoriquement  indéfini »4.

Le développement de cette notion s’est fait par l’insertion de tous les éléments se constituant en redondance et itération dans un texte. Il a permis l’ouverture d’autres espaces interprétatifs dans l’approche d’un texte.

Différentes isotopies traversent le texte de Françoise Urban–Menninger et jouent des rôles différents et multiples. Si nous nous laissons guider par le titre, nous penserons directement à celle liée aux poules. Vraiment, le nombre de mots se rattachant à cette isotopie (champ lexical, termes de rapport analogique) est digne d’attirer l’attention : quarante-trois termes qui nouent des relations marquant toutes les manifestations liées aux « poules ». On a dans le texte, grâce à ces mots des réseaux de sens où les « poules » sont le maître-mot qui assure la solidité des rapports. Ces réseaux de sens constituent un supra-texte offrant des sens qui ne peuvent pas apparaître dans la linéarité du texte, ni même dans une approche traditionnelle du commentaire composé.

La poule, animal de la basse-cour. Les animaux se trouvent près des hommes, avec d’autres animaux de la basse-cour à savoir les lapins, dans le jardin et profite de ce côtoiement pour leur nourriture : épis de maïs égrenées, restes de salade et autres douceurs.

La poule et le coq. La relation entre les poules et le coq est conflictuelle dans le texte : il s’agit du «coq agressif et empressé », du « coq à crête furibonde ». Cette relation peut apparaître intéressante en vue du nombre : multiple (pluriel) pour les poules et unique (singulier) pour le coq. Nous reviendrons sur une isotopie phonique lié au coq.

La poule et les œufs. Ces deux mots sont les plus présents dans le texte, ce qui participe à la justification du titre. Une remarque de taille fait qu’ils sont moins présents dans les derniers paragraphes que dans les premiers cédant la place à l’isotopie concernant la mère. C’est ce qui nous a permis de dire plus haut que le texte est lyriquement lié à la mère, nous pouvons même ajouté qu’il lui est dédié en souvenir, et c’est encore pourquoi nous avons opté pour son classement générique sous l’étiquette de poème en prose.

La poule et les oeufs comme nourriture. Les poules ainsi que leurs produits, les œufs, sont présentes dans le texte comme aliments et nourriture, comme produit de consommation présenté avec deux aspects différent : le côté naturel, on dira volontairement « bio », et le côté « industriel » mis entre parenthèses parce que ce ne sont pas de « vrais œufs ». Les poules, «on les retrouvait rôties dans le plat vermeil sur la table endimanchée des grands jours »; alors que les poussins on les observait « sans imaginer, jamais, que ces adorables peluches finiraient dans notre assiette ! » les œufs « dégustée à la coque »  offraient « un autre bonheur », elles servaient aussi à « réaliser un de ces fameux flans au caramel ».

La poule et l’écologie. La vie des parents est « alimentée au propre comme au figuré » par des éléments de la nature avoisinante. La comparaison avec des éléments industriels tend positivement vers ce qui est naturel. Les grands-parents, ainsi que les parents, menaient cette vie proche de la nature, une vie où on trouve un bonheur multiple : celui de ramasser les œufs ou de les déguster sous différentes formes qui leur préservaient leur naturel. Cette forme de vie traverse toutes la France  du « village alsacien à proximité du Rhin et de l’Allemagne » où vivait la mère « jusque dans le midi chez ses frères et ses sœurs qui élevaient les mêmes volatiles ! »

La poule, les oeufs et l’industrie. À l’opposé de ce qui est naturel, se place ce qui est industriel : « il est vrai que leurs œufs au jaune d’or éblouissant dû à l’ingestion de pissenlits au printemps n’avaient rien de comparable avec les œufs « industriels» des grandes surfaces, » l’opposition se trouve renforcée lorsqu’on sait que consommer de « vrais œufs » participent du « bien-être » dont la mère est « soucieuse ». 

Il faut rappeler qu’à partir du dixième paragraphe le flux des mots appartenant à l’isotopie concernant les poules diminue pour laisser la place à des occurrences de la deuxième isotopie sémantique, celle liée à la mère. Celle-ci bien sûr traverse  tous le texte depuis le début jusqu’à la fin : « la part belle de son âme » ferme le texte.

Si les occurrences de cette isotopie sont moins nombreuses que celles de la précédente, elles se caractérisent plus par leur caractère répétitif, ce qui en ferait une sorte de leitmotiv, un chant en l’honneur de la mère (c’est pourquoi, aussi, nous avons préféré parler d’un poème en prose).

