N°9 | Femmes, poésie & peinture | Revue Poépolitique | Revue culturelle des Amériques
Derecho de admisión,
Yeison F. García López,
La imprenta, Collection Hojas de
yerba, Madrid, 2021
Poèmes de
Poète Afro-colombien
Poèmes traduits de l’espagnol et présentés par
Site personnel
© Crédit photo : Couverture illustrée du recueil, image fournie par la traductrice.
Derecho de admisión, Yeison F. García López, La imprenta, Collection Hojas de yerba, Madrid, 2021.
Les poèmes de ce recueil revêtent un ton grave. Ils sont l’expression d’une grande souffrance d’un enfant arraché à son pays d’origine et devant faire face au racisme du pays d’accueil.
© Crédit photo : Le poète Yeison F. García López lisant ses poèmes, image fournie par la traductrice.
Yeison F. García López, se définit comme Afro-colombien et Afro-espagnol. Il a étudié les Sciences politiques et est détenteur d’un Master en Méthodologie de l’investigation en Sciences Sociales :Innovations et applications, à l’Université Complutense de Madrid. Depuis 2016 il est très actif dans le milieu littéraire et culturel espagnol et milite contre le racisme. En 2016 il a publié « Voces del impulso », ed. Centro de Estudios Panafricanos, (traduction : Voix de l’impulsion, Centre d’études, Panafricaines ) Il a participé à plusieurs publications collectives : anthologies et revues espagnoles. Sa poésie a su trouver une résonance dans les médias littéraires comme Radio Africa Magazine, Wiriko y Africanidad.
Derecho de admisión
Hay una cola larga en la acera,
esperamos nuestra suerte,
ya puedo escucharles:
– ¿“DNI?, pasen”.
Espero que no suceda una vez más,
no quiero quedarme fuera,
la última vez fue mi culpa,
eso me hicieron crecer.
Voy bien vestido,
ni pendientes, ni gorra ni zapatillas,
el pelo recién cortado,
no les daré ningún pretexto,
la gente del barrio ha ido, quiero entrar.
¿Tienes 16 años? ¿Documentación?
– Pasa
Con algo más de edad,
hemos bebido en una plaza,
vamos porque nos han dicho que es gratis,
Los que entran antes de nosotros no pagan,
Esperemos que no ocurra.
– Son 20 euros.
– ¿ Por qué?
Nos miramos,
vemos con claridad el itinerario
que segrega nuestros cuerpos,
¿Donde denunciamos?
No servirá de nada,
aprovechamos un descuidado para arrojarles piedras.
La última vez fue en un bar de Malasaña,
ya estaba en la universidad, llamé a los que dicen protegernos,
me dijeron: “derecho de admisión”,
te preguntas a ti mismo por qué les has llamado?,
tus amigos y amigas se sienten a través de tu dolor,
efímero instante, estampa con caducidad,
mi piel no es un disfraz, mi piel no es un momento.
Una vez más mi noche termina en esquizofrenia,
yo que me considero fuerte,
siento claudicar una parte de mí,
Aunque no quiero
No es ausencia de rabia es ausencia de todo,
es un Madrid que me cercena desde la infancia,
una parte de esta ciudad nos quiere fuera.
Perdonad si estos versos os incomodan,
os lanzan una realidad que no queréis mirar,
permitidme deciros que vuestra fragilidad
en este espacio no importa,
que soy yo el que habla ahora del derecho de admisión
a vuestros comentarios.
**
Droits d'entrée
Il y a une longue file d'attente sur le trottoir
nous attendons notre chance,
Je vous entends déjà :
« DNI ? Entrez. »
J'espère que ça n'arrivera plus
je ne veux pas rester dehors
la fois dernière c'était ma faute,
ça m'a fait grandir.
Je suis bien habillé
pas de boucles d'oreilles, pas de casquette ni d pantoufles,
cheveux fraîchement coupés,
je ne vous donnerai aucune prétexte,
les gens du quartier sont partis, je veux entrer.
– Tu as 16 ans ? Document ?
– Passe.
Dans un endroit hors du temps,
nous avons bu sur place,
nous y allons parce qu’on nous a dit que c’est gratuit,
ceux qui entrent avant nous ne paient pas,
Espérons que cela n'arrive pas.
– C'est 20 euros.
– Parce que ?
Nous nous regardons,
Nous voyons clairement l'itinéraire
qui nous sépare,
À qui aurons nous recours ?
ça ne servira à rien
nous nous sommes servis d’un imprudent pour leur jeter des pierres.
La dernière fois, c'était dans un bar de Malasaña,
j'étais déjà à l’université, j'appelais ceux qui prétendent nous protéger,
ils m'ont dit : « droit d'admission »,
tu te demandes pourquoi tu les as appelés ?
les amis des deux sexes ressentent ta douleur,
instant fugace, frappé de caducité,
ma peau n'est pas un déguisement, ma peau n'est pas un instant.
