Sarah Mostrel (poèmes & illustrations inédits), « À venir... », « Douce saison » & « Le printemps des poétesses », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Megalesia 2021/I « Poésies printanières & colorées », mis en ligne le 11 mars 2021.Url :
Paris. Dimanche 7 mars 2021. Couvre-feu à dix-huit heures. Quartier latin, Saint-Germain-des-Prés, bords de Seine dépeuplés. Restaurants verrouillés, cafés fermés, rideaux baissés, tagués de slogans ravageurs. Chaises empilées dans les brasseries de la Place Saint-André-des-Arts. Commerces de livres ruinées. Les quatre librairies Gibert Jeune, Place Saint-Michel, fondées en 1888, tirent leurs rideaux, définitivement.
Je photographie la vieille enseigne avant son démantèlement. S’étouffe Cathédrale Notre-Dame dans son corset d’acier. Des sirènes hurlantes déchirent le silence, de temps en temps. Interdictions partout, interdictions dans toutes les têtes.
L’urbaine vacuité me vaut une longue méditation devant la statue jupitérienne de Victor Hugo dans le parc du musée Rodin, miraculeusement accessible. Je salue au passage le peintre Jules Bastien-Lepage. Son portrait de l’actrice Juliette Drouet, maîtresse inamovible de Victor Hugo pendant un demi-siècle, défraîchie par les années, reste à jamais dans ma mémoire. Les Bourgeois de Calais m’interpellent. Je m’arrête par complaisance. Je les ai étudiés sous toutes les coutures. La Porte de l’Enfer en bronze aspire le visiteur. La Divine Comédie de Dante Alighieri dans sa terrifiante splendeur. Corps tordus, membres désarticulés, regards effarés. Corps nus, tourmentés, contorsionnés. Les agonisants se bousculent, s’entrechoquent, se piétinent, et soudain, à l’extrémité du tympan, La Méditation, jeune femme gracieuse, anachronique dans l’amas de chair, reflue à contre-sens, freine la marche sans retour vers les abîmes. J’imagine cette sculpture phénoménale, babylonienne, comme un monument dédié au virus inconcevable, qui se propage sans limites, qui contamine les villes et les campagnes, les forêts impénétrables et les montagnes inabordables, les déserts infranchissables et les terres inapprochables, qui se métamorphose et se réincarne. Je me refuse d’adopter ses dénominations pseudo-scientifiques. Les choses n’existent qu’à partir du moment où elles sont nommées (Walter Benjamin). Les réalités, les allégories, les symboliques de la crise sanitaire éclatent aux yeux.
« Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ». Services d’urgence. La fin du monde au bout du couloir. Les Trois Ombres, figures inexpiables de la malédiction, surmontant l’apocalyptique spectacle, ne sont qu’une même entité tournant sur elle-même. La Désespérance, en haut du vantail droit, femme assise, tête baissée, une jambe rabattue, l’autre tendue, pied serré dans la main. La posture écartelée exprime l’informulable.
Le Penseur, entouré de damnés du ciel et de la terre. Masques douloureux. Le Penseur courbé, rompu, coude posé sur la jambe, menton appuyé sur la main, ultime valeureux, dans toute son impuissance. Le Penseur, halluciné d’idées virales, de visions sépulcrales, de perceptions spectrales. La Femme accroupie, jambes cassées, écartées, corps ramassé sur lui-même, broyé de désir et de douleur. Volupté vénéneuse. Je pense au Penseur penché sur la tombe d’Auguste Rodin dans la Villa des Brillants à Meudon, réfugié dans l’éternelle contemplation de la mort. Ce Penseur est finalement Auguste Rodin lui-même, inébranlable gardien de l’œuvre et de la sépulture. Il est Dante Alighieri. Il est Charles Baudelaire. Il est miroir des miroirs. « Le dédoublement prend ici la forme la plus nette, être à soi objet, se peindre comme une châsse, pour s’emparer de l’objet, le contempler longuement et s’y fondre. L’attitude originelle de Baudelaire (et de Rodin) est celle d’un homme penché (comme Le Penseur). Penché sur soi, comme Narcisse. Pour nous autres, c’est assez de voir l’arbre ou la maison. Baudelaire (comme Rodin) est l’homme qui ne s’oublie jamais. Il se regarde voir, il regarde pour se voir regarder ». (Jean-Paul Sartre, Baudelaire, éditions Gallimard, 1947).
