Poème pour la 2ème thématique :
Les aventurières, orientalistes, occidentalistes, voyageuses, nomades, rêveuses en poésie, etc.
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Elle marchait au bord de l’eau comme si…
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Aurélie-Ondine Menninger
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Elle marchait au bord de l’eau comme si…
Oui, ça lui prenait parfois, elle marchait au bord de l’eau…Tout au bord… De loin, on pouvait croire qu’elle marchait sur l’eau, qu’elle était toute tenue par le fil de l’eau, la ligne de son corps partant des reflets, des jeux de la lumière sur les parties ondulantes de la jeune fille lorsqu’elle marche. Et elle était seule. Sur son visage, nulle envie, nulle traversée, pas un sentiment humain, une voie seule, unique, livre toute la liberté de ses pas, ses pas comme les pages qui se déplacent, se tournent et s’ourlent dans la mer du roman où les phrases jusqu’à l’écume blanche des marges, se couchent, se heurtent à la possibilité de l’écriture… Des vagues ce sont…
Elle marche au bord de l’eau.
Ainsi, elle marche. Mais c’est une danse que l’on voit, comment est-ce possible, l’on ne sait pas – ça danse sous ses pieds, dedans, oui, au-dedans d’elle, ça danse.
Aujourd’hui, plus que d’habitude, ça danse triste sous ses pieds… Une langueur, une lenteur, un pas plus las, une ligne plus bleue circule autour de son corps, elle est une larme qui danse, car ce soir, elle a vu l’ange blessé dans le tableau appelé La danse des anges. Elle a vu l’or des ailes sur la couleur pourtant patinée de la grande tapisserie du musée, et sur l’or, sur la jolie dorure des ailes, des petites gouttes vermillon, rouges du sang de l’ange qu’une flèche vient de transpercer. Elle saigne avec l’ange, dans sa marche…
Et sur l’eau, des petits frissons jouent à mimer les ailes de l’ange…
L’eau, la jeune fille blessée, à son bord, tremblant, les reflets rouge et or du soleil, sur la plaie de la rive qui est aussi la plaie du rêve…
Elle s’était dit : « cet ange, c’est moi, c’est un autre moi ». C’était la blessure plus que l’ange qu’elle avait reconnue. La même, anonyme, du Gilles, ce pierrot triste de Watteau, une douleur, cette fois visible au cœur de la tapisserie, au centre d’une fête.
Il fallait bien la danse, le retour d’un pas léger pour apaiser la douleur, ou du moins lui rendre la musique dans la beauté d’un mouvement sur un corps…
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Pour citer ce poème
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Aurélie-Ondine Menninger, « Elle marchait au bord de l’eau comme si… », Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique « Megalesia 2016 » [En ligne], mis en ligne le 20 avril 2016. Url : http://www.pandesmuses.fr/2016/04/ecrire.html
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