21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 15:46

Megalesia 2020 | Revue poépolitique | Articles et témoignages politiques

 

 

 

 

François Hollande, l’indéfinissable.

 

Journal d’une campagne présidentielle

 

(Extrait)

 

 

 

 

 

Mustapha Saha

Sociologue, poète, artiste peintre*

 

 

 

 

Cet extrait original porte sur la Campagne présidentielle de François Hollande et contient des photographies inédites :

 

 

François Hollande le confie lui-même, il vit la politique comme une vocation, un sacerdoce, une consécration. Une prêtrise sans soutane. Humanisme bourgeois et charité chrétienne. Imprégnation  durable  des années d’études chez les Frères des Écoles chrétiennes à Rouen. La politique, un chemin tracé dès l’enfance. Il se rêve Président de la République dans le berceau.  Il s’y consacre corps et âme, se faufile dans les coursives, brouille les pistes de sa trajectoire.  La consensualité et la  ténacité se conjuguent  singulièrement dans la silencieuse méthode. Et de fait, il existe chez cet homme paradoxal, une intelligence pragmatique, une perspicacité tacticienne, une subtilité florentine qui n’appartiennent qu’aux jésuites. Il fréquente le Lycée Pasteur à Neuilly, sanctifié par ses mythiques professeurs, Jean-Paul Sartre, Fernand Braudel… La philosophie lui tourne le dos. Son ami Bernard-Henri Lévy n’est pas le meilleur instructeur.  L’histoire lui ouvre un passage, il prend le raccourci des Grandes écoles. Il développe son humour comme une carapace. Il exerce ses talents, en dilettante, dans la troupe du Splendid, aux côtés de ses condisciples Christian Clavier et Thierry Lhermitte.  La sirène politique sera toujours plus forte. La politique, la pire drogue inventée par le genre humain. Les crocodiles hantent le marécage. La bourbe l’angoisse. Jamais aux bords des sables mouvants, il ne s’aventure. Il longe patiemment la digue jusqu’à bon port. Garder le cap quoi qu’il advienne. Gagner dans l’humilité. Perdre dans la dignité. En 1974, à vingt ans, il préside un comité estudiantin de soutien à François Mitterrand. Il trouve son père spirituel, son guide historique, son mentor inespéré. Il surmonte, comme il peut, son complexe d’Œdipe.

 

 

 

Quand il accède à la direction du Parti socialiste, en 1997, il s’installe dans la durée, ne cède son fauteuil de Premier secrétaire qu’en 2008, pour prendre sa revanche sur les intelligences sublimes tombées de leur piédestal et les trahisons intimes sans capital. L’homme des conciliations et des réconciliations improbables peut se prévaloir d’un bilan balsamique. Il s’entoure d’une poignée de fidèles, gère tous les autres comme des intérimaires. Il fait mine de ne rien voir, rien ne lui échappe. Il ménage les susceptibilités, bricole les procédures, déménage les concurrents sans vacarme. Il  se place délibérément en dehors de la mêlée, sauvegarde l’unité du parti, sinon dans l’armature, du moins dans les apparences, masque les divisions internes, les querelles intestines, les intrigues incessantes. Il affronte les intempéries, fait le dos rond sous l’orage, se donne des airs de sage. Le parti socialiste, sans chef populaire, sans tribun spectaculaire, sans leader solaire, traverse les tempêtes sans aller nulle part. François Hollande désamorce les défaites aux présidentielles, se présente et se représente aux congrès du parti comme seul dominateur commun,  un moindre mal,  un recours moral. Il remporte régulièrement les élections intermédiaires, arrache à la droite, un par un, ses fiefs historiques, prépare méthodiquement la conquête du Sénat par la gauche,  gagne l’amitié de plusieurs barons de province, creuse laborieusement son obscure tanière, surgit sous lumière où personne ne l’attend.

 

 

 

En novembre 2008, au Congrès de Reims, après avoir annoncé, longtemps à l’avance, qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat de Premier secrétaire, François Hollande se met volontairement en retrait, renonce symboliquement au discours de clôture, aplanit les conflits latents en coulisses, veille au bon déroulement des choses avant de passer la main. Sa bonhomie dissimile un doigté de magicien. Il joue le spectateur.  La fausse modestie absorbe les contradictions. Qu’importe si, plus tard, l’anaphore « Moi, Président » dépromet  le slogan « Président normal ». Une sainte alliance se forme hors scène contre Martine Aubry, donnée prématurément favorite. Sous grand chapiteau blanc, Bertrand Delanoë jette l’éponge. La confusion atteint son comble. Le parti est au bord de l’impulsion.  Les courants s’affrontent. Les impétrants et les courtisans se déchirent. Nul ne sort indemne de l’arène. La marcescence fatale du parti se profile. Les  vétilleux voient dans la posture effacée de François Hollande un signe  de lassitude, de résignation, de renoncement. Les faux-frères décèlent une opportunité à saisir, abattent précipitamment leurs cartes. Les impétueux  enterrent  le  sortant dans la petite histoire. Il n’en est rien. François Hollande entre, pour de bon, dans la bataille présidentielle. Sa décision est prise, sa réflexion mûrie depuis longtemps. Seul un noyau de proches connaît le secret.

