Événements poétiques | Le Printemps des Poètes | « Les femmes & le désir en poésie »
Tristesse d'Actéon
Crédit photo : Diane de Versailles Leochares, domaine public, image de Commons, Wikimedia.
Ciels bruts, herbages bleus, couronnes des monts chauves,
Gouffres tempétueux par l’espace habités,
Où passe en rugissant la meute des clartés
Ainsi que des mâtins miniatures et fauves,
Que si je chois, soyez mon repos, linceuls d’air !
Catafalques, soyez les courants où varient
Les ramas vains des soifs insanes qui châtient
Mes visitations dans la forêt de chair !
Chasseur impatient, j’ai surpris la déesse,
Diana, qui se fardait aux mares, mais son teint
Éclatant mal cachait la traque et le butin,
Et les odeurs des peaux, du sang frais, de l’ivresse !
Diana, ses seins faisaient, résineux, des flambeaux
Sur le palus fécond du ventre où s’abîmait
La chasse tour à tour atroce et sublimée :
Les cris rauques des chiens, les désirs les plus beaux,
Qui écorchaient pourtant, ô tristesses d’archanges,
L’enfant nu, déchiré par le mythe cruel !
Hélas ! Mes poignets pris par les dogues du ciel
Au rythme qu’imprimaient leurs morsures étranges
Se tordaient sous la lune, inconsolablement !
J’apercevais, candeur sans malice des bêtes,
Reluire, au fond du noir des gueules, les luettes
À travers les à-coups des crocs du sentiment !
« Ne bande pas ton arc, ô Diana, m’écriai-je,
« Diana, mon œil distrait dans la nuit ne voit rien ! »
Mais, en lieu, c’est le cri du brame qui me vient
Sauvage, et secouant ma tête sacrilège.
Je suis changé ! Je fuis, fouaillant des deux bois
Puisque j’ai, dévoré de frissons, blanc de fièvres,
Des cornes sur mon front et de la bave aux lèvres.
L’on entend, loin, qu’il est un grand cerf, aux abois,
Un dix cors, crânement, qui écrase les mousses,
Dans les brumes, aux bords des étangs désormais ;
Et tous-ceux-là des coins que la chasse connaît
Avec leurs chiens déjà se jettent à ses trousses !
Mais moi, qui fus chasseur, qui suis cerf, je me bats,
Je heurte, foule et brise ; et mes épois embrochent
Les ventres doux qui font, dégouttant vers les roches,
Des lacs caillés, âcres et bleus, sous mon sabbat !
Puis comme enfin je vais solitaire en la place,
Le souffle court, presque pâmé, fumant parmi
Les cadavres que j’ai disloqués à demi,
L’on entend de nouveau le cri d’un cor de chasse…
La chasse encor, toujours ! qui bat les monts suivant
Ces chemins où je fis, par les sentes de l’âme,
Karma atroce, hélas ! des empreintes souvent !
C’est ma meute d’hier contre moi qui réclame !
Et, du fond de moi-même, assidûment renaît,
Hâtant le pas après les miens, comme une flamme,
La faute de naguère en les échos du drame,
Sans fin ! pour se rejouer dans les clairs du genêt :
Voici Diana, Diana ! Sans répit et sans voile !
Diana ! Dont le courroux m’apporte pour courir
L’ivresse d’accorder la mort, puis de mourir
Quand tombe l’heure, ainsi qu’à l’aube mon étoile…
Voici la nudité terrible et le combat
Sur les talons des bois quand le marais s’abîme…
Voilà le reste : Un peu de bonheur dans le crime…
Triste bonheur, suivi du remords qui s’abat !
Où fuirai-je, s’il faut que ce temps de la chasse
Ne me soit qu’un exil désormais où luit
Rouge ma faute, au grand soleil, après la nuit,
Tandis que l’âme se confond avec l’espace ?
Où irai-je ? Où fuirai-je ? Il n’est aucun repos ;
Je suis cerné ! Je brame ! A moi ! Mes larmiers pleurent !
À moi ! Ma mort m’est comme une sueur légère,
Une bruine de sang qui fume sur la peau,
Ma mort soudain, hélas ! où pourtant je demeure !
Aux fautes de l’amour, n’est-il aucun pardon,
Affreusement que l’amertume en l’abandon
Diana ! Diana ! Sous les ramures familières ?
***
Pour citer ce poème d'amour sur le désir
Gabriel Hecker, « Tristesse d'Actéon » poème inédit d'amour, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Événement poétique|Le Printemps des Poètes « Les femmes et le désir en poésie » sous la direction de Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 8 mars 2021. Url :
http://www.pandesmuses.fr/desir/gh-tristessedacteon
Mise en page par Aude SIMON
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