Poèmes
Les arrosoirs, Prendre la clef des champs,
Sous le griottier, & Une rose gelée au jardin
Jérôme Aviron
© Crédit photo : Collection Jardins par Claude Menninger
Les arrosoirs
À Dakar, le 26 mars 2012
Au fond du jardin la vieille serre,
Rouille un peu plus chaque année,
Quand tombent ses carreaux de verre,
Comme une bisaïeule édentée.
Entre l’oseille que l’on mâchouille,
Le long des planches tirées au cordeau,
Et les quelques semis de fenouil,
Trainent les fameux arrosoirs d’eau.
Lorsque s’annonce la nuit, mamie s’échine,
À les porter en large et en travers,
Pour abreuver les haricots-verts,
Ou la capiteuse glycine.
De son coté papi tamise,
Le lopin de terre qu’il vient de bêcher,
Sans chapeau comme il est de mise,
Au grand dam de son épouse fâchée.
Mais tous deux savent fort bien,
Que leur nombreuse famille,
Profitera des coings,
Et de la blanche camomille.
Dès l’aube jusque tard au soir,
Le potager derrière la maison,
Ne se lasse pas de les recevoir,
Au retour de la belle saison.
Théâtre à ciel ouvert,
Des joies simples et de petits drames,
Ce paisible univers,
A bercé mon enfance, plein de charme.
Aujourd’hui, il dort dans ma mémoire,
Nourri et logé comme un loir,
À l’abri du temps qui passe,
En ne laissant aucune trace.
Prendre la clef des champs
Poème sur le genre (masculin/féminin)
À Lyon, le 28 juin 2012
La clef des champs ouvre bien des portes,
Celle du bureau que l’on supporte,
Ou de notre imagination,
Docile aux pérégrinations.
Le beau temps par la fenêtre,
Nous invite à nous estourbir,
Dans l’air embaumé, champêtre,
Qui nous berce avant de dormir.
Les fleurs des bois sommeillent,
Dans la pénombre du soir,
Teintée de couleurs vermeilles,
Mortes dans la nuit noire.
Fugace, le brouhaha taciturne
Des bêtes sauvages,
Emmaille les courtes heures nocturnes,
Au creux des bocages.
Tout le bestiaire enchanté s’anime,
Des grenouilles à la chouette,
Pour accompagner qui badine
Dans les fourrés, drôles de pirouettes.
La mousse des taillis,
Est propice aux amoureux,
Loin des aigres baillis,
Blottis le long des chemins creux.
Comme l’on se couche, on fait son lit,
Parfois craintif ou sans peur,
On redoute l’hallali,
De tous les petits instants de bonheur.
Mais la vraie clef d’une paix profonde,
Se trouve sous la voûte des cieux,
Au chariot d’étoiles vagabondes,
Sages messagères du Bon Dieu.
Sous le griottier
À Cormorand, le 1er septembre 2011
1h00
Depuis quelques années
Elle dort sous le griottier,
Celle qui, le museau altier,
Se plaisait à badiner.
Avec le fruit de sa progéniture,
Calinou, ce bon pacha,
Chlorophylle sous les vertes ramées,
S’amusait à chien et chat.
Caprice, subtile braque française,
Se laissait souvent prendre au jeu
Des félins de la maison, qui à leur aise
Passaient sous son nez, l’air courageux.
Elle savait les esquiver,
Quand d’un brusque bond elle quittait
La terrasse, pour achever
Sa course au pied de la futaie.
Ici, elle trouvait quelque fraicheur
Aux longs jours ensoleillés,
Loin du bruit et des marmots rabâcheurs
Qui l’ont souvent effrayée.
L’herbe tendre l’invite
À s’allonger de tout son long,
Moments exquis où l’on profite
De ce fort beau vallon.
Ce soir, il faudra revenir à la niche
Où son maître l’entraine,
Enfermée la semaine
Dans le chenil dont tout le monde se fiche.
Samedi prochain, elle profitera
D’un mince filet de liberté,
À travers les étangs où papa ira
Promener son fusil indompté…
Une rose gelée au jardin
01/94
Ce matin une rose gelée au jardin,
Pleine d’entrain m’a causé un brin :
« Connais-tu mes couleurs, mes senteurs,
Pleines de douceur et de profondeur ?
Ne t’en vas pas ami joli,
Ne t’enfuis pas d’ici,
Je te donnerai, foi de rose, toutes ces choses,
Qu’une saison éclose, avec bonheur expose.
Je te vouerai ma vie, mes envies et mes folies,
Je chanterai pour toi des airs jolis,
Et toutes nos nuits ne seraient qu’émois ravis.
Connais-tu la valeur de mes heures à jamais enfuies ?
Jamais je ne pleure sur des leurs, mauvais amis ».
Ce matin une rose fanée au jardin,
Lie de vin s’en est allée au loin…
Pour citer ces poèmes
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Jérôme Aviron , « Les arrosoirs », « Prendre la clef des champs », « Sous le griottier » & « Une rose gelée au jardin » , Le Pan poétique des muses|Revue internationale de poésie entre théories & pratiques : Dossiers « Jardins d'écritures au féminin », « Muses & Poètes. Poésie, Femmes et Genre », n°3|Été 2013 [En ligne], (dir.) Françoise Urban-Menninger, mis en ligne le 1er juin 2013. |
Url.http://www.pandesmuses.fr/article-n-3-les-arrosoirs-prendre-la-clef-des-champs-sous-le-griottier-une-rose-gelee-au-jardin-117752730.html/Url. |
Auteur(e) |
Jérôme Aviron, est âgé de 43 ans et plus toutes mes dents, handicapé depuis la naissance. Juriste de formation, il travaille à Lyon pour une collectivité publique. Poète en herbe, il aime écrire comme l’on peint une toile… |