Charles Baudelaire se convoque dans la pandémoniaque bacchanale. Les titres des Fleurs du mal ponctuent la composition. Le poète s’aliène de sa quête d’absolu. L’artiste aussi. L’inaccessible beauté parade dans les géhennes. Rêves de pierre. Amours de marbre. « Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre / Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour / Est fait pour inspirer au poète un amour / Éternel et muet ainsi que la matière / Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris /J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes / Je hais le mouvement qui déplace les lignes / Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris / Les poètes, devant mes grandes attitudes / Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments / Consumeront leurs jours en d'austères études / Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants / De purs miroirs qui font toutes choses plus belles / Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! » (Charles Baudelaire, La Beauté).
Je m’attarde devant le monument à Victor Hugo, statufié sur le rocher de Guernesey, entouré des muses de la jeunesse, de la maturité et de la vieillesse. La matière brute se conjugue aux formes ciselées. La plénitude s’accomplit dans l’inachevé. Sculpture en poème infini. Le personnage fusionne avec son assise, devient une île, secouée par les vagues. Du brisant surgit l’illumination.
Et la sculpture devient, sous mes yeux, embarcation flottante. « Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants /Passer, gonflant ses voiles /Un rapide navire enveloppé de vents /De vagues et d’étoiles /Et j’entendis, penchés sur l’abîme des cieux /Que l’autre abîme touche /Me parler à l’oreille une voix dont mes yeux /Ne voyaient pas la bouche / Poète tu fais bien ! Poète au triste front /Tu rêves près des ondes /Et tu tires des mers bien des choses qui sont /Sous les vagues profondes ! /La mer, c’est le Seigneur, que, misère ou bonheur /Tout destin montre et nomme /Le vent, c’est le Seigneur ; l’astre, c’est le Seigneur /Le navire, c’est l’homme » (Victor Hugo, Les Contemplations). Relecture en soirée des Châtiments, d’une étrange actualité.
Mustapha Saha (texte, peintures & photographies inédits), « Escapade au Musée Rodin »,Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Megalesia 2021 & N°9| Femmes, Poésie & Peinture sous la direction de Maggy De Coster, mis en ligne le 11 mars 2021.Url :
Le vocable désir renvoie toujours à quelqu’un ou à quelque chose de palpable ou d’impalpable. Ainsi dans un poème le désir peut être simplement implicite.
Dans l’antiquité le désir ne relevait pas forcément du sentiment amoureux ainsi tomber amoureux de sa femme n’était pas politiquement correct. Ainsi à propos du roi Candaule Hérodote raconte « qu’un roi tombe amoureux de sa femme, le public comprend que c’est le signe de malheurs politiques à venir. » Le désir ne se réfère pas forcément à une dualité hétérosexuelle car il est question d’interchangeabilité des rapports puisque une femme peut se comporter comme un homme et vice versa, pas de barrières entre les sexes comme le montre bien Ovide dans les Métamorphose d’Ovide : Iphis élevée comme un garçon change de sexe pour pouvoir épouser Ianthé, celle que son père lui désigne pour épouse.
Quand le désir émane du sentiment amoureux, le poète se fait l’interprète des intentions du corps, le désir devient scriptural. Cependant le désir peut être aussi l’expression d’un vœu non charnel, il est à ce moment-là l’expression d’un idéal traduisible par des mots. En écrivant on le vitalise, on le sublime, on le dynamise.
