Megalesia 2020 | Poésie des aïeules | Cuisiner en poétisant | Sourires & rires féministes
La marmite
Texte choisi, transcrit et commenté brièvement par Dina Sahyouni pour cette revue
Le poème "La marmite" est de SOUCHIER, Adèle (1832-19..?), L'Oiseau blessé. Poésies, paris, Bloud et Barral, libraires. 18, rue Cassette, 18, 1878. Méconnue, la poētria (poète/poétesse/etc.) Adèle Souchier est née le 27 août 1832 à Romans-sur-Isère dans la Drôme en France. On ignore pour le moment la date de son décès au XXe siècle.
J'ai découvert Adèle Souchier en lisant, il y a déjà quelques années, le périodique dit d' érudition la "Revue du Lyonnais" où elle était rédactrice et critique littéraire. Elle y a publié des textes en vers et en prose. On prépare par ailleurs quelques billets sur elle pour les périodiques féministes et l'encyclopédie de la SIÉFÉGP, et aussi pour le "Dictionnaire critique...".
En ce qui concerne le poème intitulé "La marmite". Ce texte inspiré de "La Bouilloire", est à la fois parodique, humoristique et très stylé. L'imaginaire "réaliste" de notre poétisante nous permet de comprendre l'utilité pour une poētria du XIXe siècle de se réapproprier les ustensiles de la cuisine de la vie réelle comme Muses et rappelle que les objets féminins leurs histoires, usages et l'imaginaire qui en découle inspirent aussi les femmes. "La marmite", semblable aux contes de fées des femmes de lettres, mêle la banalité des plaisirs de la table aux mœurs des hommes "viriles", bons vivants et bons guerriers attendant leur souper préparé avec grand soin par la bonne ménagère (la fée du logis) dans la marmite "nourrice" ou la "gamelle" du brave soldat.
Le vocabulaire hautement symbolique et finement choisi dévoile en partie la moralité de ce poème suspendu entre un conte moral et une fable d'une chansonnière.
Comme nous l'expliquent les deux derniers quatrains du poème. La marmite est une métonymie métaphorique de la femme dans la société. Ainsi, on passe de la marmite magique de la sorcière et de la marmite paysanne nourricière à la terre, à la campagne et (au sein nourricier de) la femme et mère souvent surexploitées par l'humain et particulièrement par des hommes fiers de leurs virilité et pouvoirs...
[P. 98 réelle du livre papier/p. 100 du livre PDF]
La marmite
Pièce réaliste dédiée à M. V. Arnaud, auteur de La Bouilloire.
Puisqu'on a chanté la bouilloire,
Ô marmite, je veux aussi,
Mais sans un air triste et transi,
Exalter ta modeste gloire.
Dis-moi, dans ton sublime flanc,
Que contiens-tu, noble nourrice ?
Qu'un fin parfum nous avertisse
Que ce n'est point un bouillon blanc.
Tu laisses à la rêverie
Tout un vaste et frais horizon ;
Morceau de bœuf en ta prison
Nous mène au loin dans la prairie.
Les gourmands te font les yeux doux,
Si la senteur du lard rappelle
Qu'en toi se prépare, ô ma belle,
La succulente soupe aux choux.
Cela fait songer à la ferme,
Aux mœurs agrestes en plein vent,
Lorsqu'on vient manger sous l'auvent
Les simples mets qu'elle renferme.
On voit d'ici les travailleurs
Goûtant au potage rustique
Alors, la brise poétique
Vient sécher viriles sueurs.
Et pendant ce repas champêtre,
L'alouette chante un refrain,
Le beau coq aussi va son train,
Les agneaux rêvent d'aller paître.
La métayère a de grands yeux,
un air riant, plein de franchise,
Un teint rouge, quoi qu'elle en dise,
Des dents, émail délicieux !
Elle sourit aux marmots roses,
En cheveux blonds ébouriffés
Et si sans façon attifés,
Qu'ils dérident les fronts moroses.
Quel appétit ! voyez-les tous
Faire leur cour à la marmite,
Oh ! pour eux, elle est trop petite,
Quand elle a du lard et des choux.
Leur embonpoint vient comme un charme,
Leurs petits bras sont potelés,
Ces gaillards, vite consolés,
Se battent, mais sans une larme.
Lorsque arrivera le moment
De combattre pour la patrie,
Laissant là leur ferme chérie,
Ils prouveront leur dévouement.
Ils souriront à la gamelle,
Sans grimaces et sans dédain,
Comme à toi, marmite, et soudain
Ils obtiendront vigueur nouvelle.
[P. 101 réelle du livre papier/p. 103 du livre PDF]
Les fils des champs, braves lutteurs,
Heureux de mourir pour la France,
Immoleront leur existence
Dans les fiers combats des grands cœurs.
Donc, hourrah ! pour l'humble ustensile
Préparant la moelle des forts !
Il sait soutenir leurs efforts,
Il est éminemment utile.
Ainsi, tout simplement rêvant,
Devant une pauvre marmite,
Un je ne sais quoi vous invite
À voir plus loin qu'elle souvent.
***
Pour citer ce poème
Adèle Souchier, « La marmite », texte choisi, transcrit et commenté brièvement par Dina Sahyouni pour Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Megalesia 2020, mis en ligne le 1er août 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/megalesia20/adele-souchier-marmite
Mise en page par David Simon
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