Encore une fois ma nuit se termine dans la schizophrénie
je me considère fort
Je sens une partie de moi céder,
Bien malgré moi
ce n'est pas l'absence de rage, c'est l'absence de tout,
c'est un Madrid qui me coupe depuis l'enfance,
une partie de cette ville veut que nous partions.
Pardonnez-moi si ces vers vous dérangent,
ils vous jettent une réalité que vous ne voulez pas regarder,
laissez-moi vous dire que votre fragilité
dans cet espace n’a pas d’importance,
que je suis celui qui parle maintenant du droit d’admission.
à vos commentaires
**
Somos subversión
Son las voces tempranas
las que narran como mar de fuego,
Crecemos sin que nos vean,
al igual que no ven a nuestros padres y madres,
para ellas y ellos simple fuerza de trabajo.
Recordamos a Jeanneth Beltrán1,
Luis Víctor Gualotuña2 y a tantos otros, otres, y otras,
Ahora y aquí,
nuestras ancestralidades son la fuente,
el ritual,
la idea,
ahora, ahora y aquí,
somos subversión.
1. Jeanneth Beltrán fue una joven nicaragüense en situación administrativa irregular que murió en el 2014 en Toledo como consecuencia del Real Decreto 1/2012, legislación que negaba el derecho a la atención sanitaria normalizada y publica a cientos de miles de personas en el Estado español.
2. Luis Víctor Gualotuña, tenia 55 anos y era un trabajador ecuatoriano que trabajan sin contrato. Murió tras de caer de un andamio en Alborada (Valencia). El empresario decidió no llamar al 11 y lo dejo moribundo en el hospital.
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Nous sommes subversion
Ils sont les premières voix
qui racontent comme une mer de feu,
Nous grandissions sans être vus
tout comme ils ne voient pas nos pères et nos mères,
eux simple force de travail.
On se souvient de Jeanneth Beltrán1,
Luis Víctor Gualotuña2 et bien d'autres, d'autres et d'autres.
Maintenant et ici
nos ancêtres en sont la source,
le rituel,
l'idée,
maintenant, maintenant et ici,
nous sommes subversion.
Notes
1. Jeanneth Beltrán était une jeune nicaraguayenne en situation irrégulière décédée en 2014 à Tolède à la suite du décret royal 1/2012, une législation qui niait le droit à des soins de santé standardisés et qui publie des centaines de milliers de personnes dans l'État espagnol.
2. Luis Víctor Gualotuña, avait 55 ans et était un ouvrier équatorien qui travaillait sans contrat. Il est décédé des suites d'une chute d'un échafaudage à Alborada (Valence). L'homme d'affaires a décidé de ne pas appeler le 11 et l'a laissé mourir à l'hôpital.
**
Crecer sin tierra
A las que migramos en la niñez
nos toca gravitar en el aire,
ser puente entre varios universos,
reclamar nuestra libertad de pertenencia
a las cosas de las que nos hablaban en casa,
y a otras que han rodeado la mirada.
Hemos crecido en mil mundos,
hablamos diferentes lenguas
para poder comunicarnos desde el limbo.
Tejemos y destensamos la vida
para que nos aguante.
Nuestra identidad está abiertamente
en contra del olvido.
Las cabinas y locutorios fueron nuestra conexión
con aquello que sentíamos cerca,
eran nuestra patria.
En mi casa se escucho “faltan 5 pa las doce” siempre.
Cada ano alguien nos recuerda que no nacimos aquí,
que nuestra piel no corresponde a su idea.
En algún momento hemos escarbado un agujero
para escondernos y solo escuchar el latido,
de nuestros corazones de barro.
Olemos a raíces,
Nos arraigamos a la justicia,
cultivamos amor
para poder recibir algo de cariño.
En el desplazamiento dulce de nuestros cuerpos,
de aquí de allí,
de allí de acá,
aprendimos a no crecer
en la neutralidad.
Me hablo a mí,
a una generación,
a las infancias
con procesos migratorios,
que crecieron sin tierra.
Grandir sans terre
Quand on émigrer pendant l'enfance
il nous incombe de graviter dans l'air,
d’être un pont entre plusieurs univers,
de revendiquer notre liberté d'appartenance
aux choses qui font partie de notre oralité
et à d'autres qui s’offrent au regard.
Nous avons grandi dans mille mondes
nous parlons des langues différentes
pour pouvoir communiquer depuis les limbes.
Nous tissons et nous révélons la vie
pour qu’elle nous supporte.
Notre identité est ouvertement
contre l'oubli.
Les cabines et les parloirs étaient notre lien
avec ce dont nous nous sentions proches,
ils étaient notre patrie.