Comme une sorte de refrain, le mot mère revient huit fois, et plus si on compte les autres formes qui le reprennent ; et chose remarquable, nous oserons même dire bizarre, le mot père est absent du texte, même si la narratrice/poétesse parle de « rendre visite à ses parents qui vivaient dans leur maison » alsacienne  (cela, de passage,  infirme la théorie oedipienne de Freud). Dans la même perspective, le mot « grand-mère » se répète trois fois face à une seule utilisation du mot « grand-père ». Est-ce le féminisme (connaissant l’engagement, au moins littéraire, de la poétesse) ? Est-ce à cause d’une absence effective du père ? Ou est-ce dans cette perspective de placer la mère par-dessus tout ?

Le mère est aussi présente à l’ouverture de cinq paragraphes (3, 4, 7, 10, 11). Une fois encore, la distribution attire notre attention sur son rythme : 1→ 3→3→ 1. Nous continuons à trouver des systèmes de rythme intérieurs et inhérents à la constitution du texte, ce qui renforce notre point de vue sur la question générique du texte.

Ce rapport entre 1 et 3, que nous avons mentionné en parlant des grands-parents, nous permet d’ajouter une autre interprétation se liant à la présence quasi obsédante de la mère :  le fait qu’il se répète sous deux formes, lexicale et rythmique valorisent cette présence qui continue à peser de son poids dans la vie de la narratrice/poétesse des années après la mort de la mère : cette dernière, si elle est morte physiquement,elle ne l’est pas symboliquement ; elle continue son existence avec un élément dont on ne peut se séparer, la nourriture et précisément les œufs conseillés (quotidiennement) par tous les diététiciens du monde.

L’isotopie, bien qu’elle a « négligé » le père comme nous l’avons remarqué, ne cesse pas de marquer, de continuer et de renforcer les liens familiaux : la visite des parents se tenait chaque week-end ; une autre fois on retrouve un rythme constant (hebdomadaire) ; toute la famille y participe : « mon mari, les enfants et moi » ; quatre générations sont présentes dans le texte : les enfants, la narratrice/poétesse et son mari, la parents et les grands-parents ; les liens restent tissés entre les frères et les sœurs de la mère (les oncles et les tantes de la narratrice/poétesse).

L’absence du père et la forte présence de la mère peut trouver son explication ou plutôt sa justification dans l’intérêt que portait la mère à la narratrice/poétesse et aux siens : « Ma mère, soucieuse de notre bien-être ». L’idée de cette relation est renforcée, dans le texte par une reprise presque synonymique qui ouvre et clôt le texte : « C’était devenu un rituel qui semblait immuable », « Depuis lors, je ne peux voir des boîtes d’œufs sans qu’il émerge de ma mémoire l’image intemporelle de ma mère qui découpe l’horizon ». On remarque la redondance rituel/immuable et depuis lors/intemporelle, en plus d’un glissement dans le système temporel qui va de l’imparfait au début du texte au présent à sa clôture. L’intérêt s’explique aussi par le fait que les poules sont « ses poules » ; il faut noter que cette occurrence se répète trois fois dans le texte.

Les poules, c’est l’affaire des femmes dans la famille : la grand-mère avait, elle aussi ses poules : « les poules de grand-mère qui, serrées dans le petit poulailler construit par grand-père près de la cuisine », sauf que là le grand-père est présent, ce qui n’est pas le cas du père.

Une isotopie morpho-phonétique nous a interpellé par sa résonance phonique. Il s’agit de « coq, coque, coquille… ». Elle se présente comme une sorte de gradation mais sur le plan phonique, et est liée à la première isotopie, celle de la poule. Dans le texte, elle se présente dans l’ordre «  coq… coquille… coque » auquel nous trouvons une sorte de musicalité grâce à la redondance et à la variation.

 

Texte riche, au niveau de la forme comme au niveau du contenu, « Les poules  aux œufs  d’or » de Françoise Urban–Menninger, nous a offert l’occasion de mettre en pratique des approches émanant de champs et de théories critiques différents. Elles ont toutes participé à saisir le texte dans sa profondeur, il est vraiment profond tant il offre des possibilités interprétatives multiples. L’intertextualité a permis de valoriser les poules et leurs œufs en mettant en comparaison indirecte le produit alimentaire naturel et le minerai de haute valeur. La question du genre a montré que la frontière entre les genres est devenue dans notre époque presque invisible, malgré qu’il y ait des éléments structurels qui nous ont permis de justifier nos spéculations à propos du genre du texte. L’étude des isotopies empruntée à la sémiotique (Greimas et Rastier) nous a permis de trouver des réseaux de significations centrés sur la mère et sur ses poules, et sur leurs œufs.

