Hommage poéféministe | Textes poétiques
À celles qui pleurent,
L'horloge arrêtée
& Dors
Poèmes choisis & transcrits pour cette revue par Dina Sahyouni
Crédit photo : "Tristesse" domaine public, Commons.
Ces textes présents ci-dessous sont des extraits de DESBORDES-VALMORE, Marceline, Bouquets et prières, Paris, Dumont, éditeur, Palais-Royal, 88 au salon littéraire, 1843, pp. 5-6, 45-46, 79-80. Le recueil appartient au domaine public.
Dieu pleure avec les innocents
À celles qui pleurent
Vous surtout que je plains si vous n'êtes chéries ;
Vous surtout qui souffrez, je vous prends pour mes sœurs :
C'est à vous qu'elles vont, mes lentes rêveries,
Et de mes pleurs chantés les amères douceurs.
Prisonnière en ce livre une âme est contenue :
Ouvrez : lisez : comptez les jours que j'ai soufferts :
Pleureuses de ce monde où je passe inconnue,
Rêvez sur cette cendre et trempez-y vos fers.
Chantez : un chant de femme attendrit la souffrance.
Aimez : plus que l'amour la haine fait souffrir.
Donnez : la charité relève l'espérance ;
Tant que l'on peut donner on ne veut pas mourir !
Si vous n'avez le temps d'écrire aussi vos larmes,
Laissez-les de vos yeux descendre sur ces vers ;
Absoudre, c'est prier. Prier, ce sont nos armes :
Absolvez de mon sort les feuillets entrouverts.
Pour livrer sa pensée au vent de la parole,
S'il faut avoir perdu quelque peu sa raison,
Qui donne son secret est plus tendre que folle :
Méprise-t-on l'oiseau qui répand sa chanson ?
L'horloge arrêtée
Horloge d'où s'élançait l'heure
Vibrante en passant dans l'or pur,
Comme l'oiseau qui chante, ou pleure
Dans un arbre où son nid est sûr :
Ton haleine égale et sonore,
Dans le froid cadran ne bat plus ;
Tout s'éteint-il comme l'aurore
Des beaux jours qu'à ton front j'ai lus !
Dors
Dieu donne l'intelligence aux petits.
L'orage de tes jours a passé sur ma vie ;
J'ai plié sous ton sort ; j'ai pleuré de tes pleurs ;
Où ton âme a monté, mon âme l'a suivie ;
Pour aider tes chagrins, j'en ai fait mes douleurs.
Mais, que peut l'amitié ? l'amour prend tout une âme !
Je n'ai rien obtenu ; rien changé ; rien guéri :
L'onde ne verdit plus ce qu'a séché la flamme,
Et le cœur poignardé reste froid et meurtri.
Moi, je ne suis pas morte : allons ! moi, j'aime encore ;
J'écarte devant toi les ombres du chemin :
Comme un pâle reflet descendu de l'aurore,
Moi, j'éclaire tes yeux ; moi, j'échauffe ta main.
Le malade assoupi ne sent pas de la brise
L'haleine ravivante étancher ses sueurs :
Mais, un songe a fléchi la fièvre qui le brise ;
Dors ! ma vie est le songe où Dieu met ses lueurs.
Comme un ange accablé qui n'étend plus ses ailes,
Enferme ses rayons dans sa blanche beauté,
Cache ton auréole aux vives étincelles :
Moi je suis l'humble lampe émue à ton côté.
***
Pour citer ces poèmes
Marceline Desbordes-Valmore, « À celles qui pleurent », « L'horloge arrêtée » et « Dors », poèmes extraits de DESBORDES-VALMORE, Marceline, Bouquets et prières, (1843), choisis et transcrits par Dina Sahyouni, Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Hommage poéféministe au professeur Samuel Paty, mis en ligne le 1er novembre 2020. Url : http://www.pandesmuses.fr/21octobre/mdv-dors
Mise en page par Aude Simon
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