À la maison, on écoute toujours "il est minuit moins cinq ".1
Chaque année quelqu'un nous rappelle que nous ne sommes pas nés ici,
que notre peau ne correspond pas à son idée.
À un moment donné, nous avons creusé un trou
pour nous cacher et juste écouter les battements du cœur,
de nos cœurs d'argile.
Nous sentons pousser les racines
nous nous encrons dans la justice,
nous cultivons l'amour
pouvoir recevoir de l'affection en retour,
dans le doux déplacement de nos corps,
d'ici à là-bas,
de là-bas à ici,
nous avons appris à ne pas grandir
dans la neutralité.
Je parle de moi-même
d’une génération,
celle de l'enfance
confrontée au processus migratoire,
qui grandira sans terre.
1. Chanson populaire colombienne en prélude au nouvel an.
**
Las vidas de las nuestras importan
Me educaron para ser un buen negro migrante
eran sus
era el rumor,
eran sus trampas,
las que giraban las piezas.
Retorcí mi acento tanto
que a destierro olía mi boca.
Cada mañana desorientado sonreía al silencio,
sentado en un rincón aun me recuerdo atrapando gestos,
subterfugios para ser integrado,
igual que el papel de macho desprovisto de sensibilidad
dispuesto a romperlo todo o participar en la provocación,
abracé tantas cosas al mismo tiempo
para ser un negro de verdad,
que muchas de ellas se hicieron epidermis,
entraron en mi sangre, fueron camino.
No me arrepiento de nada,
en la breve juventud viví lo imposible,
cogí las opciones que se me daban,
fuimos dueños de unos cuantos barrios.
Pude ser yo pero no fui,
traicioné a las canciones de rap americano,
traicioné las esperanzas del profesorado del insti,
traicioné a esa imagen pulida durante anos,
traicioné a tantas y tantos
que el sistema aún no me lo perdona.
Escúchame,
no es un problema tuyo,
no te pierdas en su maraña,
Entiende este orden para crear tu propio caos.
Descansa cuando lo necesites.
Ni siquiera nos pertenecen
las palabras con las cuales nos nombran,
lo único nuestro es la posibilidad de crecer
en que las vidas de las nuestras importan.
Que no nos digan que esperemos,
nadie puede aplacar nuestra sed de justicia,
no nos pueden culpar por visibilizar una tensión oculta
no nos pueden señalar por no ser complacientes,
nuestro amor por la existencia se ha manifestado.
Nos vies comptent
On m’a élevé pour être un bon migrant noir
c’était viscéral,
c’était le mot d’ordre,
c’était leurs pièges,
ceux qui ont joué le jeu.
J'ai tellement tordu mon accent
que ma bouche sentait l'exil.
Chaque matin désorienté, je souriais au silence,
je me souviens encore assis dans un coin, mimant les gestes,
les subterfuges à intégrer,
comme le rôle du mâle dénué de sensibilité
prêt à tout casser ou à participer à la provocation,
j’ai embrassé tant de choses en même temps
pour être un vrai nègre
que beaucoup d'entre elles sont devenues épidermiques,
elles sont pénétré mon sang, elles ont fait du chemin.
Je ne regrette rien,
dans ma brève jeunesse j'ai vécu l'impossible,
j'ai pris les options qui m'ont été données,
nous possédions quelques quartiers.
Je pourrais être moi-même mais je ne l'étais pas,
j'ai trahi les chansons du rap américain
j'ai trahi les espoirs du professorat de l’institut,
j'ai trahi cette image polie pendant des années
j'ai tant trahi
que le système ne me le pardonne toujours pas.
Écoute-moi,
ce n'est pas ton problème,
ne te perds pas dans leur enchevêtrement,
comprends cet ordre pour créer ton propre chaos.
Repose-toi au besoin.
Les mots avec lesquels on nous nomme,
ne sont pas les nôtres
il nous importe seulement de grandir
là où notre vie compte.
Qu’on ne nous dise pas d’attendre
personne ne peut apaiser notre soif de justice,
on ne peut pas nous reprocher de rendre visible une tension cachée
on ne peut pas nous en vouloir de ne pas être complaisants
notre amour de la vie est manifeste.
***
Pour citer ces poèmes engagés
Maggy de Coster (poèmes traduits & présentés par), « Derecho de admisión, Yeison F. García López, La imprenta, Collection Hojas de yerba, Madrid, 2021 », extraits traduits avec l'aimable autorisation de l'auteur & sa maison d'édition, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 9| Fin d'Été 2021 « Femmes, Poésie & Peinture », 2ème Volet sous la direction de Maggy De Coster, mis en ligne le 30 juin 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/no9/mdc-derechodeadmision
Mise en page par David Simon
© Tous droits réservés
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