 La mère ou les œufs ? Le texte nous a mis face à un phénomène qui traverse certains textes (narratifs ou argumentatifs surtout, mais qui peut se trouver dans d’autres types). Il s’agit de ce que nous pouvons appeler « le conflit des sujets » dans le sens de ce dont on parle, non celui de l’acteur agissant. Nous espérons avoir le temps et les possibilités d’y revenir pour l’approfondir et le traiter scientifiquement.

 

 


Notes


1. Gérard genette, Seuils. Paris,  Éditions du Seuil, 1987.

2. Charles Baudelaire, Préface de Le Spleen de Paris, A Arsène Houssaye, 1869

3. Algirdas Julien Greimas, Du sens, essais sémiotiques, Éditions du Seuil, 1970, p. 188.

4. François Rastier, « Systématique des isotopies », in Essais de  sémiotique poétique,  p.  82.

 

 

Pour citer ce texte

 

Khalifa Baba Houari , « L’amour servi avec des œufs : une approche multiple de la nouvelle « Les poules aux œufs d’or » de Françoise Urban–Menninger », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques: Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni, mis en ligne le 31 octobre 2012.

Url. http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-l-amour-servi-avec-des-oeufs-une-approche-multiple-111531815.html/Url. http://0z.fr/O_sKx

Pour visiter les pages/sites de l'auteur(e) ou qui en parlent

.... 

Auteur(e)

 

Khalifa Baba Houari est né à Méknès en 1964. Il y a suivi ses études primaires, secondaires et universitaires. Il a fait sa formation professionnelle en tant que professeur du secondaire du français langue étrangère à l’École Normale Supérieure de Méknès et à l’École Normale des Garçons à Douai en France. Homme de culture de caractère à la fois humaniste et encyclopédique, il écrit (en arabe, français et parfois en anglais) des poèmes, pièces de théâtre, nouvelles, romans et scénarios. Critique littéraire, il aime travailler en profitant de tous les courants et de toutes les écoles et les théories de la critique. Il a publié quelques-uns de ses écrits (création littéraire et critique littéraire) dans des journaux, des revues marocains et arabes. Il publie également des textes par le biais de son site web en arabe. Il a l'attention de publier ses manuscrits (plus d’une dizaine dans des domaines différents du savoir et de la création littéraire) sans y donner une grande importance (l’exemple de Kafka l’a toujours tenté). Khalifa Baba Houari est aussi traducteur arabe-français et vice-versa (il traduit par plaisir les œuvres de ses amis). Une de ses traductions est publiée chez Édilivre. Pédagogue et didacticien, il s’intéresse à l’enseignement et à ses problèmes. Il a publié en ligne un Précis grammatical qui traite de la grammaire française. Passionné d’art dramatique, il a écrit, monté et mis en scène plusieurs pièces de théâtre surtout pour enfants.Vouant son intérêt au travail associatif, surtout dans le domaine culturel, il dirige, étant le président de l’Association Chorouq Méknassi, l’organisation de trois activités annuelles nationales et arabes (on commence l’ouverture sur l’international) : la rencontre de la nouvelle, le colloque sur la poésie et le festival du patrimoine populaire.

 

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Le Pan poétique des muses - dans n°2|Automne 2012
31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 

Parution

Balbuciendo

 

           Michèle Finck 

 

http://www.laprocure.com/cache/couvertures/9782845901773.jpg

Titre : Balbuciendo

 Auteure : Michèle Finck

Résumé: le recueil comprend ''trois parties inspirées des évènements marquants de la vie de M. Finck''...

Éditions : Arfuyen , Paris
Collection : Cahiers d'Arfuyen, n° 203.
Parution :  septembre 2012

Genre : Poésie 
Reliure : Broché
Pages : 85 p.
 Format : 21 x 14 cm
Poids : 124.00 g
ISBN : 978-2-84590-177-3
EAN13 : 9782845901773
Prix : 12,00 €/11,40 €

 

 

Réception/critique dans les médias


 

 

Pour citer ce texte


« Balbuciendo : annonce de parution en poésie » , in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni, texte mis en ligne le 31 octobre 2012.

Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-balbuciendo-111440418.html/Url.http://0z.fr/oN5ws

 

 

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Le Pan poétique des muses - dans n°2|Automne 2012
31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:00

 

 

 

 

L'oiseau qui fait signe,

 

 

Le plus mystérieux mirage

&

 Hors-champs

 

Yannick Merchant 

   

 

NASSE par Y. Merchant      

©Crédit photo : Nasse est un dessin au pastel par Yannick Merchant

 

 

L’oiseau qui fait signe 

 

 

Long oiseau note de musique — fragile —

Et fort cependant

Pour se mesurer au vent

Patient patient comme le brouillard qui l’enveloppe.  