 

 

 

La longue marche commence dès l’hiver 2008. L’association « Répondre à gauche » est créée dans une petite salle de la  Fédération Internationale de l’Art photographique (FIAP) Jean Monnet, dans la discrète rue Cabanis du quatorzième arrondissement de Paris.  Une vingtaine de personnes. Le bureau, sous la présidence de Stéphane Le Foll, se compose de compagnons indéfectibles, Michel Sapin, Faouzi Lamdaoui, Bruno Leroux, Dominique Villemot, Philippe Bonnefoy, Bernard Rullier… D’autres fidèles sont présents, Frédéric Scanvic, Claude Pigement, Yannick Trigance, Jean-Pierre Bequet, Didier Arnal, Jacques Blandin, Jacques Dementhon. La plupart de ces militants dévoués seront exclus  des fonctions ministérielles, des responsabilités institutionnelles, des gratifications officielles. Valérie Trieweiler et Valérie Scharre, compagnes respectives de François Hollande et de Michel Sapin, participent discrètement à l’acte fondateur. D’autres affidés suivent l’événement de leur fief, Kader Arif, François Rebsamen, Jean-Yves Le Drian, Bernard Poignant. Isabelle Sima et Vanessa Parodi montent la garde. Aucun journaliste n’est présent. Les seuls reportages photographiques de cette période sont réalisés par l’auteur de ces lignes. Le club de réflexion veut réanimer les idéaux socialistes,  concrétiser l’égalité républicaine, élaborer une alternative aux aberrations capitalistes. Une rengaine rabâchée depuis deux siècles. Le slogan « Le changement, c’est maintenant »  sonne faux. Il n’est pas de changement réel sans révolution. Il n’est pas de révolution sans conséquences imprévisibles. Ici,  l’ordre établi n’est pas remis en cause. François Hollande dévoile les grands axes de son projet, les trois pactes éducatif, productif et redistributif, les trois principes de sa démarche, la  cohérence, le réalisme, la crédibilité, les trois arcanes de sa méthode, l’efficacité, la vigilance, le verrouillage tous azimuts. Triptyque argumentaire, appris sur les bancs de l’Ecole Nationale d’Administration. La philosophie, la littérature, la culture sont exclues, rangées aux accessoires inutiles. La rhétorique se simplifie. Ne reste qu’un hublot ouvert aux technocrates sous réserve d’être munis d’une accréditation dûment  paraphée par le patron.  Les préceptes de la campagne me laissent incrédules. En filigrane, la sacralisation du système, des charnières constitutionnelles, de l’administration centrale, de la soumission mentale.  Il ne s’agit que d’une machine électorale au service d’un seul homme, chargé, sous habits neufs, de perpétuer les mêmes privilèges. Les alléchantes propositions du programme feront long feu,  comme toutes les promesses présidentielles.

 

 

 

* Nouveau livre : Mustapha Saha, Haïm Zafrani, Penseur de la diversité, éditions Hémisphères / éditions Maisonneuve & Larose, 2020.

 

Photographies inédites de la Campagne présidentielle de François Hollande.

Copyright © Mustapha Saha

 

 

François Hollande, préparant, dans sa loge, le discours du

 Bourget du 22 janvier 2012.

 Photographie exclusive © Mustapha Saha.

 

 

François Hollande, le 5 avril 2012,  avant son entrée dans l’émission La Matinale sur Canal +. Photographie exclusive © Mustapha Saha.


 

François Hollande à l’université d’été du Parti socialiste à La Rochelle du 25 – 28 août 2011. Photographie exclusive © Mustapha Saha.


 

Siège du Parti sociale, 10, rue de Solférino, Paris VIIème. Mustapha Saha, artiste-écrivain de l’ombre,  devant le poster géant illuminé de François Hollande le soir de la victoire présidentielle. Photographie exclusive © Mustapha Saha.


 

M. Saha au siège du Parti sociale, 10, rue de Solférino, Paris VIIème.. Photographie © Mustapha Saha. Le plume s’isole.


 

M. Saha, sociologue-conseiller,  dans son bureau au Palais de l’Élysée.

 Photographie © Mustapha Saha.

 

***

 

Pour citer cet article politique 

 

​Mustapha Saha (texte et photographies inédits), « François Hollande, l’indéfinissable. Journal d’une campagne présidentielle (Extrait) », Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Megalesia 2020, mis en ligne le 20 août 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/megalesia20/ms-hollande

 

Mise en page par Aude Simon

 

© Tous droits réservés                                 Retour à la Table de Megalesia

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
LE PAN POÉTIQUE DES MUSES - dans Megalesia

Bienvenue !

