Poèmes satiriques
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Au Singe-Rêve Hôtel & Thérèse dolorosa
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Carole Clotis
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Au Singe-Rêve Hôtel
À l’entrée on lui donnerait la clef
Elle pourrait passer. Sourire circonspect
Aurait-il reçu la même
Cet ouvre-toi du rêve
Invité à l’hôtel de la grâce
Mais ce n’était qu’un mime
Ô pénible oubli !
Dans cet hôtel sombre à l’Ouvrage il s’établirait
– La place est-elle libre
Quelle place il n’y en aurait pas
Lui reviendrait la verve cartomancienne
On viendrait quand le nid sera fait
La chercher
Or ce soir-là rien ne serait prêt
Sauf une présence balbutiante
Et les vils mots amis
– C’est mathématique vous avez mal compté
Ne pas jouer, ne plus singer
Cette vie comme une pluie de printemps
Venue tomber
Intraitable rideau
Du plus grand régisseur
Agir ou laisser grandir
Cette idée
Invitée
Accrochée
À la chair
Et si la vie se meurt
Reviendra-t-elle jamais
Tout serait là en germe
À la lisière de la vie vécue
Et du rêve de la vie voulue
À la frange de ces mètres carrés
Où se pensaient les mots
Où il muerait la vie
L’appelant en morceaux
Sous ses bois musicaux
Gardée pourtant, la clef
Rendue en se rendant
Il la suivrait saurait
Les couleurs belles, cordes toquées
Souffle mental et timbre à soi
Routes d’exil vies redoublées
Langues jamais d’ici
L’enfant sur un papier
Déjà couché, déjà nommé
Prénom déjà donné
Dans l’usure de l’attente
Jamais comblée
Lumière que le feu brûlerait
Pour donner à ce corps
Par trop rêvé
Un Ishtar-et-Tammuz
Un tu es né encore
Adieu à celle
Qui n’existait qu’en Singe-Rêve.
***
Thérèse dolorosa
(L’inverno ti farà tornare)
Il ne reviendra pas l’hiver ne vous le rendra pas
Robert Langlois a eu peur les mains hautes
Celui qui est rentré vous pétrifie
Pour souvenance éternelle une blessure cicatrise
En trait d’union l’impossible confusion
R.L. baie abstruse déconfite en son monde
Hors de l’eau sauf le cerveau
Où s’abîme l’infini tourbillon de saison
Décembre vente en plein noir et blanc
Quand est-on ?
C’est l’été pourtant dans votre robe à pois
Et ce vitrail cerclé comme un théâtre d’ombres
C’est le cycle piégeux – vous n’y échappez guère
Juillet vous le rendra comme ultime feu follet
Vous le suivrez, l’inviterez, congédierez le prétendant
Guidée par le fil tors de sa nébuleuse ocre
Vous construirez une Babel à quatre mains
Deviendriez-vous folle vous erreriez encore
Sur le fil des eaux de Puteaux
Votre regard hante le sien dans le vouloir
Et se fige en sa mémoire clocharde
L’amour, votre amour c’est l’oubli délicat en plein soleil
Dans la valse vespérale des corps
– Et de danser, vous vous souvenez ?
Mais la morte hivernale c’est vous, il est là vous n’y êtes
Sauf les rémanences embarquées que vous halez qui vous égarent
Jamais vos sémaphores ne rencontrent son spectre
Le désir nu sérotinal même crié dans d’autres corps
C’est à pleurer une âme entière
Foulant le sol de votre bar vous portez loin l’espoir
De sa révolution au creux de vos reins larges
Et face au tourne-disque raide spectatrice
Entendez le chant du retour odysséen
Soudain s’animent quinze blancs silences
Dans la convocation dardée de tous les sens – et des frimas
Renaît le chanteur d’opéra
Vos pieds vous portent debout nourricière
Qu’il goûte ce Bleu du Maine et se souvienne
Or une feuille de papier trouée
C’est tout ce qu’il vous avait présenté
Votre sourire amoureux vous le cultiverez blet
C’est le rai nitescent de son crâne oublieux
Poème écrit le 18 juin 2016 après avoir vu le film franco-italien de Marguerite Duras/ Henri Colpi, Une aussi longue absence, film magnifique qui m'a inspiré ces mots sur la folie-ou non ?- d'une femme.
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Biographie
Carole CLOTIS enseigne le français, écrit, photographie. Elle est l'auteur de poèmes dont l'un a été lu à Beaubourg et diffusé dans les Fictions de France Culture en juin 2016. Elle a aussi préfacé Pays Messin, du sculpteur et écrivain Jean-Marie Wunderlich et travaille actuellement à deux projets d'écriture.
Pour citer ces poèmes
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Carole Clotis, « Au Singe-Rêve Hôtel » & « Thérèse dolorosa » , Le Pan poétique des muses|Revue féministe, internationale & multilingue de poésie entre théories & pratiques : Lettre n°8 [En ligne], mis en ligne le 7 octobre 2016. Url : http://www.pandesmuses.fr/2016/10/singe.html
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