N°14 | Les conteuses en poésie | Critique & réception | Dossier mineur | Articles & témoignages
Rien, le ciel peut-être
poésies de Paloma Hermine Hidalgo
Recueil paru aux éditions Sans Escale
avec une préface de Dominique Sampiero
Critique par
© Crédit photo : Première de couverture illustrée du recueil de poésies de Paloma Hermine Hidalgo, Rien, le ciel peut-être aux éditions Sans Escale.
Pourquoi ce titre désabusé et énigmatique qui renvoie au rien, voire au néant mais qui, dans le même temps s'ouvre sur une possible note d'espoir « le ciel peut-être » ? L'écriture est-elle ce ciel qui éclaire l'abysse dans lequel s'est abîmée, entre douleur et jouissance, Paloma Hermine Hidalgo ?
De cette plongée vertigineuse dans l'obscur d'une relation incestueuse mère-fille, l'autrice ramène à la pleine lumière les fragments hallucinants d'une écriture à la beauté irradiante qui bouleverse les convenances, déconstruit et renverse les tabous inhérents à la morale.
Le préfacier de ce recueil, Dominique Sampiero, le qualifie de « Cap Horn de la chair » ! L'on songe d'emblée au livre de Pierre Louÿs « Trois filles de leur mère » mais mieux encore, avec l'autrice nous franchissons les frontières des ténèbres de l'indicible et de l'inouï. « Fesse-la, ta rosière, dont le saccage de miel s'ouvre en brèche topaze », écrit-elle. Les mots et les images, tels des diamants bruts, s'invitent dans une danse orgiaque qui fait se pâmer le corps du texte. L'on appréhende avec l'autrice des terres inconnues, enfouies ou en dormance dans notre inconscient collectif.
L'âme se délite dans ce corps où mère et fille ne font plus qu'une dans un chavirement des sens qui conduit inexorablement à la « petite mort » qui précède celle de l'anéantissement dans le rien. On lit : « Donne : je te sacrifierai colombe, pur agneau, te ferai l'offrande d'os de seiches, de corne de narval, s'il en échoue sur la côte ».
La mère, à la fois mante religieuse, dévoreuse et dévorée, soumet sa fille à des agapes funestes 'l'épieu, trouant nos bustes, toutes deux crever, clouées au chêne amer, d'assez spacieuse écorce pour y nicher deux mortes ».
Françoise Héritier, dans son ouvrage « Les deux sœurs et leur mère. Anthropologie de l'inceste », affirmait de l'inceste mère-fille qu'il reposait sur une réalité physiologique tangible que sont les « humeurs » corporelles. Si Paloma Hermine Hidalgo évoque ces humeurs corporelles qui imprègnent le corps du texte jusqu'à l'absorber, elle nous les restitue en les sublimant et en les transmutant. Les humeurs charnelles deviennent parfums d'âme, elles ont partie liée avec la féerie « la rose, née de la tourbe » !
Lumières et ténèbres s'enchâssent dans un puits d'ombre sans fond où le désir ne cesse de renaître dans l'écriture ardente d'une langue qui explore l'enfer avec le sceptre baroque de la magnificence : « Des encres, à déluge, tortillent : crotales maoris enténébrant mes pognes ! »
Reste pour Paloma Hermine Hidalgo, la possibilité du ciel pour prendre un nouvel envol dans le bleu des songes avec la grâce ailée d'une colombe !
© Françoise Urban-Menninger
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Pour citer ce texte inédit
Françoise Urban-Menninger, « Rien, le ciel peut-être, poésies de Paloma Hermine Hidalgo. Recueil paru aux éditions Sans Escale avec une préface de Dominique Sampiero », Le Pan poétique des muses | Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : N° 14 | ÉTÉ 2023 « Les conteuses en poésie », volume 1, mis en ligne le 1er septembre 2023. URL :
http://www.pandesmuses.fr/no14/fum-recueildepalomaherminehidalgo
Mise en page par David
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