 

LE SITE « PANDESMUSES.FR » DEVRA BASCULER EN HTTPS DÈS LA FIN DE SA MAINTENANCE ET LE COMPTAGE DE SES PAGES À ACTUALISER. CELA PRENDRA DES MOIS VOIRE UN AN. NOTRE SITE AURA AUSSI UN THÈME GRAPHIQUE UN PEU DIFFÉRENT DU THÈME ACTUEL. POUR UNE MAINTENANCE À COMPTER DU 20 OCTOBRE 2023. CETTE OPÉRATION POURRAIT PERTURBER VOIRE RALENTIR LA MISE EN PAGE DE NOUVEAUX DOCUMENTS. MERCI BIEN DE VOTRE COMPRÉHENSION ! 

Rechercher

Publications

Dernière nouveautés en date :

VOUS POUVEZ DÉSORMAIS SUIVRE LE PAN POÉTIQUE DES MUSES  SUR INSTAGRAM

Info du 29 mars 2022.

Cette section n'a pas été mise à jour depuis longtemps, elle est en travaux. Veuillez patienter et merci de consulter la page Accueil de ce périodique.

Numéros réguliers | Numéros spéciaux| Lettre du Ppdm | Hors-Séries | Événements poétiques | Dictionnaires | Périodiques | Encyclopédie | ​​Notre sélection féministe de sites, blogues... à visiter 

 

Logodupanpandesmuses.fr ©Tous droits réservés

 CopyrightFrance.com

  ISSN = 2116-1046. Mentions légales

À La Une

  • La poésie volcanique de Chantal Robillard
    N° I | HIVER-PRINTEMPS 2025 | INSPIRATRICES RÉELLES & FICTIVES | 1er Volet | Critique & réception / Printemps des Poètes 2025 | Astres & animaux / Nature en poésie La poésie volcanique de Chantal Robillard Critique par Françoise Urban-Menninger Blog officiel...
  • Recension-Préface de Peau par Manon Godet
    N° I | HIVER-PRINTEMPS 2025 | INSPIRATRICES RÉELLES & FICTIVES | 1er Volet | Critique & réception Recension-Préface de Peau par Manon Godet* Préface de Arwa Ben Dhia Poétesse, auteure, ingénieure, docteure en électronique Page Linkedin : https://www.linkedin.com/in/arwa-ben-dhia-phd-0538b011/...
  • Joyeuse année poétique et créative 2025 !
    LE PAN POÉTIQUE DES MUSES (LPpdm) REVUE FÉMINISTE, INTERNATIONALE ET MULTILINGUE DE POÉSIE ENTRE THÉORIES ET PRATIQUES VOUS ADRESSE SES MEILLEURS VŒUX POUR L’ANNÉE 2025 ! Crédit photo : Chen Shu ou Chén Shū (1660-1735, artiste-peintre chinoise), « Beautiful...
  • “Les fleurs d’Aïcha”, la mémoire du geste
    N° I | HIVER-PRINTEMPS 2025 | INSPIRATRICES RÉELLES & FICTIVES | 1er Volet | Dossiers majeur & mineur | Florilèges | Nature en poésie | Poésie visuelle & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Créations poétiques “Les fleurs d’Aïcha”, la mémoire du geste Poème...
  • Hirondelle Parestoo
    N° I | HIVER 2025 | INSPIRATRICES RÉELLES & FICTIVES | 1er Volet | Dossiers majeur & mineur | Florilèges | Astres & animaux/Nature en poésie | Poésie politique & REVUE ORIENTALES (O) | N° 4-1 | Créations poétiques Hirondelle Parestoo Poème engagé & féministe...
  • Bonnes fêtes poétiques de fin d'année 2024 !
    LE PAN POÉTIQUE DES MUSES (LPpdm) REVUE FÉMINISTE, INTERNATIONALE ET MULTILINGUE DE POÉSIE ENTRE THÉORIES ET PRATIQUES VOUS PRÉSENTE SES MEILLEURS VŒUX POÉTIQUES POUR LES FÊTES DE FIN D'ANNÉE 2024 ! Crédit photo : Marie Stillman (1844-1927), « The Rose...
  • Pour l'étoile du matin & La crèche
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Dossier mineur | Florilège / Poésie des aïeules | Poésie & Littérature pour la jeunesse | Astres & animaux / Nature en poésie | Spiritualités......
  • Un voyage grandiose dans les livres
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Critique & réception / Chroniques de Camillæ Un voyage grandiose dans les livres Critique Camillæ/Camille Aubaude https://everybodywiki.com/Camille_Aubaude...
  • Hommage à Notre Dame par deux poètes Dijonnais de la revue de poésie Florilège
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Dossier mineur | Florilège | S'indigner, soutenir, hommages & lettres ouvertes Hommage à Notre Dame par deux poètes Dijonnais de la revue...
  • La Petite-Fille-Aux-Feuilles-Mortes. Récit poétique de Lucrèce Luciani paru aux éditions Azoé
    N° IV | AUTOMNE 2024 | NUMÉRO SPÉCIAL 2024 | Les femmes poètes européennes par Lya Berger (1877-1941) | 1er Volet | Critique & réception | Poésie & littérature pour la jeunesse La Petite-Fille-Aux-Feuilles-Mortes Récit poétique de Lucrèce Luciani paru...