 

Sur mon passage il prend son envol

Attire à sa suite le regard

Oblige à voir plus loin 

 

Oiseau qui prend son vol ou oiseau immobile,

Impassible, souverain

Blanc sur le noir labour

Ou noir sur la portée du ciel 

 

Il fait signe mais 

 

le sait-il. 

 

©Janvier 2012  

 

Le plus mystérieux mirage

 

 

Miroitant en ces matins glacés

Le blanc envol des pics-bœufs

— Mystérieux mirage —

s’écarte en volutes

blanc, gris

sur mon passage.

 

Et je ne bougerai plus

que pour la seule félicitée 

de regarder encore

gris, blanc

L’ondoyante et silencieuse mélopée,

S’envoler et tournoyer

blanc, gris

et tournoyer encore.

 

© Mars 2010

 

Hors champs

 

 

Il n’est pas là

Je ne le vois pas

Hors champs, il ne s’impose pas

Tout juste, s’il se devine.

 

Le bleu tendrement éclabousse le blanc

Nuls feuillages, nuls fruits ne distraient cette épure.

 

L’arbre a mis de côté sa vie ; son peu de sève lui permet peut-être,

Goutte à goutte, de compter sur la douceur des saisons à venir.

En ces jours froids cependant, l’ombre contient plus de vie qu’il n’en dispose lui-même.

Délicate, cette ombre faite de mille et mille fils entrecroisés, tissés, révèle une étrange et végétale espièglerie.

 

Avec douceur, avec une indicible patience, l’arbre instille le sang d’azur, inspire ce qu’il reste de sa vie au réseau infini d’impalpable jonchée.

Et l’ombre croît, se nourrissant de sève bleue, lentement, avec une sorte d’application rêveuse.

 

Il a laissé sa vie s’écouler, et maintenant, l’arbre ne vit plus qu’à travers son ombre, l’ombre de lui-même, étendue là, sur la pelisse de froid.

Fil à fil, il s’y tient.

 

L’arbre parle dans son sommeil. L’arbre gravement sourit.

 

Et comme pour détourner l’attention de sa Majesté endormie, l’ombre bleue désigne, inlassablement, l’horizon

 

La légèreté de l’air offre une perception nette de l’entrelacs de lumière et nuit. Les sens détectent jusqu’à l’odeur froide de l’écorce,

Et sous celle de la neige, étouffée mais vivante, l’odeur de la terre et du foin détrempé.

 

La neige enveloppe tout et fait absolument tout miroiter, rutiler, étinceler.

Tout est depuis toujours blanc et quoiqu’étrange, le paysage semble n’avoir pas véritablement changé

Il s’est juste transmué en un cadeau fraîchement enveloppé de blancheur, dont on ne sait si elle est jeunesse ou sagesse.

 

Sous un bosquet pourtant, troublant l’air impavide, de gros flocons muets tombent, tombent sans interruption, comme par le fait d’un facétieux microclimat.

 

Ailleurs tout est figé.

 

Seuls les pas ponctuent en creux gris, crissant, le chemin immaculé.

 

© 3 janvier 2010


 

Pour citer ces poèmes


Yannick Merchant, « L'oiseau qui fait signe », « Le plus mystérieux mirage » & « Hors-champs », in Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Poésie des femmes romandes », « Muses & Poètes . Poésie, Femmes et Genre », n°2|Automne 2012 [En ligne], (dir.) Michel R. Doret, réalisé par Dina Sahyouni, textes mis en ligne le 31  octobre 2012.

Url. http://www.pandesmuses.fr/article-n-2-oiseau-signe-plus-mirage-champs-111424060.html/Url. http://0z.fr/SO8LH 

 

Pour visiter les pages/sites de l'auteur(e) ou qui en parlent

 

http://motile-motile.blogspot.fr/

 http://www.youtube.com/user/m0tile/videos?view=0  

 

Auteur(e)


Yannick Merchant, à sa naissance en 64, Yannick Merchant suit sa famille dans ses pérégrinations étrangères, Allemagne et États-Unis. Plus tard, elle rallie ses racines du Sud ouest en France. Elle publie un premier recueil de poèmes en 2010 Sable émouvant puis un second recueil intitulé Poèmes de jours et de nuits en janvier 2012. La même année, elle fonde l'entreprise Motile où elle exerce le métier de rédactrice indépendante. Autodidacte, son terreau culturel est un joyeux compost drainé de lectures infuses, de références universitaires en rhizomes et d’expériences vivaces.  

 

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