Événements poétiques | Megalesia 2021 | Réflexions féministes sur l'actualité*
Désir à géométrie variable
Définition de Désir :
Le vocable désir renvoie toujours à quelqu’un ou à quelque chose de palpable ou d’impalpable. Ainsi dans un poème le désir peut être simplement implicite.
Dans l’antiquité le désir ne relevait pas forcément du sentiment amoureux ainsi tomber amoureux de sa femme n’était pas politiquement correct. Ainsi à propos du roi Candaule Hérodote raconte « qu’un roi tombe amoureux de sa femme, le public comprend que c’est le signe de malheurs politiques à venir. » Le désir ne se réfère pas forcément à une dualité hétérosexuelle car il est question d’interchangeabilité des rapports puisque une femme peut se comporter comme un homme et vice versa, pas de barrières entre les sexes comme le montre bien Ovide dans les Métamorphose d’Ovide : Iphis élevée comme un garçon change de sexe pour pouvoir épouser Ianthé, celle que son père lui désigne pour épouse.
Quand le désir émane du sentiment amoureux, le poète se fait l’interprète des intentions du corps, le désir devient scriptural. Cependant le désir peut être aussi l’expression d’un vœu non charnel, il est à ce moment-là l’expression d’un idéal traduisible par des mots. En écrivant on le vitalise, on le sublime, on le dynamise.
Pour qu’il y ait désir il faut qu’il y ait un objet, je dirais un objet dynamisant et cela fait penser à Baudelaire dans les Fleurs du mal quand il dit « Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard. »
Une partie du corps peut suffire à attiser le désir, ainsi concernant la belle Julie Musset avance :
« Donne-moi tes lèvres, Julie ; »
Donne-les-moi, mon Africaine,
Tes belles lèvres de pur sang. »
La bouche c’est le siège de l’oralité et l’enfant dès la naissance expérimente la phase orale, c’est par là que commencent les préliminaires, les prémices de l’amour.
« Ta bouche est brûlante, Julie ;
Inventons donc quelque folie
Qui nous perde l’âme et le corps. »
Chez le poète le désir est en gradation ascendante, là il atteint son paroxysme.
Puisque c’est par toi que j’expire,
Ouvre ta robe, Déjanire,
Que je monte sur mon bûcher.
L’absence peut aiguiser le désir car la nature a horreur du vide : C’est ce qui se constate chez Claude-Charles Pierquin de Gembloux qui s’ennuie de l’être aimé. Dans « Le délire d'amour », il avance :
« Sur le duvet lui seul était absent
Quand le désir me brûle, me dévore,
Toute la journée je le cherche encore » !
Ou encore :
« Je te désire, ange de mon cœur,
Toi que tendrement j'aime et j'adore ! »
Le désir est sublimé par la tendresse, fruit d’un amour vrai.
On constate également que la perception du désir varie selon les auteurs.
Selon Rémy BELLEAU (1528 – 1577) Ne se cantonne pas dans le désir en tant que sentiment amoureux mais il le considère dans une acception plus large.
Ainsi dans son poème intitulé Le Désir, il avance :
« Celuy n'est pas heureux qui n'a ce qu'il désire,
Mais bienheureux celuy qui ne désire pas
Ce qu'il n'a point : l'un sert de gracieux appas
Pour le contentement et l'autre est un martyre. »
*
ou encore :
« Désirer est un mal, qui vain nous ensorcelle ;
C'est heur que de jouir, et non pas d'espérer :
Embrasser l'incertain, et toujours désirer
Est une passion qui nous met en cervelle. »
« C’est un périlleux orage » car ça bouleverse, ça secoue, ça perturbe ; la jouissance n’est pas manifeste mais l’attente, c’est fracassant même.
On est tenté de lui appliquer cette maxime : « Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire ».
* Sur le thème "Désir", actualité du Festival Le Printemps des Poètes.
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Pour citer ce texte
Maggy De Coster, « Désir à géométrie variable », texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Megalesia 2021, mis en ligne le 10 mars 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/megalesia21/mdc-desirvariable
Mise en page par Aude Simon
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