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À Avignon et Nice en pensée :
au Sud, la douleur (profonde presque indicible),
au Sud, le théâtre (au Sud, un tendre soleil) |
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À Avignon et Nice en pensée : au Sud, la douleur (profonde presque indicible), au Sud, le théâtre (au Sud, un tendre soleil).
Vous irez voir vous-même la programmation 1.
De la musique, des débats, quelques hommes politiques… du théâtre partout et même aux coins des rues.
Tout cela, c’était le 14 juillet, dans l’après-midi. Et puis est venue la soirée.
Assommée. Trop de douleur, j’éteins la radio et je me couche, la tête vide.
En ce matin du 15 juillet où les pensées sont encore confuses, je scrute les réseaux sociaux, à la recherche de la dignité.
Nice, frontière franco-italienne. Je pense à George Forestier, niçois, immense penseur du théâtre et du monde. La pensée est inquiète : comment va-t-il ?
Je pense à Andrea Fabiano. Immense penseur du théâtre, immense penseur du monde, qui vit entre ces deux pays. Dans l’un, il travaille, dans l’autre, il aime.
Je pense à Piermario Vescovo, immense penseur du théâtre, immense penseur du monde, qui vit à Venise et aime la France. Aujourd’hui, à Venise, c’est la fête du Redempteur, une fête traditionnelle, ce soir il y aura un pont de bois entre le Zattere et la Giudecca, ce soir, il y aura un feu d’artifice dont les reflets illumineront le canal qui les sépare.
Je pense à ma sœur, Française, vivant à Rome.
Je pense à moi, pour qui l’amitié franco-italienne est une raison d’être.
Que dire ? Que faire ?
Rien. Il n’y a rien à faire. Rien d’autre qu’à accueillir la douleur et à chercher à la déjouer.
Écrire oui.
Et faire fleurir l’espoir.
Avignon.
Avignon.
Avignon.
L’espoir, c’est Avignon.
Ce matin, le soleil est noir. Ce matin, le soleil est noir. Je pense à Julia Kristeva, Soleil noir. Je pense à Sollers, bien sûr, une sorte de père obscur.
Je pense à ce voyage en Toscane à l’âge de sept/huit ans. Je pense à la découverte, enfant, de l’Italie. Je pense aux paysages de Toscane. Je pense à Rapolano Terme… Les rollers avec mon frère sur l’aire de jeu dédié aux enfants dans cette petite ville.
Je pense à l’innocence. Je me dis, il faut la préserver, sans naïveté.
Je pense à Avignon.
Je pense à mon futur métier, Professeur des coles. Je pense à tout ce travail qui m’attend pour déjouer tous les pièges, toutes les jalousies entre enfants, toutes les chamailleries, pour adoucir la douleur des enfants qui parfois est terrible. Je pense à tout ce travail qui m’attend.
Je pense à Avignon. Le théâtre, là où je suis aussi femme.
Là-bas,il y a une petite exposition qui s’appelle « La chute d’un ange ». Spectacle pour les yeux. Les images sont violentes, il faut comme dit Aristote, les purger par les images les plus soignées. Les images sont violentes. Je vais peut-être appeler ma mère tout à l’heure. Sa voix douce et magique m’apaise toujours. Les images sont violentes. France Musique a modifié sa programmation. Écouter ? Écouter de la musique ? Soigner la violence des images par la douceur des sons ?
Non. Même pas. Silence. Silence, silence.
Je pense à cette petite exposition. Je pense à Promethée enchaîné, mis en scène par Olivier Py. Je pense aux Damnés, joués par la troupe de la Comédie-Française.
Je jette un œil à la programmation.
Il y a aussi des « ateliers de la pensée ». Tout est là. Tout est possible. Et l’impossible se produit.
Je pense à ce spectacle vu à Venise il y a peu, En attendant Godot. Je ne veux plus attendre. Je ne veux plus attendre que la douleur passe.
Je vais vivre et être heureuse, malgré les fous.
Je serai Professeur des Écoles, poète, femme, intellectuelle (comme Hannah Arendt, exactement comme Hannah Arendt 2), et je passerai toutes mes vacances à Avignon.
Malgré Nice.
Et je vais passer, en attendant de reprendre le travail à la rentrée, n’en déplaise à Nice, des vacances « nice », au bord de la mer, au bord de ma mer, à côté de la petite crique où dès l’enfance, j’ai passé des heures infinies à méditer à son contact, images, bruits de la mer, vagues.
Vagues.
Vaguedivague comme dit Pablo Neruda 3.
La douleur est profonde. Où trouver de la consolation ? Penser à cette phrase d’Éluard « tristesse beau visage » … ? Penser à cette phrase d’Aragon « certains jours, j’ai rêvé d’une gomme à effacer l’immondice humaine » … ?
Les gommes de tous les enfants dont je m’occuperai à l’avenir seront ces genres de gommes-là. Le reste, tout le reste, est enfermé dans l’intimité de mon recoin calcaire, à Saint Georges de Didonne, en Charente-Maritime.
Et aussi, à Avignon. Terre provençale.
Terre âtre.
La joie vaincra.
La vie aussi 4.
Notes
2. Il y a un livre jeunesse sur elle, de la merveilleuse maison d’édition « Les petits Platons », qui s’appelle Le petit théâtre d’Hannah Arendt, on n’y lit qu’elle est une penseuse de terrain
3. Voir « Vaguedivague » est le titre français du recueil Estravagario qui date de 1958.
4. À l’instant, le Festival d’Avignon communique sur Facebook : la vie vaincra. « Dans cette journée de deuil, nous réaffirmons qu’un spectateur est une femme, un homme, un enfant engagé, sa seule présence fait mentir les ténèbres. Être ensemble aujourd’hui est notre force. C’est un geste de résistance. Horatio dit à Hamlet « suspend ta douleur pour dire mon histoire ».
Nous n’allons ni suspendre ni nier notre douleur, mais la dire sans interrompre la vie et notre solidarité avec les victimes. Nous allons dire encore l’histoire commune, la commune présence et l’espoir que nous nous donnons les uns aux autres. Face à ceux qui veulent imposer le silence, nous vous proposons non pas de faire une minute de silence mais d’applaudir ensemble les forces de vie. »
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À Avignon et Nice en pensée : au Sud, la douleur (profonde presque indicible), au Sud, le théâtre (au Sud, un tendre soleil) http://www.pandesmuses.fr/2016/07/Avignon.html |