Pour qu’il y ait désir il faut qu’il y ait un objet, je dirais un objet dynamisant et cela fait penser à Baudelaire dans les Fleurs du mal quand il dit « Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard. »
Une partie du corps peut suffire à attiser le désir, ainsi concernant la belle Julie Musset avance :
« Donne-moi tes lèvres, Julie ; »
Donne-les-moi, mon Africaine,
Tes belles lèvres de pur sang. »
La bouche c’est le siège de l’oralité et l’enfant dès la naissance expérimente la phase orale, c’est par là que commencent les préliminaires, les prémices de l’amour.
« Ta bouche est brûlante, Julie ;
Inventons donc quelque folie
Qui nous perde l’âme et le corps. »
Chez le poète le désir est en gradation ascendante, là il atteint son paroxysme.
Puisque c’est par toi que j’expire,
Ouvre ta robe, Déjanire,
Que je monte sur mon bûcher.
L’absence peut aiguiser le désir car la nature a horreur du vide : C’est ce qui se constate chez Claude-Charles Pierquin de Gembloux qui s’ennuie de l’être aimé. Dans « Le délire d'amour », il avance :
« Sur le duvet lui seul était absent
Quand le désir me brûle, me dévore,
Toute la journée je le cherche encore » !
Ou encore :
« Je te désire, ange de mon cœur,
Toi que tendrement j'aime et j'adore ! »
Le désir est sublimé par la tendresse, fruit d’un amour vrai.
On constate également que la perception du désir varie selon les auteurs.
Selon Rémy BELLEAU (1528 – 1577) Ne se cantonne pas dans le désir en tant que sentiment amoureux mais il le considère dans une acception plus large.
Ainsi dans son poème intitulé Le Désir, il avance :
« Celuy n'est pas heureux qui n'a ce qu'il désire,
Mais bienheureux celuy qui ne désire pas
Ce qu'il n'a point : l'un sert de gracieux appas
Pour le contentement et l'autre est un martyre. »
*
ou encore :
« Désirer est un mal, qui vain nous ensorcelle ;
C'est heur que de jouir, et non pas d'espérer :
Embrasser l'incertain, et toujours désirer
Est une passion qui nous met en cervelle. »
« C’est un périlleux orage » car ça bouleverse, ça secoue, ça perturbe ; la jouissance n’est pas manifeste mais l’attente, c’est fracassant même.
On est tenté de lui appliquer cette maxime : « Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire ».
* Sur le thème "Désir", actualité du Festival Le Printemps des Poètes.
***
Pour citer ce texte
Maggy De Coster,« Désir à géométrie variable », texte inédit, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Megalesia 2021, mis en ligne le 10 mars 2021.Url :
Dina Sahyouni, « Dors, belle Alisha » poème élégiaque inédit,Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Megalesia 2021, mis en ligne le 10 mars 2021.Url : http://www.pandesmuses.fr/megalesia21/ds-bellealisha
Cette section n'a pas été mise à jour depuis longtemps, elle est en travaux. Veuillez patienter et merci de consulter la page Accueil de ce périodique.
Table de Megalesia 2021 Édition 2021 du 8 mars au 31 mai Festival International & Multilingue des Femmes & Genre en Sciences Humaines & Sociales En partenariat avec la Société Internationale d'Études des Femmes & d'Études de Genre en Poésie (SIÉFÉGP)...
Événements poétiques | Megalesia 2021 | Poésie audiovisuelle À mesure que je t’aime, Une saveur de ciel & I have a dream Poème & peinture de Sarah Mostrel Site : https://sarahmostrel.wordpress.com Facebook : www.facebook.com/sarah.mostrel
À mesure que...
REVUE ORIENTALES (O) | N°1 | Carte blanche à une artiste | Poésie audiovisuelle Savoir discerner dans la prudence, Savoir pardonner dans la simplicité & Savoir espérer dans la foi Nicole Coppey Site officiel : http://www.nicolecoppey.com/ Chaîne officielle...
Événements poétiques | Megalesia 2021 | Poésies printanières & colorées | Florilège de textes poétiques Je vous aime Poème de Corinne Delarmor Peinture de Mariem Garali Hadoussa Artiste plasticienne & poète Présidente de l ’ association "Voix de femme...